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Renaud de Chazournes : « L'Europe ne se vend pas avec Barroso à la Une »

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CultureSociété

« Les Polonais sont-ils les meilleurs en plomberie ? » et « les Bulgares en yaourt ? » En juin 2009, les Français ont découvert la campagne de lancement d’un nouveau magazine : L’Européen propose de « mieux connaître » nos voisins, au quotidien. En pleine crise de la presse, le projet ne manque pas d’audace. Interview.

Fin mai 2009 : alors que les élections européennes occupent le terrain médiatique, la rédaction du magazine L’Européen, à Paris, préfère faire sa Une sur « nos héros européens » : Pénélope Cruz, Cécile de France, Lilian Thuram, Carla Del Ponte... Barroso, lui, figure aux abonnés absents. Ce choix annonce la couleur éditoriale de ce nouveau titre de presse : ici, c'est l'Europe « du quotidien » qui prime. Le mensuel francophone d'une petite centaine de pages, bourré de reportages inédits et disponible en kiosque, est également doté d'un site Internet. Renaud de Chazournes, rédacteur en chef, nous en dit plus sur cette initiative privée originale.

Alors que la presse écrite semble s'effondrer, n'y a-t-il pas quelque chose d'utopique à lancer un nouveau magazine européen ?

Le modèle économique d'un simple site Internet n'est pas évident du tout à soutenir sans subventions. Nous sommes donc partis sur un modèle bi-média. La presse papier coûte chère mais elle permet d'avoir une visibilité complémentaire de celle du site que nous développons simultanément. Sur ce dernier, on trouve des papiers originaux, davantage d'actualités, complétant le magazine. Le site sera bientôt doté d'une version en anglais. Reste que ces deux supports sont conçus pour être complémentaires. Si le lecteur consulte le site, il pourra acheter également le magazine, le jour où il prendra le train par exemple. Pour ce qui est de nos financements, nous tenons à notre indépendance : nous ne bénéficions d'aucune subvention et aucun de nos investisseurs ne détient plus de 10 % du capital. Ces petits investisseurs, français et belges, des « business angels » disposent d'une certaine fortune certes mais ils trouvent avant tout du sens à notre projet.

Où êtes-vous distribués et quels sont vos objectifs de ventes ?

(Leuropeen-web.eu)En dehors de la France, où nous sommes bien distribués, L'Européen est en vente à Bruxelles, en centre-ville essentiellement. Nous avons vendus quelques milliers d'exemplaires en Suisse et avons répondu à quelques demandes du Portugal et même du Canada. Nous comptons déjà plusieurs milliers d'abonnés et nous nous sommes fixés un objectif de 45 000 exemplaires au total (ventes kiosques et abonnements). Selon une étude commandée à l'IPSOS, notre lecteur type, est un francophone de 35 à 55 ans, qui voyage au moins une fois par an en Europe. Soit une cible relativement âgée, c'est pour cette raison que nous avons ajouté un cahier « l'étudiant sans frontières » et développé le site Internet pour attirer davantage les jeunes. Nous ne disposons que d'estimations pour le moment mais nous sommes contents des premiers chiffres.

Parlons un peu du concept du magazine...

« Notre but, c'est de donner de la chair à cette Europe désincarnée»

Notre slogan, c'est « vivre et bouger en Europe ». On s'intéresse aux Européens, plus qu'aux politiques européennes. On part du principe qu'il y a de nombreuses initiatives en Europe dont on ne parle pas. Par exemple, ça bouge beaucoup niveau culturel, création d'entreprise, ou encore environnement... Et c'est justement de ça dont nous parlons. Les 500 millions d' Européens que nous sommes font face à des problèmes similaires. En s'inspirant de nos voisins, on est en mesure de trouver des solutions à nos propres préoccupations. Nous avons une approche comparative et nos 22 correspondants en Europe nous remontent l'information. Par exemple, dans le numéro 2, nous avons rédigé un dossier sur la sécurité routière. Dans certains pays européens, il y a 2 à 3 fois moins de morts par kilomètres parcourus que dans d'autres. En France, on a opté pour les radars, mais au Pays-Bas, on supprime certains panneaux de signalisation et même les feux rouges !

Mais alors, comment traitez-vous l'actualité communautaire ?

On parle des décisions européennes lorsqu'elles concernent véritablement les citoyens européens. Par exemple, les élections parlementaires européennes, nous en avons parlé mais pour souligner qu'elles n'étaient pas encore très « européennes ». Nous partons du concret, et non de l'institution. L'Europe a du mal à se vendre en mettant Barroso en couverture. Notre but, c'est de donner de la chair à cette Europe désincarnée. Personnellement, je pense que les pères fondateurs ont posé les bases de cette Europe qui se concrétise au jour le jour par les échanges, qu'on soit fédéraliste ou non. Je constate que le milieu médiatico-culturel français nous fait vivre en vase clos alors que l'essentiel de la création est européenne ! Bref, je veux partager cette conviction que l'Europe, c'est notre univers quotidien.

Quel est votre rêve le plus fou à L’Européen ?

Que L'Européen fasse écho en Europe, que des magazines « jumeaux » naissent de ce projet ailleurs sur le continent, afin que les non-francophones puissent aussi en profiter.