Quitte ou double
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veronique daydetVoici ce que l'histoire de Chypre nous enseigne : avec l'élargissement, l'Europe s'est insérée dans un jeu dangereux. Duquel elle ne pourra sortir avec succès qu’en faisant entrer les sociétés civiles dans le match.
Les particularités de Chypre, troisième plus grande île de la Méditerranée, dérivent de l'histoire politique et religieuse de l'île. Située à 70 km au sud de la côte turque dans la Méditerranée Orientale et environ à 400 km de l'île grecque de Rhodes, Chypre a été gouvernée jusqu'à 1960 par des étrangers.
De Vénus à Makarios
Après la domination vénitienne, l'importance stratégique de Chypre, terre natale de Vénus selon la tradition, fut aussi cultivée par les Turcs ottomans qui la gouvernèrent jusqu'en 1878, date de la concession de la souveraineté politique à la Grande-Bretagne. L'hégémonie de Londres durera jusqu'en 1959. La situation reste stable jusqu'en 1967, année de la prise de pouvoir, en Grèce, des Colonels : la dictature militaire grecque ne cessa jamais ses vues nationalistes sur Chypre et depuis cette date commencèrent les heurts et les divergences entre communauté turque et grecque. Le scénario changea considérablement - et c’est encore le même aujourd’hui- lorsqu’en 1974 à Nicosie, capitale de l'île, fut déjoué une tentative de coup d'état fomentée par le régime grec dans le but de renverser le gouvernement unitaire de Makarios : la Turquie mobilisa rapidement son armée, qui en trois jours réussit à s’emparer d'environ un tiers du territoire de l'île. En 1975 la communauté turque chypriote contrôlait la partie nord de l'île, c'est-à-dire environ 37% de tout le territoire, alors que le reste demeura dans les mains de la partie grecque.
C’est en 1983 qu’eu lieu la déchirure peut-être la plus importante entre les deux parties, c'est-à-dire lorsque la partie turque proclama unilatéralement la naissance de la République Turque de Chypre du Nord, entité politique reconnue seulement par la Turquie, alors que les Nations Unies, ont toujours reconnu l'existence d'une seule souveraineté à Chypre, en niant la division ethnique établie sur le territoire.
Lorsque l'Europe viole le droit international
Les nœuds de la dispute sont multiples et la recherche de l'accord est très difficile. Si la partie grecque-chypriote penche en effet pour la formation d'une fédération sous un gouvernement unitaire fort, la minorité turque préfère de loin l'hypothèse de la confédération, de manière à maintenir une certaine souveraineté sur sa portion de territoire et par conséquent à s’auto protéger.
La dichotomie est considérable et ruine tout l'ensemble des accords de paix. Un nouvel élément de discorde et de complication est arrivé depuis 1999 : c’est à cette date qu’à Helsinki l'Union européenne entama la dernière phase du processus d'élargissement à l'Europe orientale et sud orientale, en intégrant Chypre, ou plutôt l'état grec chypriote, à l'intérieur du groupe des premiers candidats.
De 1999 à aujourd'hui, Chypre a parfaitement accompli les réformes économiques demandées par l'Union Européenne pour accélérer l'adhésion, et surtout aujourd'hui se présente comme le candidat plus probable à l'adhésion, aussi en vertu de la très bonne réception de l'acquis communautaire. Cette considération a redistribué le rapport de force interne.
Impasse explosive
La décision communautaire, qui permet à Chypre d'adhérer à l'Union même sans la partie turque, est non seulement contraire aux résolutions de l'ONU relatives à l'unicité de la souveraineté sur l'île - et de fait c’est comme si elle en sanctionnait la division légale avec toutes les répercussions possibles sur le cas bosniaque, par exemple - mais surtout elle libère la partie grecque de la réalisation de l'accord avec la partie turque. L'Union Européenne s’est insérée dans un jeu politique à deux, en influençant le résultat. L'adhésion de Chypre, au lieu de représenter le pont de lancement de l'élargissement, lentement mais sûrement, vers la Turquie, peut donc se révéler une impasse explosive. Il faut être cependant capable d'aller au-delà, d'essayer d’entreprendre de nouvelles voies qui permettent de rendre comme une option possible, la réunion des deux communautés. En partant en effet de l'implication de la société civile et en calquant le désir de paix exprimé de la part de tous les citoyens de l'île, il n'est pas impensable de réaliser une politique locale capable de déboucher, petit à petit, sur des résultats concrets. Je fais allusion, par exemple, au rôle que pourraient jouer les organismes locaux des pays membres de l'Union, intensifiant l’activité de jumelage avec autant de communes grecques-chypriotes (les seules à avoir une reconnaissance juridique internationale), en les engageant cependant à la confrontation avec les turcs-chypriotes.
L'intéressement de la société civile est certainement la voie royale à exploiter, mais elle n'est pourtant pas la seule. À côté, il serait utile de lancer un programme économique capable diminuer le « gap » économique entre les deux communautés, sans faire abstraction cependant de la nécessité d'une détente plus générale entre Grèce et Turquie. C’est seulement avec la réalisation de projets parallèles et simultanés, à tous les niveaux possibles, que l’on pourra surmonter l'impasse. L’impulsion devra cependant venir du peuple avec l'aide de la société civile européenne.
Translated from Lascia o raddoppia