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René Souchon : la Région « bouclier face aux attaques que la droite porte au modèle social républicain »

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N. T.

Le Puy de Babel

À un mois du premier tour des élections régionales de mars 2010, René Souchon, président sortant et tête de liste du Parti socialiste, répondait à nos questions. Parmi les priorités des socialistes pour la région Auvergne, votre programme entend faire de la jeunesse la « grande cause régionale ». Pourquoi ? Comment? Il y a une grande cohérence à faire de la jeunesse une grande cause régionale.

La région Auvergne doit pouvoir attirer des populations nouvelles, jeunes en particulier. Il faut garder nos jeunes et en faire venir d'autres, sinon, dès 2015, la population de l'Auvergne baissera.

Le chômage des jeunes de moins de 25 ans en Auvergne a explosé en un an : plus de 40 %. Il s'agit donc de faire quelque chose de très fort en direction de la jeunesse. D'où cette idée de jeunesse, « grande cause régionale », que j'ai lancée en octobre, avec quelques mesures emblématiques, notamment le pack « jeune adulte », qui a d'ailleurs été repris par la plupart des programmes des présidents de régions sortants, pour une entrée dans la vie plus autonome et plus facile. Il permettra aux jeunes, terminales et fin d'apprentissage, d'avoir accès à un crédit, qu'ils pourront utiliser comme caution pour un logement, pour payer leur permis ou pour régler un abonnement à une mutuelle santé.

Nous prévoyons aussi d'organiser des assises régionales de la jeunesse auvergnate, sur plusieurs mois, qui mobiliseront les institutions comme les conseils généraux, les associations, afin de rapprocher nos actions pour plus d'efficacité.

Quelles seraient les réalisations concrètes de ces rapprochements ?

Il pourrait s'agir de mettre en place un endroit, comme un site ou un portail internet, où les jeunes pourraient avoir immédiatement accès aux différentes prestations auxquelles ils pourraient bénéficier, au lieu d'avoir à se rendre dans différents organismes. Il faut que la région se pose en rassembleur pour créer une très forte dynamique en faveur de la jeunesse.

N'y a-t-il pas un hiatus entre une volonté de faire venir des jeunes, et la difficulté que rencontrent déjà les jeunes Auvergnats pour trouver un emploi ?

Deux solutions sont envisagées pour faire face à ce problème. Il s'agit de montrer que nous entrons dans un nouveau modèle de développement, dans lequel seront créés de nouveaux emplois, souvent nommés les « emplois verts ». Dans le cadre du développement durable, plusieurs types d'emplois peuvent être promus, comme ceux du secteur du bâtiment, notamment dans le cadre des économies d'énergie, des énergies renouvelables, l'isolation, l'ossature bois, entre autres.

Après les élections, nous avons prévu de mettre en place un forum régional des nouveaux emplois, centré sur les emplois innovants. Nous allons également adapter notre appareil de formation – lycée, formation professionnelle, centre d'apprentissage – pour former des jeunes à ces nouveaux emplois.

Notre projet est aussi de mettre en place un outil nouveau, le Fonds régional Auvergne durable, constitué par appel à l'épargne populaire, dont les moyens seront réinvestis dans les très petites entreprises et entreprises artisanales qui accepteront d'innover et d'aller vers ces nouveaux emplois.

D'autres types d'emplois peuvent être mis en avant : ceux des nouvelles technologies et ceux issus du tourisme, secteur le plus créateur d'emplois. 500 emplois nets sont créés chaque année dans ce secteur.

Le projet de programme régional des socialistes parle d' « investir dans les universités, la voie du futur » : quelle seront les applications concrètes de ce projet ?

Bien que l'université ne figure pas dans la liste des compétences régionales, puisque c'est une compétence d'État, nous avons accepté de l'aider car c'est vital pour nous. Ainsi, avec le contrat pour les universités État-Région, nous avons prévu d'investir 10,5 millions d'euros pour l'université dentaire, l'école spéciale d'architecture, et l'IADT (Institut d'administration et de développement des territoires) en cours de construction, entièrement financé par la Région. On y ajoutera quatre millions d'euros au titre de « campus prometteur ».

Dans le même temps, nous poussons les deux universités à se rapprocher. Il semble indispensable de fusionner l'université Blaise-Pascal et l'université d'Auvergne, qui, individuellement, sont trop petites.

Dans une période de crise et de mutation de la société, la clé se trouve bien dans l'université, dans la recherche, la formation et les nouvelles technologies. En septembre 2009, nous avons ainsi créé un Fonds d'innovation et il faut absolument continuer dans ce sens, en poussant vers une diversification de l'économie.

Avec 24 régions sur 26 dirigées par les socialistes, il semble que les Français accordent plus volontiers leur confiance à la gauche que lors des élections nationales. Selon vous, qu'est-ce qui fait que les socialistes sont de meilleurs dirigeants au niveau local ?

D'abord, les socialistes sont souvent des gens de proximité. Pour ma part, je cherche constamment à me retrouver au contact des gens : c'est extrêmement enrichissant.

Ensuite, quoi que l'on en dise, les socialistes apparaissent comme de meilleurs gestionnaires. Même si la droite essaye de dire le contraire depuis plus de trente ans, les gens voient les résultats, et nous accordent leur confiance.

Ce qui fait la différence aux élections nationales, c'est que la presse fait son miel des débats qui ont lieu au sein du Parti socialiste. Ils sont systématiquement traînés sur la place publique. Or, depuis toujours, le débat est la marque du bon fonctionnement de la démocratie. À droite, tout le monde est toujours d'accord et il n'y a pas de débat. Donc la droite ne connait pas ce problème.

Et si les médias insistent sur le volet négatif, ils occultent les avancées. Ainsi, le PS est en train de mener une grosse réflexion sur le fond, sur quelle sera la société de demain ; plusieurs conventions thématiques vont avoir lieu ce printemps pour déboucher, au mois de juin, sur un vrai nouveau projet de société. Si, jusque là, ce projet manquait peut-être de lisibilité pour les Français, il devrait être éclairci du point de vue du régime de retraite, de sécurité sociale, de la croissance, de la répartition de la richesse...

Quelles pourraient être les difficultés pour les régionales 2010 ?

L'un des gros problèmes de cette élection réside dans l'absentéisme des jeunes et des couches populaires alors que c'est pour eux que l'on travaille. Trop de personnes ne se sentent pas concernées, et cette faible mobilisation me touche comme homme politique engagé. Mais il semble que nous ayons une majorité d'opinion favorable derrière nous, et je ne désespère pas, en quatre semaines, de motiver bien d'autres électeurs.

Dans votre programme, vous parlez de mettre en avant la région comme « bouclier » contre les « attaques que la droite porte au modèle social et républicain ». Quels exemples concrets pourraient illustrer ces injustices sociales ?

Le renvoi des deux jeunes marocaines scolarisées dans un établissement cogéré par l'État et la Région en est un exemple. L'on y pousse l'incohérence jusqu'à payer des études à des jeunes pour finalement dire « Elles ne sont pas de chez nous, il faut les renvoyer. ». C'est aberrant : nous avons besoin de jeunesse, et de main d'œuvre dans certains métiers. Ces jeunes filles ne posaient aucun problème, et elles étaient en apprentissage en hôtellerie-restauration, un secteur déficitaire. L'État a dépensé de l'argent pour les former, puis, pour faire du chiffre, les renvoie. C'est ce que j'appelle le dé-tricotage des valeurs de la République.

Les attaques portées contre la justice, avec la suppression du juge d'instruction en est un autre exemple, tout comme la réforme des collectivités territoriales. Contrairement à ce qui est dit, elle ne permettra pas de faire des économies, puisque les institutions ne fusionnent pas. Par contre, l'on supprime la moitié des élus, qui seront désormais de plus en plus éloignés du territoire et des dossiers.

Sur le plan financier, cette réforme est terrible puisqu’avec la suppression de la taxe professionnelle, les conseils régionaux ne peuvent plus voter d'impôts. Ils sont désormais obligés d'attendre que le Parlement vote la répartition des budgets pour savoir quelle est leur recette.

Vous êtes membre du Comité des régions d'Europe, à Bruxelles. Quel est son point de vue sur la question ?

Cette réforme tourne le dos à tous ce qui se fait dans les pays d'Europe. Le discours du président du Piémont montre bien le rôle des collectivités, et les échanges entre collectivités et gouvernement chez nos voisins. En Italie, on convoque en effet régulièrement chez le Premier ministre les présidents de régions, alors qu'en France on a du mal à obtenir un rendez-vous avec un ministre...

Partout ailleurs on donne des moyens financiers très importants aux régions, sauf en France. Évidemment les régions ne peuvent plus répondre aux attentes des gens, d'autant plus que l'État leur confie des charges supplémentaires, et que ses dotations n'augmentent pas en conséquence. Quelle est la seule solution pour équilibrer le budget ? De faire de moins en moins de choses.

C'est pour cette raison que j'ai refusé de financer les routes de l'État : cet argent, je préfère l'utiliser pour l'avenir des jeunes, pour l'emploi, l'économie, l'innovation...

A. Morel

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