Rencontres Henri Langlois : tournez jeunesse !
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Plus intimistes et plus osés que ceux de leurs aînés, les films de fin d'études présentés par 41 jeunes réalisateurs aux Rencontres Henri Langlois, se distinguent par une fraîcheur assumée.
Ils ont 24, 26, 31 ans. Ils sont croates, anglais, belges ou allemands. Leur point commun : vouloir faire des merveilles avec une caméra. Et transformer leur passion en un métier. Dans leurs écoles de ciné, ces réalisateurs en herbes écrivent des histoires, les tournent. Tout juste diplômés, ils prennent leur élan au gré des festivals, pour se lancer, enfin, dans la cours des grands.
La radar à nationalité
« Le film français se reconnaît de loin. Il se passe souvent dans les jolis intérieurs de la classe moyenne supérieure »
Tous rêvent de donner naissance à des films universels. Mais très vite, le public les rattrape et les surprend. Dans Volume, le court métrage de 27 minutes qu'elle présente aux rencontres, la réalisatrice anglaise Mahalia Belo entraine le spectateur dans une banlieue proprette indifférente, ou presque, à la disparition d'une de ces habitantes. « A Munich, les spectateurs ont rit. A Poitiers mon film a été perçu comme très profond », s'étonne la jeune femme. Pour les réalisateurs, les attentes du public reste souvent plus obscures que le travail de leurs collègues.
« Le film français se reconnaît de loin », charrie Sonja Tarokic, réalisatrice croate de 24 ans « il se passe souvent dans les jolis intérieurs de la classe moyenne supérieure ». Et puis, il y a ce détail qui tue : « Le chanteur ou le pianiste au coin du bar quand les personnages prennent un verre : ça serait complètement incongru en Croatie ». Ce radar à nationalité, la réalisatrice londonienne l'a elle aussi développé. « A force de parcourir les festivals, je reconnais maintenant l'humour très noir des Finlandais », s'amuse Mahalia Belo. Et c'est de bonne guerre, la jeune femme se voit elle aussi très souvent étiquetée. « A la fin d'une projection, certains spectateurs me disent que mes films n'ont pas grand-chose à voir avec le cinéma anglais, d'autres qu'ils sont terriblement british », sourit la jeune femme.
« A notre âge, on ose plus, on prend plus de risques »
Cette tendance à définir le cinéma par sa nationalité, Maxence Robert en fait l'expérience au quotidien. A 26 ans, ce réalisateur belge fraîchement diplômé, ose pour la première fois présenter un de ces films en festival. Le Fils du blanc raconte les relations pleines de non-dits entre un père et son fils sur fond de déclin de l'industrie belge. « On me dit souvent que je fais du cinéma social belge, à la Dardenne, mais je ne suis pas vraiment d'accord », corrige le jeune homme. Devant ses camarades de classe qui trouve son cinéma si belge qu'il en est « presque folklorique », Maxence Robert assume pleinement cette identité. L'usine, le monde ouvrier : le réalisateur en herbe entend filmer « les choses avant qu'elles ne disparaissent ». En quête d'authenticité, il s'est promis de ne jamais gommer un accents, « sans pour autant le caricaturer ».
La difficile sortie de l’école
Suivre ou s'émanciper du cinéma de son pays, de son école... le dilemme tiraille chacun des jeunes réalisateurs présents au festival. « A notre âge, on ose plus, on prend plus de risques », avance Mahalia Belo. De l'animation mêlée à la vidéo en passant par les soldats en papiers cartons, « J'ai vu des choses ici que je n'avais jamais vu ailleurs », s'enthousiasme la jeune femme. « A la sortie de l'école ça devient plus difficile de pousser sa singularité, personne ne va voir un producteur en lui disant : eh donnez moi de l'argent, j'aime prendre des risques ! », plaisante la londonienne.
Sans impératif d'audience, les jeunes réalisateurs sont encore libres de faire le cinéma qui leur plait « c'est le moment de faire accepter nos idées innovantes, de montrer qu'elles peuvent trouver un public », développe Mahalia Belo. Un optimisme que nuance son collègue belge : « en réalité on se bride toujours, on est plutôt consensuels, et finalement assez scolaires ». Dans son école, l'accent est mis sur les fondamentaux : « on doit d'abord maîtriser le récit de base avant de se lancer dans des constructions plus audacieuses ». Un schéma que le réalisateur s'attache à respecter. « Pour nos premiers films on n'a pas droit à l'erreur », assure le jeune homme avant de préciser « produire un film coûte cher et on est nombreux à vouloir faire ce métier. »
C'est pourquoi la Croate Sonja Tarokiç voit dans ces projections internationales des occasions à ne pas manquer. « En Croatie nos courts-métrages ont beaucoup de succès mais avec 4 millions d'habitants, le marché national est très restreint ». Les festivals lui permettent d'amener ses courts-métrage sur le marché européen. Et avec You Bitch!, elle exporte ses récits de subtiles et d'universelles jalousies au delà des frontières de son petit pays.
Photos : Une Extrait du court-métrage de Mahalia Belo, "Volume" © courtoisie du site officiel de Mahalia Belo ; Texte © Amélie Mougey Vidéos : Volume (cc) VolumeNFTS/YouTube, You Bitch infoHAVC/YouTube