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Résistance contre l'uniformité culturelle

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Default profile picture sven becker

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Un petit cercle de cinéphiles offre une seconde jeunesse à la programmation cinématographique de Vilnius.

Lumineuse et attrayante, l’entrée du vieux cinéma ‘Skalvija’ sur les rives du Négris, attire l’œil. A l’intérieur, une poignée de jeunes gens se réchauffent dans le flambant neuf café ‘Bruce Lee’, aux murs fraîchement repeints. Les spectateurs patientent pour la projection de ‘Murder Ball’, un documentaire poignant sur un basketteur en fauteuil roulant. « Par rapport à l’année dernière, le nombre de spectateurs a augmenté de 350% », s’enthousiasme Greta Zabukaité, directrice du ‘Skalviya’.

De bons films et un décor chaleureux

La programmation du ‘Skalvija’ s’adresse plutôt à un public exigeant, qui préfère le cinéma alternatif aux superproductions hollywoodiennes. Pour assouvir cette passion du film d’auteurs, les fidèles sont prêts à renoncer au luxe superflu. En effet, la petite salle n’offre pas de technologie ‘Dolby Surround’ dernier cri. L’endroit est même assez frisquet en hiver. Pour compenser ces désagréments, la programmation est variée et une pile de couvertures chaudes sont disponibles à l'entrée. Les spectateurs, nombreux au demeurant, n’ont besoin de rien de plus pour passer une soirée agréable.

Il faut dire que la mission de ce cinéma va au-delà de la simple projection de films : le ‘Skalvija’ a depuis peu ouvert une école de cinéma destinée aux jeunes Lituaniens. Les étudiants peuvent donc y faire leurs premiers pas dans l’univers du 7ème art.

Avec le soutien de professionnels, ils apprennent la comédie, la production et les techniques cinématographiques. « Nous voulons encourager le talent des jeunes et éveiller leur intérêt pour la culture. C’est ainsi que nous préparons l’avenir », explique Greta Zabukaité.

Plaire aux jeunes

Changement de décor : 19 heures dans le très futuriste ‘Life Club’, non loin du centre de Vilnius, une centaine de jeunes se sont déjà rassemblés. Les stars de la télévision lituanienne arrivent sous les flashs des photographes. Dans une ambiance légèrement électro, autour de petits fours light, on donne le coup d’envoi de l’annuel ‘Kino Pavasaris’ [Printemps du cinéma], le plus grand festival de Vilnius.

Le nombre de participants a doublé en l’espace de deux ans. L’organisatrice Vida Ramaskiene espère encore plus de succès que l’année dernière grâce à la projection d’excellents films internationaux tels que ‘The Road to Guantanamo’ de Michael Winterbottom ou le long métrage hongrois ‘Taxidermie’. « Nous voulons avant tout attirer les jeunes. S'ils ne s’intéressent plus aux festivals et à leur programmation, dans quelques années, il n’y aura plus rien », glisse Vida Ramaskiene.

La survie des professionnels de la culture est depuis quelques années remise en question en Lituanie. Le ‘Lietwa’, le plus important cinéma indépendant du pays, a fermé ses portes à l’automne 2005. Le bâtiment était soi-disant en ruine. A la place du cinéma, les promoteurs immobiliers prévoient de construire des logements destinés aux classes aisées nouvellement établies en ville. Au même moment, la mairie a fait savoir que le ‘Skalvija’ allait être vendu à des investisseurs privés. Raison invoquée : les spectateurs n'étaient pas au rendez-vous et le cinéma cumulait d’énormes dettes.

Envie de diversité

Ce qui est vrai aujourd’hui l’était déjà hier. Une certaine uniformité culturelle existe depuis longtemps à Vilnius. Pendant la période soviétique, de longues files d’attente se dessinaient chaque soir devant les petits cinémas de la capitale lituanienne. Mais les films projetés ne se sont jamais intéressés à mettre en valeur l’identité culturelle du pays. Aujourd’hui, quand les Lituaniens vont au cinéma, ils se dirigent de plus en plus vers les multiplexes situés en banlieue qui diffusent les superproductions hollywoodiennes.

Mais grâce à l’engagement enthousiaste du public pour protéger le cinéma et la culture, la scène cinématographique de Vilnius résiste : l’action populaire a permis d’éviter jusqu’à maintenant la destruction du ‘Lietwa’. Même si le bâtiment par lui-même ne peut plus être sauvé. « Cela doit rester un lieu dédié à la culture », plaide Sarunas Bagdoras, à la tête de l’initiative. Lui soutient inlassablement et publiquement que la vente operée avec les investisseurs privés était illégale. Tant que cela dure, le cinéma ne peut pas être détruit.

Une scène vivante

Pour de nombreux jeunes, soutenir bénévolement le cinéma indépendant est devenu, outre une résistance contre la standardisation de la culture, un gage de prestige. Le ‘Kino Pavasaris’ à lui seul est soutenu par trente associations. Tant d’étudiants ont tenu à s'engager qu’il a fallu constituer des équipes. « Nous sommes très heureux de cette aide bénévole. Sans eux le Pavasaris n’existerait plus depuis longtemps », explique Algirdas Ramaska, l’organisatrice du festival.

Jurga Stakenaite fait partie des volontaires. Coordinatrice, elle s’occupe de la logistique de l’évènement. Durant l’hiver, elle organise en plus un petit festival de cinéma avec l’aide du Centre culturel français de Vilnius. « Ces dernières années, on a mis en place à Vilnius une scène culturelle très vivante où tout est mis en œuvre pour présenter un cinéma de qualité, éloigné des superproductions hollywoodiennes. »

Comme Greta Zakubaite, la directrice du ‘Skalvija’, le confirme, « Il n’y a pas assez de semaines dans l'année pour tous les festivals ». Les instituts culturels des autres pays présents dans la capitale lituanienne sont particulièrement actifs. Ils organisent leur propre semaine du cinéma ou soutiennent les festivals locaux en projetant gratuitement des films de leurs pays.

Pendant ce temps, la dette du ‘Skalvija’ a été annulée. La mairie a décidé de verser 80 000 euros supplémentaires en décembre 2006 pour arriver à un bilan positif en fin d’année. La question de la vente du bâtiment est désormais réglée. Toutefois, il est possible que le ‘Skalvija’ soit bientôt obligé de déménager : la salle est tout simplement devenue trop petite en raison de sa popularité grandissante. Ces souvenirs font sourire Greta Zabukaité. Le scénario n’était même pas concevable il y a un an et demi.

Merci à l'aide précieuse de Dalius Drevinskas

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Translated from Gegen den kulturellen Einheitsbrei