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Rencontre avec Michel Warschawski - Pierre Dumoulin

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Default profile picture Nuria Serra

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Ce matin, le 15 juillet, on va rencontrer Michel Warschawski. On va dans un local d’une association israélienne anti-impérialiste... Michel arrive et nous dit qu’il a fondé cette association, le centre d’informations alternatives (AIC)... Michel est un militant israélien pour le droit et la justice...Oui ça existe bel et bien...Michel nous parle de la situation politique en Israël...

Actuellement, les journaux et Internet nous parlent de l'éventualité d’une guerre cet été contre le Liban...afin de pousser Israël à attaquer pour se venger du fiasco de la guerre au Liban l'année dernière...La volonté est de regagner la force de persuasion et de faire règner l’ordre...

L’administration Bush est dans la perspective d’une guerre permanente contre une menace (pas un ennemi, une menace...)...cette menace, c’est le terrorisme (un raccourci rapide, l'amalgame est souvent fait entre menace, terroriste et Islam). Bush et ses amis sont dans une vision bipolaire du monde: d’une part la civilisation judéo chrétienne et d’autre part ceux qu’ ils qualifient de Barbares...

Le mur est justement le symbole de ce soi-disant choc des civilisations...A l'est de ce mur ce n’est pas seulement la Palestine mais aussi la Syrie, l’Irak, l'Afghanistan,....et à l’ouest Israël, les États-Unis, l’UE. Ce mur est donc un mur global qui s'inscrit dans stratégie du choc des civilisations....tout comme la guerre du Liban de l’an dernier... La guerre du Liban a été un fiasco: les conservateurs et Israël veulent une revanche...

Michel est modéré sur la probabilité d’une guerre cet été...en effet la

société et l’armée d’Israël sont en faiblesse pour mener une guerre... L’an dernier la guerre était disproportionnée, pourtant l’armée israélienne s’est cassée les dents... La société israélienne veut faire la guerre; mais quand il y a un prix à

payer, peu veulent la faire...La société israélienne impose des limites à l’Etat dans cette guerre globale. En effet, l’an dernier, la crise et la guerre au Nord du pays ont conduit des Israéliens du nord à quitter leurs maisons. La société a donc payé un prix...Israël ne s’y attendait pas... Israël ne savait pas que le Liban riposterait alors que les services de renseignement savaient mais n’avaient tiré aucune conclusion...

ça c’est typique de la pensée coloniale: on ne pense pas que l’autre va

répondre; on ne pense même pas à l’autre; on ne fait pas de l’autre un sujet; on ne le reconnait pas.

Dans l’histoire, tous les impérialistes ont été confrontés à des surprises... Par exemple, la première Intifada et la deuxième ont été une surprise pour les Israéliens. La guerre d’Algérie a été une surprise pour les impérialistes français... Michel, éloquent, continue... Ces vingt dernières années, on constate un phénomène de privatisation et d’individualisation de la société et ceci pose problème à Israël car ça entraîne une dénationalisation et la volonté pour les Israéliens d’être "normaux"...

Par exemple, dans certains check-points la privatisation commence et des sociétés privées de sécurité travaillent avec les flics...Cette privatisation signifie une démission de l’Etat face à ses responsabilités...Avec le néo-libéralisme, l’Etat disparaît....

Michel s’arrête, nous regarde, et nous dit : vous n'avez pas remarqué? le mot palestinien dans son explication de la situation politique en Israël n’est presque pas apparu...en effet la question palestinienne dans la société israélienne est rejetée au second plan. Le taux de croissance est l’un des plus hauts du monde. La société s’enrichit avec toutefois de plus en plus de pauvres.

Michel repart sur la privatisation...L'intérêt collectif se transforme en intérêt privé. Le facteur social qui remplace l’Etat, c’est la mafia. Il n’y a plus d’Etat. Le vide est rempli par la mafia. Par exemple, pendant la guerre du Liban, Arkadi, mafieux, s’est occupé des services du bus, du relogement des familles israéliennes, de la prise en charge des enfants de Sderot.La privatisation devient la mafiaisation. Les étudiants israéliens demandent des bourses, manifestent et font appel à Arkadi... Arkadi subventionne également un centre de désintoxication (il a renfloué près de 10 millions d’euros), il a renfloué le club de foot raciste du Betar Jérusalem… C’est le parrain de tous. Arkadi a même annoncé qu’il créerait un parti politique. Il sera le maire de Jérusalem et pourra ainsi être le chef du peuple juif à travers le monde. Tous les partis sont à sa botte. Le gouvernement et l’Etat n’ont aucune signification: la centralité est donnée à la grande mafia... Michel continue sur la guerre de l’an dernier. Le monde économique est déconnecté de la politique: on aurait pu s’attendre à la chute de la bourse à la sortie du rapport dévastateur sur le fiasco de la guerre du Liban, mais rien du tout.

Michel revient sur la Palestine: les médias et la société israélienne ne s’intéressent pas à la question palestinienne.

Actuellement, l’occupation est moins sanguinaire mais toujours aussi violente. L’espace palestinien est atomisé: une nouvelle carte se dessinée avec des cantons palestiniens déconnectés les uns des autres. C’est Israël qui dessine la carte, définit les frontières et la limite du pouvoir palestinien...

Avec Sharon, c’était des cantons sans continuité, des fixations de frontières provisoires. Des ponts (pas du tout au-delà des murs....) et des tunnels sont construits pour permettre de créer une continuité du territoire pour les Israéliens...Par exemple, pour passer de Jérusalem aux colonies de Bethléem, on ne passe pas par la Palestine mais au-dessous et au-dessus...

On permet la continuité palestinienne: et non c'est fictif! Car il y a des barrages, pas de passage garanti comme il y a écrit dans les accords d’Oslo...Jamais ça n’a été mis en oeuvre... Il n’y a donc pas de continuité en Palestine..

Le mur n’est qu’un outil... Sharon n’était pas un grand fan du mur mais c’est sa politique qui a été mise en œuvre: la politique de cantonisation, d’insularisation des zones palestiniennes pour assurer la continuité israélienne...

Je continuerai à vous raconter demain...

Pierre Dumoulin

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