Qui sont les Djihadistes européens en Syrie ?
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Véronique MazetDe plus en plus d'Européens rejoignent la Syrie. La brutalité manifeste de Bachar el-Assad est devenue un point de ralliement djihadiste international. On estime à 500 les Européens qui se battent en Syrie. Mais quelles sont ces personnes qui quittent l'Europe pour la Syrie et pourquoi ?
Depuis l'Europe, rejoindre le champ de bataille est aussi facile que de partir en vacances - un vol sans visa pour la Turquie, puis on roule jusqu'à la frontière et voilà la zone de guerre. Le voyage coûte moins de 500 euros. Les gouvernements s'inquiètent de ce que les militants à leur retour - plus radicalisés après leurs combats avec des groupes affiliés à Al-Qaïda, et pourvus de compétences sur le champ de bataille - lancent des attaques terroristes en Europe. Mais en dehors de la rhétorique radicale, ce qui ressort réellement de cette tendance reste l'humilité et les origines ordinaires de la plupart des Djihadistes européens.
LAVAGE DE CERVEAUx SUR LES RéSEAUX SOCIAUX
Un groupe de cinq jeunes amis musulmans de Portsmouth se bat actuellement en Syrie. Parmi eux Ifthekar Jaman, 23 ans, fils de propriétaire d'un restaurant indien. Ifthekar est parti en mai, en disant à sa famille qu'il partait deux semaines, pour aider. Aujourd'hui, il se bat au côté d'un mouvement affilié à Al- Quaïda, appelé ISIS - l'État islamique de la Syrie et de l'Iran. Le jeune britannique, qui s'est confié à la BBC en novembre 2013, a déclaré : « c'est mon devoir... tous ces gens souffrent. Des musulmans sont tués. » Un autre des gars de Portsmouth était responsable chez Primark (distributeur irlandais de vêtements, ndlr).
Interview via Skype entre un journaliste de la BBC et Ifthekar Jaman.
Sur les réseaux sociaux, l'action de ces garçons anglais a été particulièrement frappante. Ils ont ouvertement essayé d'enrôler d'autres Britanniques dans la guerre. Dans une vidéo, Jaman affirme : « à tous les frères qui espèrent nous rejoindre, venez. Seuls ou en groupe. » Un expert de la radicalisation évoquera dans le Telegraph, « les trois choses indispensables dont les djihadistes ont besoin en Syrie » à savoir « du papier toilette, des trousses de secours et des iPads. » Un autre Britannique qui combat en Syrie dévoile son expérience sur un Tumblr, et raconte tantôt l'amour fraternel, les bombes et les confidences auprès des feux de camp.
FRANCE : DEUX FRèRES DE TOULOUSE EN SYRIE
Ancienne puissance coloniale, la France entretient des liens plus ténus avec la Syrie. Le gouvernement français estime entre 200 et 400 les citoyens français qui ont rejoint le combat. La plupart se sont convertis, ce qui a exhorté certaines personnes à parler de « tourisme du Djihad » .
Nicolas B., 30 ans, vient des quartiers agités des Izards à Toulouse. Gamin à l'éducation instable, sa marginalisation s'accentue lorsqu'il commence à dealer du hashish. Son père, Gérard B., a raconté à la BBC comment Nicolas s'est converti en 2010. « Nicolas cherchait du travail, une identité, c'est peut-être à cause de cela qu'ils ont réussi à l'enrôler. C'est typique des extrémistes que de s'attaquer aux personnes qui ne se font plus d'illusions . »
Le père de Nicolas sur la BBC.
Nicolas a changé son nom pour Abd Al-Rahman tout en tentant de convertir sa famille. Dans une vidéo tournée en Syrie, il se réjouit de la conversion de son demi-frère de 24 ans : « mon frère Jean-Daniel m'a rejoint dans l'Islam. C'est un cadeau d'Allah ».
Les frères avaient dit à leurs amis et à leur famille qu'ils se rendaient en Thaïlande pour un stage de boxe thaï. À la place ils sont allés en Turquie puis ont traversé la frontière syrienne. Leur père confiera à la BBC : « j'ai élevé mes enfants à base de Nintendo et de Choco Pops. Les voir se battre en Syrie est affligeant. » Pour avoir suivi son frère aîné au nom du djihad, Jean-Daniel a été tué lors de combats qui l'opposait avec les forces du gouvernement syrien, en août, deux ans après sa conversion. Leur père se plaint de l'influence nocive des jeux vidéo et du lavage de cerveau des extrémistes. « Ce ne sont pas mes enfants qui sont allés en Syrie », dit- il.
ALLEMAGNE : DU TERRAIN DE FOOT AU CHAMP DE BATAILLE
Burak Karan faisait son petit bonhomme de chemin au sein de l'équipe de jeunes de la Mannschaft. Fils d'immigrés turcs, il a joué pour l'Allemagne de 16 à 17 ans aux côtés de joueurs devenus superstars, comme Lewis Holtby de Tottenham, Sami Khedira du Real de Madrid et les joueurs de Schalke 04, Dennis Ago et Kevin-Prince Boateng. C'était un joueur prometteur, considéré comme étant toujours de bonne humeur et bavard.
Burak Karan.
Son avenir semblait brillant, mais à l'âge de vingt ans, il arrête brusquement de jouer pour dévouer sa vie à l'islam radical. Alors que ses amis gagnent des millions en marquant des buts pour leur club ou leur pays, Burak se trouve sur les champs de bataille syriens. Son frère, Mustafa, a raconté à un tabloïd allemand - le Bild - que Burak avait commencé à collecter des fonds au début du conflit syrien en 2011 pour acheter des médicaments et soigner les victimes. Il y a sept mois, il a voyagé avec sa femme et ses enfants jusqu'à la frontière Turquie-Syrie pour distribuer de l'aide médicale.
Début octobre Burak a été victime d'une frappe aérienne du gouvernement dans la ville d'Azaz au nord de la Syrie. Il avait 26 ans. Beaucoup d'ambiguïtés entourent sa mort. Une vidéo postée le 22 octobre par un groupe islamiste inconnu conteste l'image bienveillante décrite par son frère. Il est filmé tenant un fusil d'assaut, et le texte dit : « il s'est battu comme un lion dans un territoire d'infidèles et a aimé le combat. » Il avait été s'entraîner dans un camp d'Al-Quaïda au Waziristan, une région dure du Pakistan. D'après sa sœur Zuhal, « il ne parlait plus que du djihad. » Kevin-Prince Boateng a rendu hommage à son vieil ami sur Twitter, « RIP mon frère Burak.K ! je ne t'oublierais jamais, tu étais un vrai ami ! ».
Cet article fait partie d'un dossier spécial consacré à la Syrie et édité par la rédaction. Retrouvez bientôt tous les articles concernant le sujet à la Une du magazine.
Translated from European Jihadists in Syria