Renato Guttuso: femmes, salles et objets
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Christel DécatoireRenato Guttuso est retourné à Bagheria. La Villa Cattolica a réouvert ses portes le 26 décembre 2016, 105 ans après la naissance du peintre sicilien. Cafébabel Palerme a visité pour vous le musée Guttuso après sa rénovation.
Au détour du virage qui mène à la Villa Cattolica rien ne semble avoir changé depuis la fermeture du Musée Guttuso, il y a un an et demi. Menacé par la décadence, le lieu semble inchangé. La grille latérale est cependant à nouveau ouverte depuis le 26 décembre, jour de la naissance de Guttuso qui aurait aujourd'hui 105 ans. Les travaux de rénovation sont terminés.
Une fois passée la grille, on se retrouve face au bâtiment monumental de la Villa Cattolica. Du coin de l'oeil, à gauche, on arrive à voir le bleu de la mer, vision rassurante même en janvier ; à droite, comme cela arrive trop souvent dans les lieux depuis longtemps oubliés, une friche industrielle. Un amoncellement de ferraille qui est comme un coup de poing dans l'estomac.
Le musée
Une fois dépassé ce léger traumatisme, on arrive à la petite entrée intérieure du musée, qui dévoile enfin ses trésors. La collection est répartie sur trois étages. Au rez-de-chaussée, on découvre une collection de chars siciliens, oeuvres de maîtres tels que les membres de la famille Ducato, Emilio Murdolo etc, dont Guttuso dit : "Ce furent eux mes premiers maîtres de la couleur".
Toujours au rez-de-chaussée, se trouve une exposition de photos, qui racontent la Sicile, preque entièrement en noir et blanc. Tous les clichés de Mimmo Pintacuda et de Ferdinando Scianna immortalisent les lieux, les hommes, les traditions que Guttuso a aimés et détestés durant toute sa vie.
Le visiteur, sensibilisé par cette immersion dans l'univers culturel du peintre de Bargheria, est prêt à pénétrer parmi ses peintures, est prêt à monter au premier étage, véritable coeur du musée. Les salles se succèdent, comme un labyrinthe inextricable, dans lequel des visages sans nom, des couleurs magnétiques, des corps éloquents donnent l'impression de nous appeler. On est immergé parmi des regards inquisiteurs, des femmes au sommet du plaisir, des femmes sans visage, des corps délaissés, de longues chevelures, des messages sociaux, des paysages esquissés et d'autres plus recherchés. C'est un tourbillon d'émotions qui vous lie intimement au peintre, qui vous fait pénétrer ses pensés, depuis les premiers paysages timides, qu'il réalisa, à peine âgé de 13 ans, jusqu'à ses dernières années, très peu de temps avant sa mort. Il ne manque plus que le dernier étage, le plus lumineux et duquel on voit la mer à chaque fenêtre. Là se trouve des oeuvres et des installations d'artistes contemporains, ainsi que de nombreux dessins, toujours de Guttuso.
Le passé, le présent et le futur du peintre sicilien sont tout à la fois contenus dans la Villa Cattolica, dans sa ville de Bagheria. Dans une interview à Indro Montanelli, datant de 1959, Renato Guttuso dit : "J'espère que mes toiles dureront plus que moi, au moins deux ou trois cents ans de plus que moi". En sortant de la Villa Cattolica, on a la sensation que son rêve a été réalisé. Le génie artistique, profondément inspiré, continue d'inspirer. Chez tous les artistes exposés, on sent la très forte empreinte de Guttuso, comme une sorte de fil rouge qui évoque ses origines, sa vie mouvementée et son art.
La tombe
Son corps repose à l'extérieur de la villa, face à la mer, dans la tombe que son ami le sculpteur Giacomo Manzù réalisa peu de temps après sa mort. Il n'est pas dans un cimetière, il est près de ses oeuvres, de son art, auquel il a dédié toute sa vie. On a presque l'impression qu'il est comme un gardien posté là pour s'assurer que son inspiration ne se perde pas. C'est la dernière chose que je vois, comme pour le saluer et le remercier de toute cette beauté.
Je lève les yeux, la mer sicilienne, toujours aussi bleue, reste là, vision rassurante même en janvier.
Translated from Renato Guttuso: donne, stanze e oggetti