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Radio Elvis : carnets de voyage

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BrunchCulture

cafébabel a rencontré Radio Elvis à Paris, un groupe français qui a choisi de faire des poèmes sous forme de chansons. Après avoir mis en boîte deux EP, les 3 membres annoncent ici la sortie d'un album pour début 2016. Mais le chemin pour y parvenir a été tortueux, parfois pénible et empreint de pas mal de rêves. Voyage au bout de plusieurs nuits.

« Enfants, nous vivions seuls dans le péril du jour et, lorsque la nuit s’avançait sur nos maisons perdues, nous écrivions de légers poèmes avec l’espoir secret d’exister. » Il s'agit d'une des phrases qui apparaît sur le site web de ce groupe formé par trois jeunes français basés depuis quelques années à Paris.

C'est la déclaration d'intention qui résume leur parcours, leur style musical et leur envie de raconter des histoires par des poèmes courts sous forme de chanson. Pendant l'interview, le chanteur du groupe, Pierre Guénard, remue - inquiet - sur un petit tabouret entouré de ses compagnons. À la fin de chaque question, il répond rapidement, de manière décidée et le regard tourné vers plusieurs points à la fois.

« Ça fait deux ans que l'on joue ensemble mais on se connaît depuis très longtemps » , raconte-t-il. Les trois membres du groupe proviennent de la même ville, Poitiers. Le chemin pour se constituer en tant que groupe a été semblable à une traversée, comme celle dont ils parlent dans leur chanson qui mêle littérature, rêves et voyages.

Radio Elvis - « La Traversée »

Débuts tortueux

Les débuts musicaux de Pierre remontent aux  jam sessions qu'il organisait à Poitiers « pour montrer aux gens » ce qu'il écrivait. Une « période artistique de merde », comme il le décrit lui-même, durant laquelle il noircit de nombreuses pages dans sa chambre d'adolescent avec l'idée de devenir musicien.

Ensuite, viennent ses premières années à Paris pendant lesquelles il joue dans un squat du 10ème arrondissement. Une étape aussi « douloureuse que formative », selon lui. « C'était la première fois que je faisais face au rejet du public. Les gens quittaient la salle ou m'arrachait le micro pendant que je chantais. Quand tu chantes dans la rue, tu t'attends à tout mais pas dans un espace fermé où tu essaies de donner le meilleur de toi-même », plante-t-il en gigotant.

Les deux autres membres de Radio Elvis, Manu Ralambo – à la basse – et Colin Russeil –à la batterie – avaient précédemment participé à des formations sans vraiment parvenir à leur objectif. « Pierre et moi, nous avons toujours voulu monter un groupe de rock et après avoir enregistré une maquette ensemble, nous nous sommes rendu compte qu'il nous fallait quelqu'un pour jouer de la basse. » Grâce à cela, Manu est entré en scène.

Maintenant, on les compare, entre autres, à des artistes tels que Dominique A, Noir Désir ou Alain Bashung. Des musiciens qui les ont beaucoup inspirés, reconnaissent-ils même s'ils revendiquent leur style comme quelque chose de « propre et de très personnel ». À l'international, ils font référence à des groupes comme The Doors, Nick Cave, Arcade Fire ou Sonic Youth.

La littérature comme point de départ

La question suivante concerne le monde littéraire qui imprègne les chansons de Radio Elvis. Pour Pierre, les livres supposent un moment de calme pour un esprit surchargé qui a du mal à s'arrêter. « J'ai de gros problèmes de concentration : je n'arrive pas à rester cinq minutes sans bouger, ce qui a été assez préjudiciable pour moi », avoue-t-il.

Pour commencer à lire, il a fallu passer trois mois à Berlin. Pierre ne connaît personne et profite de pas mal de temps libre. En Allemagne, il découvre L’étranger d'Albert Camus et Voyage au bout de la nuit de Céline. Il parle de celui-ci comme d'un « choc littéraire » qui a ouvert grand les portes vers d'autres auteurs comme Jack London ou Saint-Exupéry.

« Je me suis beaucoup identifié àMartin Eden – de Jack London – parce qu'il parle d'un anti-artiste qui vit de multiples vies comme Saint-Exupéry. Ils ont tous eu 35 000 jobs avant de faire ce qui leur plaisait vraiment », explique-t-il. Une situation qu'ont aussi traversée les membres de Radio Elvis quand la musique ne leur suffisait pas encore pour vivre.

L'écriture : un accident fortuit

Dans le cas de Pierre, ce moment de plaisir lorsqu'il attrape papier et crayon pour donner libre court à ce qu'il pense, survient « de manière accidentelle ». « J'écris ce qui me vient à ce moment-là, sans penser à aucun thème en particulier et je crois que ça doit se passer comme ça », précise-t-il. Dans ce processus, intervient également quelque chose de mystique qu'il assure « avoir appris à contrôler » grâce à la musique que produit Radio Elvis.

Les trois membres du groupe façonnent, éliminent et reconstruisent les phrases qu'il écrit pour « composer un maximum tous les trois », explique Colin.  « Par exemple, j'apporte quelque chose de nouveau à une chanson et Manu lui donne généralement une teinte complètement distincte, ce qui fait que nous prenons un chemin très différent. »

Un travail non exempt de petites manies comme le « stylo fétiche » de chacun pour composer ou les superstitions de Pierre qui touche du bois « avant chaque concert » et qui porte un pendentif en forme d'avion. « C'est pour Saint-Exupéry, je l'ai acheté la première fois que je suis allé aux États-Unis », explique-t-il en riant.

Et l'album, c'est pour quand ? Ils se regardent, quelque peu indécis. « Probablement pour début 2016 », répond Pierre. Pour l'enregistrement qui s'est achevé en septembre, ils se sont préparés consciencieusement avec « de petites périodes à la campagne et beaucoup de concerts » pour améliorer chaque son.

Un chemin similaire à celui d'un voyage durant lequel Radio Elvis accumule un léger bagage avec quelques accords, plusieurs livres et de brefs poèmes sous forme de chanson.

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Écouter : Radio Elvis - Live aux [PIAS] Nite (Pias/2015)

Story by

Matthieu Amaré

Je viens du sud de la France. J'aime les traditions. Mon père a été traumatisé par Séville 82 contre les Allemands au foot. J'ai du mal avec les Anglais au rugby. J'adore le jambon-beurre. Je n'ai jamais fait Erasmus. Autant vous dire que c'était mal barré. Et pourtant, je suis rédacteur en chef du meilleur magazine sur l'Europe du monde.

Translated from Radio Elvis: Canciones ligeras de equipaje