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Quotas ethniques : un tabou dépassé 

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Société

Quotas ethniques ou discrimination positive : des expressions qui déclenchent souvent des grincements de dents. A ce sujet, les avis en France et de l’autre côté de la Manche divergent.

Intégrer pour finalement comprendre ses immigrés. Le Royaume-Uni et la France, malgré leurs deux approches très différentes, se sont depuis des années engagées dans une réflexion profonde à propos de cette thématique. Si la France met en doute l’utilité des statistiques ethniques et de la discrimination positive, le Royaume-Uni a franchi le pas. Même si de nombreux problèmes subsistent.

France frileuse

Depuis plusieurs années, la France se demande s’il est pertinent de mettre en place des quotas ethniques pour pallier aux différentes discriminations. L’idée provoque systématiquement de nombreux grincements de dents. Historiquement, la France et le Royaume-Uni ont toujours accueilli des populations venant de l’extérieur de l’Europe. Pourtant, la société française semble davantage rencontrer beaucoup de problèmes avec l’intégration de ses immigrés.

Selon Patrick Simon démographe et chargé de recherches à l’Institut National d’études démographiques (INED), les statistiques ethniques sont « interdites tant que l'on n'a pas précisé leur justification. Il existe chez nous une méfiance historique à l'égard de la collecte des données raciales. Cela tient aux précédents ; le fichage des juifs sous Vichy ou encore les statistiques coloniales à des fins de persécution, d'exclusion et de discrimination. En réalité, c'est une loi européenne - la directive 95 - qui gouverne la pratique française. Celle-ci classe les données ethniques et raciales parmi les données sensibles. Nous ne sommes donc ni plus ni moins sévères. »

La problématique des quotas ethniques est ni plus, ni moins liée à la fameuse discrimination positive. Définie comme l’ensemble des mesures destinées à permettre le rattrapage de certaines inégalités en favorisant un groupe par rapport aux autres, elle est particulièrement malvenue dans la société française.

Car elle implique la possibilité de transgresser de façon temporaire l’égalité des hommes en droit, un principe fondateur de la Constitution française.

Pour Patrick Klugman, avocat membre du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) et vice-président de ‘SOS Racisme’, « la discrimination positive ethnique repose sur des classifications arbitraires génératrices de frustrations. Aucune catégorie identitaire n'est en soi totalement fondée ou juste. Ainsi, la population noire voulant bénéficier de la manne réclamée par son organe représentatif devrait arbitrer entre les impétrants d'origine africaine et ceux d'origine antillaise, entre les musulmans et les catholiques. Le tout sans parler des problèmes engendrés par les sous-ensembles de chacune de ces catégories... »

Plusieurs institutions nouvelles ont été créées dans l’Hexagone pour mieux connaître les problèmes rencontrés par les immigrés comme l'Agence de l'accueil des immigrés, l'Agence nationale de l'égalité des chances ou la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) sont donc nés de ces réflexions. Une ébullition qui n’a pour l’instant pas permis de résoudre le problème.

Le Royaume Uni a parcouru un chemin légèrement différent depuis le vote de la loi sur les relations raciales de 1976. Cette loi a induit l’obligation pour tout employeur, y compris les entités publiques, de lutter contre les inégalités ou différences de traitement qu’ils pourraient engendrer. L’idée de discrimination positive fait son chemin à l’image de ce qui se fait déjà aux Etats-Unis.

Royaume-Uni adepte de la discrimination positive encadrée

Le suivi ethnique fait désormais partie prenante du système britannique. Alors, certes, la Grande-Bretagne autorise le système des quotas mais dans des conditions très strictes.

Pour John Crowley, chercheur en sciences politiques, « des limites sont apparues dans le suivi ethnique, comme l’interdiction de recenser les musulmans en raison de l’islamophobie de la société britannique, ainsi que le coût de ce système pour les petites entreprises. »

L’utilité de telles mesures reste entièrement à démontrer : comment réaliser de telles statistiques ethniques ? Ainsi, selon une enquête du Pew Institute réalisée à l’été dernier, 81% des musulmans britanniques se sont d’abord déclarés musulmans avant d’être citoyens de leur pays alors que seulement 46% des musulmans français pensent de la même manière.

L’établissement de quotas ethniques est donc un problème complexe qui demande une réflexion progressive sur l’intérêt d’une telle méthode. Une solution en matière d’emploi et d’embauche concerne par exemple le principe du CV anonyme permettant aux recruteurs d’agir de manière parfaitement objective.