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Qui se cache derrière les cagoules noires qui enflamment la Grèce?

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Story by

Lorelei

Presse à la grecque

Quelques jours après le début des affrontements entre forces de police et jeunes en Grèce, les réactions commencent à pleuvoir dans la presse.

En fait, les interrogations se centrent sur le comportement des ‘cagoulés’, qu’on appellerait en français les casseurs, qui, le visage recouvert d’une cagoule noire, s’en prennent à tous les biens des particuliers, des banques voire de l’Etat (des voitures de police, surtout) et vandalisent les grandes villes du pays depuis samedi.

En gros, tout le monde (et les commentaires de ce blog en premier lieu !) condamne leurs actes de violence. Mais il est vrai que le ton adopté diffère selon les commentateurs, et que la condamnation portée contre ces groupes extrémistes (la plupart se revendiquent de mouvements anarchistes) n’est jamais aussi forte que contre les causes qui ont conduit à ces affrontements.

“ON PEUT ET ON DOIT CONDAMNER ces excès et la tentative de ces groupuscules de prendre en main le mouvement de contestation, écrit Thanos Oikonomopoulos dans Kathimerini, mais avant cela il faudrait reconnaître que cette « écume sale » est d’une certaine manière un « phénomène naturel » qui accompagne les explosions causées par des événements qu’on ne peut ni accepter ni comprendre ». En clair, le vandalisme que l’on constate est à condamner en soi, mais il faut le replacer dans le contexte explosif de ces derniers jours et le contexte global du pays qui les connaît. « Il faut vraiment être aveugle, continue le journaliste, pour ne se focaliser que sur les excès qui se greffent (et même si quelques individus exploitent la situation) sur la contestation sociale soulevée par un crime et par une accumulation de désespoir qui n’attendait qu’une occasion pour exploser. Il faut vraiment être aveugle pour ignorer la réalité de ces dernières années qui voient la légalité, celle qui doit définir le fonctionnement d’un « Etat de droit » réel et non mensonger, être détruite. » Scandales politico-financiers, judiciaires, gaspillage de l’argent public et diminution des fonds accordés à l’éducation, sont effectivement selon beaucoup de commentateurs les réelles causes de l’embrasement. La mort du jeune Alexandre-Andréas a été l’étincelle qui a tout enflammé.

(merci à Pepoula pour le reportage photo à Thessalonique !)tsimiski_venizelou.jpg

Dans Ta Nea, même son de cloches étayé par les remarques de professeurs en psychologie et de chercheurs en sciences politiques. Le sentiment que la classe politique est illégitime et ne respecte pas la loi est pour beaucoup responsable de la situation. « On ne peut plus parler d’un groupe, explique Vassiliki Georgiadou, mais d’un phénomène de masse. Les jeunes, selon elle, voient « la police faire ce qu’elle veut, le pouvoir politique corrompu depuis des années, la sphère publique évoluer dans la plus grande illégalité ». Comment dès lors ne pas reproduire cela – ou désespérer totalement ?

Antonis Karakousis replace aussi ces mouvements dans l’évolution des mouvements étudiants de ces deux dernières années. Il constate que ces mouvements radicaux se détachent clairement depuis quelques temps des partis traditionnels de gauche et sont plutôt le fait de formations de lutte contre le pouvoir qui ont en quelque sorte « accouché d’elles-mêmes ». Leur développement est lié à celui des moyens de communications modernes comme Internet, et la rapidité de la réaction de ces groupes après la mort du jeune garçon prouve l’étendue de ces réseaux.

Par ailleurs, le comportement de ces cagoulés provoque des affrontements au niveau politique dans l’aile gauche de la scène politique grecque. La secrétaire générale du parti communiste a violemment accusé le dirigeant du mouvement radical SYRIZA de « caresser les casseurs dans le sens du poil ». Elle établit une distinction nette entre « une colère justifiée et indignée face aux victimes de la répression d’Etat » et « le foyer des extrêmistes et tout ce qui peut se dire sur les nouvelles formes de contestation ». Les communistes essaient en fait de recentrer le mouvement de ces derniers jours sur la lutte contre la politique économique du gouvernement et son absence de mesures face à la dégradation du monde du travail. Le SYRIZA a répondu qu’il était aux côtés des manifestants « sans cagoule », mais qu’il constatait que « le parti communiste adopte une position hostile aux jeunes et aux étudiants » (voir dans Ta Nea). Le positionnement du parti radical de gauche semble pourtant clair dans le journal Rizospastis qui considère que les actes de vandalisme font le lit d’une répression policière encore plus intense (à lire dans Eleftherotypia).

De son côté, le gouvernement déplore le manque de condamnation ferme des partis politiques des actes de vandalisme – pour l’opposition ça n’est qu’une façon de cacher sa totale confusion et son manque absolu de réaction adaptée. Cependant, alors que Face Book avait relayé dès samedi soir la colère face à la bavure policière, avec la création de groupes liés à la mort du jeune homme (à lire dans Ethnos), d’autres groupes se forment sur Face Book à présent, qui demandent l’arrêt des violences et de la destruction aveugle des villes.

Enfin, pour répondre au commentaire d’Elina, je n’ai effectivement pas lu beaucoup de choses en lien avec la crise économique mondiale, sinon sous la plume de Michalis Chrysochoïdis (dans Kathimerini), qui y fait allusion en relevant que la Grèce connaît finalement la première crise sociale de l'Occident depuis le déclenchement de la crise financière. Cependant, il reconnaît surtout l’importance des facteurs locaux grecs déjà cités dans la formation de groupes anarchistes.

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