Réfugiés à 15 ans, de l’Afghanistan à Rome
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Pauline CellardIls n’ont pas 18 ans et viennent des montagnes d’Asie centrale. Leurs parents, paysans ou instituteurs, ont payé 10 000 dollars pour un passeur. La suite ? A Rome, via Ostiense avec la journaliste Carlotta Mismetti Capua qui tente d’arrache-pied d’aider ces adolescents exilés.
L’histoire commence en décembre 2008 dans l’autobus 175 : « Personne ne voulait s’asseoir à côté d’eux parce qu’ils étaient sales, étrangers, différents. Les gens murmuraient ‘ah, ces assassins de Roumains’, raconte Carlotta, mais ils n’étaient pas roumains. Ils étaient Afghans. C’est facile de juger les personnes par catégories, les catégories tuent les personnes. Et le racisme se situe dans ce ‘slip of the tongue’, ‘la langue qui fourche’, comme disent les Anglais. Un lapsus. Et on est raciste d’un seul coup, sans s’en apercevoir, prenant un Roumain pour un Afghan, un mineur pour un tueur, une personne dans le besoin pour un danger. Moi, leur sourire m’a frappé. Ils étaient arrivés le soir même, à pied, la nuit. Je les ai pris avec moi, mais tout ne s’est pas passé comme je pensais …»
Enfants, armes, drogues, cigarettes…
Akhmed et ses compagnons de voyage ont parcouru 5000 kilomètres en quatre mois, traversant cinq pays : à pied en Afghanistan, en Iran et en Turquie ; en Grèce, entassés à cent à bord d’un camion ; en bateau jusqu’à Bari et de là, dans n’importe quel train en direction de Rome. Ils viennent de Tagab, un village des montagnes de l’Afghanistan, proche de l’Iran. Peu de maisons, on y vit de l’élevage. Un carrefour pour le trafic d’opium et la traite des enfants.
Leurs parents ont payé aux trafiquants une somme qui oscille entre 5000 et 10 000 dollars. Cette transaction financière permet l’entrée illégale dans un pays, mais la destination finale est inconnue. Les mineurs, selon le rapport de Save the Children, sont envoyés à la prostitution, à la mendicité, à la vente, au travail agricole, à l’élevage de bétail, aux adoptions internationales illégales, et on suppose au trafic d’organes.
Akhmed et ses camarades d’infortunes s’inscrivent aussi dans les listes de statistiques diffusées chaque année par les divers centres de recherche. Selon l’enquête nationale de 2007 réalisée par l’Anci (l’association nationale des communes italiennes), plus de 7 800 mineurs étrangers non accompagnés sont arrivés en Italie en 2006 (surtout des garçons entre 15 et 17 ans), mais près des deux tiers se sont échappés des centres d’accueil craignant un rapatriement. L’ISTAT (l’Institut national de statistique italien) parle de 9000 mineurs en situation irrégulière signalés par les commissariats italiens.
A la Pyramide de Cestius
Une fois passés les 18 ans, leur situation devient alors irrégulière et ils entrent officiellement dans le tunnel de la clandestinité tant qu’ils ne trouvent pas de travail régulier. A moins que la communauté qui les a accueillis ne leur trouve un parcours crédible : une école, des amis, un emploi d’apprenti, des démarches pour obtenir des papiers, surtout s’ils viennent de pays en guerre et s’ils ont droit à l’asile politique.
«Pour les rêves et les besoins de ces enfants, il n’y a pas de temps, il n’y a pas de professionnels »
A Rome, la zone autour de la Pyramide de Cestius, un monument romain en forme de pyramide égyptienne qui se trouve sur via Ostiense, à côté de Porta San Paolo et du cimetière protestant, représente un centre de « triage » pour les mineurs afghans qui peuvent compter sur le réseau de contacts de leurs compatriotes déjà installés en Italie. Là, ils décident de poursuivre leur périple vers d’autres villes italiennes ou européennes ou bien de s’arrêter dans la capitale. Des quatre garçons afghans rencontrés dans le bus 175, seul Akhmed a eu confiance et a accepté l’aide de Carlotta. On a rapidement perdu la trace de l’unique garçon majeur, un autre est allé en Suisse, et le plus petit est parti à Londres.
Akhmed est allé dans différentes familles d’accueil romaines. Jusqu’à sa majorité, il aura droit à un toit, à de la nourriture et à des visites médicales de base, fournis par la commune de Rome, en vertu de la convention Onu sur les droits de l’enfance et de l’adolescence ratifiée par l’Italie. « Mais c’est une assistance minimum, dénonce Carlotta. Pour les rêves et les besoins de ces enfants, il n’y a pas de temps, il n’y a pas de professionnalisme. Dans les commissariats, personne ne parle ni le français ni l’anglais. Et même l’école qu’on leur offre, au lieu d’être la plus avancée, est la plus dépouillée. » Sans compter que le Pacchetto Sicurezza (« le paquet sécurité ») approuvé par le gouvernement italien le 23 juillet 2008 a limité cette prise en charge, en plus d’être ouvertement en contradiction avec certaines des conventions internationales sur le thème de l’immigration et de la protection des droits de l’Homme.
Akhmed est en Italie depuis décembre 2008. « Il voudrait étudier, apprendre mieux l’italien. Il est fils d’enseignants qui lui ont transmis l’amour pour la culture, poursuit Carlotta, en septembre, il passera le brevet dans une école pour étrangers, puis on ne sait pas ce qu’il adviendra. Mais ça fait huit mois qu’il est ici avec nous, et il n’a pas encore passé un seul jour à l’école : il perd son temps, qui est la chose la plus précieuse qu’il possède encore. » Carlotta Mismetti Capua a un rêve : recueillir des fonds pour aider Akhmed à poursuivre ses études.
Tous les contacts sont sur le blog « La città di Asterix » (« la ville d’Astérix ») et sur le groupe Facebook.
Translated from Bambini rifugiati: a piedi dall’Afghanistan a Roma