Réinventons le porno : 2 Suisses recyclent le hard des années 1970
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dontsharemycoffeeMonter, trier et synchroniser des films pornos : à première vue, le travail des deux Suisses, Sandra Lichtenstern et Sabine Fischer, se laisse clairement qualifié de terre-à-terre. Sous le label Glory Hazel les 2 designers de profession recyclent des films pornographiques des années 1970. Déjà 7 films remixés sont actuellement sur le marché. Autour d'un petit-déjeuner, cafebabel.
com a rencontré l'une des membres, Sandra Lichtenstern, dans un café parisien. Au programme : représentation de la femme, objets de désirs grossiers, et pourquoi les pornos peuvent être émouvants.
cafebabel.com : Sandra ; il est 10h, on prend le petit-déjeuner dans un café parisien pour parler pornos : qu'est ce que tu en penses ?
Sandra Lichtenstern : C'est assez inhabituel.
cafebabel.com : Tu es à l'aise avec ce sujet ?
Sandra Lichtenstern : Oui, je parle tout le temps de porno. Et lorsque c'est le cas, c'est pour parler de différents projets artistiques. Je trouve ça très bien, d'avoir cette capacité à envisager ce sujet de manière si neutre. Donc ça va (rires).
cafebabel.com : Quelle est ta vision des films pornos actuels : une source de divertissement, une forme d'art ou un support pour se masturber ?
Sandra Lichtenstern : Un porno, c'est d'abord pour se masturber, c'est sa fonction. Mais en même temps, c'est aussi une représentation, à laquelle on peut extraire de la beauté. C'est la raison la plus importante à mes yeux : nous devons adopter le même soin envers les films pornos que sur les autres projets artistiques.
cafebabel.com : Comment procédez-vous à ce travail de création ?
Sandra Lichtenstern : On s'interroge en priorité : quel est le produit brut ? Il y a à peu près 30 films des années 1970 et 1980. Nous les regardons souvent et nous nous fions à notre intuition : quelle scène est de qualité et celle qui ne l'est pas ? Ça peut être de belles couleurs, une bonne direction de caméra, une jolie robe, une super voiture, voire du très bon sexe. Ensuite on extrait les séquences, et on obtient à la fin une immense banque d'images, sur laquelle on essaie de choisir des associations esthétiques et de combiner de la musique, afin d'obtenir quelque chose de nouveau. La direction artistique s'élabore enfin. On cherche alors les scènes qui concentrent encore ce style.
cafebabel.com : C'est pas un peu niais, de regarder des pornos à deux ? On préfère le plus souvent les regarder seul.
Sandra Lichtenstern : Bien sûr que c'est puéril. Mais c'est aussi drôle. On s'éclate en le faisant, on découvre toujours de nouvelles choses, qu'on n'avait pas forcément vues auparavant.
cafebabel.com : En plus avoir trié et monté les scènes, vous les synchronisez de nouveau. Par là, reconstituez-vous une authenticité ?
Sandra Lichtenstern : Oui, totalement. Je trouve ça passionnant de comparer les scènes originales avec celles de notre version. L'image gagne tellement en puissance, qu'on peut un peu baisser le son des gémissements. Nous avons des scènes qui ne nous plaisaient pas du tout au début. Par exemple lorsqu'il y avait quelque chose d'agressif : une intonation ou les mots crûs classiques. Ces films-là, nous les avons re-sonoriser. Quand il y avait encore de la musique, la scène était totalement modifiée. C'est vraiment émouvant – pas seulement érotique, mais aussi sur le plan émotionnel, parce il y a deux personnes qui couchent ensemble de manière naturelle, et où on laisse leur respiration audible.
D'un autre côté c'est aussi inouï, de voir comment une image peut triturée, dans laquelle on exclue négligemment les gémissements et la musique. Le plus souvent dans les pornos, ce n'est pas du tout synchronisé, on laisse simplement tourner une bande. Mais lorsqu'on est vraiment méticuleux, c'est fou comment une image peut devenir bonne.
cafebabel.com : Est-ce que ce processus de déconstruction et de reconstruction est une « vengeance » post-féministe, à l'encontre de l'image des femmes, qui a débuté dans les années 1970, tels que des gémissements stylisés et à l'état d'objet ?
Sandra Lichtenstern : Non, pas du tout. L'image des femmes dans les années 1970 nous plaît, parce qu’elle est 100 fois mieux que celle des films d'aujourd'hui. Il y règne une ambiance totalement différente. Mais il est certain qu'on a dû jeter beaucoup de scènes, parce elles étaient simplement dégoutantes. Mais s'il l'on compare avec aujourd'hui, il y a beaucoup plus de scènes qui sont certes masculines, mais en même temps où les deux personnages sont sur un pied d'égalité pendant l'acte sexuel. Les acteurs ont beaucoup plus d'espace dans ces pornos. Ce sont réellement des rôles, pas des poupées qui réalisent des prouesses gymnastiques. Ces films ont vraiment essayé de capturer ces femmes de manière géniale. Il y a également beaucoup de moments où on ne voit que les regards, et comment ils se reflètent dans un miroir. En résumé, c'est traité avec beaucoup de tendresse entre les acteurs, ce qui me manque énormément aujourd'hui. On n'a pas cette sensation où la caméra est sympa avec eux. Au contraire : la caméra pénètre les acteurs. Aujourd'hui, ils doivent s'ouvrir totalement avec, ne pas avoir d'opinion personnelle sur ce qu'ils font. Ce sont simplement des morceaux de viande, qu'on doit inspecter de tous les côtés, et dans des positions dégradantes. Ça n'était pas le cas dans les années 1970. L'angle de la caméra était valorisant.
cafebabel.com : Du plaisir pour les yeux aussi. En définitive, à quoi devraient servir vos films ?
Sandra Lichtenstern : Qu'ils soient des supports pour se masturber, mais aussi des sources d'inspiration. Ce qui serait génial, ce serait d'éliminer cette sensation de fadeur, que l'on obtient en regardant des pornos. C'est aussi la raison pour laquelle les jeunes ne peuvent pas regarder ces films avec leurs petites amies. Ils ont bien compris que les choses qu'il s'y passe ne sont pas cools. A contrario, nos films fonctionnent très bien pour un tête-à-tête, hélas, seulement pour les hétéros (rires).
cafebabel.com : Ce serait une piste de réflexion pour travailler sur des films gays ?
Sandra Lichtenstern : Oui, nous en avons l'envie. Le mieux aurait été de posséder des scènes homosexuelles dans notre matériel de travail. Mais le film gay, c'est hélas une tout autre histoire. Il y a bien des scènes lesbiennes, mais toujours vues selon le regard masculin. Nous trouverions ça bien, si ce type de scènes pouvait en être détachées.On se laissera surprendre par la suite.
cafebabel.com : Merci pour l'interview
Sandra Lichtenstern : C'était un plaisir.
Photos avec l'aimable courtoisie de © Glory Hazel, Video: mashbasel/YouTube
Translated from Porno-Remix: Zwei Schweizerinnen recyceln Pornos aus den 70ern