Réparations allemandes et massacre de Distomo... des affaires de famille
Published on
Traduit du grec par Jean-Marc Laborie
Sur ce blog, on parle de l’Europe, de ce qui va et de ce qui va moins bien, même si l’auteure du présent article s’attarde surtout sur les aspects positifs du projet européen. Il y a cependant des sujets qui fâchent...
Pour commencer, j’emprunterais à M. Martin Knapp, directeur de la Chambre de commerce et d’industrie germano-hellénique, ses paroles données en réponse à la question suivante : « Croyez-vous que la crise entre nos deux pays influencera irrémédiablement les relations germano-helléniques ? »
Réponse de M. Knapp : « Savez-vous quelle est la différence entre un groupe d’amis et une famille ? Le groupe d’amis se disloque dès qu’un grain de sel s’immisce dans les échanges. Dans une famille, on se dispute beaucoup plus durement, mais on reste ensemble, non seulement par intérêt mais aussi pour des raisons affectives. Et de ce point de vue, la situation de l’Europe passe peu à peu du groupe d’amis à la famille. »
L’auteure du présent article croit fermement que l’histoire de l’Union européenne est une histoire de liberté qui a gagné un vaste territoire, et qui est venue avec le pardon et la coopération. Comme le suggère aussi justement Dimitris Gounaris dans son livre « Utopie européenne », « L’Union européenne demeure, avec toutes ses imperfections, le modèle politique le plus réussi dans l’Histoire d’une coopération internationale pacifique, qui a en même temps conservé tout son charme, comme sa propension à produire un concept supranational de démocratie et d’organisation politique. »
Tout ceci en introduction pour... manifester à mon tour mon opposition à l’attitude de l’Allemagne – quelque soit l’organe politique qui se trouve derrière – dans son refus d’indemniser les familles des victimes du massacre de Distomo. Distomo est un village de Béotie où s’est produit le 10 juin 1944 l’un des plus terribles massacres de civils au cours de la Seconde Guerre Mondiale, causant la mort de 218 personnes dont 53 enfants.
La semaine dernière, des Grecs de Distomo qui vivent à Athènes se sont réunis devant l’ambassade d’Allemagne une bougie à la main et des larmes dans les yeux. Cela se passait quelques jours avant l’expiration du délai accordé à l’État grec pour demander à être représenté au procès qui se tiendra au tribunal international de La Haye, après que l’État allemand a fait appel de la décision de tribunaux italiens, favorable aux habitants de Distomo qui contraint l’Allemagne à payer 25 millions d’euros aux parents des victimes.
Je pense que ce serait honnête que les hommes politiques allemands considèrent la dette publique grecque qui s’élève déjà à 330 milliards d’euros comme l’a rappelé le Secrétaire d’État aux finances M. Sahinidis au Parlement grec en décembre dernier. Car le même jour, le même Secrétaire d’État a confirmé le montant de la dette de l’Allemagne envers la Grèce, qui s’élève à 162 milliards d’euros et correspond aux réparations de guerre allemandes toujours en suspens qui se répartissent comme suit : 108 milliards de dommages adjugés lors de la Conférence Internationale de Paix à Paris pour la réparation des dommages causés par les troupes nazis sur l’infrastructure économique du pays, et 54 milliards pour le prêt d’occupation forcé, payé aux Allemands par la Grèce en 1942.
Des hommes politiques grecs ont formulé la demande suivante à MM. Trichet, Junker, et au Président du Parlement européen ainsi qu’à sa commission des pétitions : « Nous demandons cordialement votre intervention pour que le gouvernement allemand remplisse ses obligations vis à vis de la Grèce et verse immédiatement le montant dû, une obligation qui demeure en suspens et sans explication depuis 1945, ce qui constitue un paradoxe parmi les États-membres. »
De mon point de vue, s’il est prouvé que l’État allemand doit payer les réparations ou, comme on dit, qu’il a volé l’or de la Banque de Grèce pendant la guerre et ne l’a pas rendu, alors il doit se conformer à ses obligations car il y aura toujours quelqu’un pour s’en souvenir...
Dans la résolution élaborée par les Grecs de Distomo à l’occasion de la manifestation devant l’ambassade d’Allemagne, on peut lire ces mots : « Nous sommes ici pour vous rappeler que « le sacrifice humain » est une page éclatante de notre histoire et que « la cruauté humaine » est une page sombre de votre propre histoire.
Nous sommes ici pour vous rappeler que vous ne pouvez pas avoir seulement des exigences vis à vis des Grecs. Vous avez aussi une dette non acquittée envers nous. Vous nous devez Distomo, Kalavryta, Kommeno, Kandano, Chortiati et 45 autres villages... »
Qui a dit que les affaires de famille étaient simples ?
Note du traducteur : Par la voix de son Premier ministre Georges Papandréou, la Grèce a finalement décidé de contester l’appel déposé par l’Allemagne condamnée à verser des compensations aux victimes du massacre perpétré le 10 juin 1944 par les Nazis dans le village grec de Distomo.
Un autre post sur le sujet est disponible en anglais sur le blog de la rédaction d’Athènes.