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Que nous dit le sommet européen du 22 mai sur la communauté européenne ?

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Bruxelles

Par Jeanne Heuré (en direct du sommet) Au cours de sa conférence de presse du 16 mai 2013 à Paris, le président français François Hollande affirmait qu’il allait proposer aux chefs d’Etat européens de mettre en place une communauté européenne de l’énergie lors du présent sommet. Quel bon choix de vocabulaire! Nous, Européens, nous adorons les « communautés européennes de … ».

Pourtant, le terme n’appelle plus aux mêmes actions.

La « Communauté européenne de… » l’intégration !

De la Communauté européenne du Charbon et de l’Acier (CECA), à la Communauté européenne de l’énergie atomique (EURATOM) en passant par la Communauté européenne économique (CEE) ou encore, malgré son échec, la Communauté européenne de défense, ce nom traverse la construction européenne. Mais ce groupe de mots signifie-t-il toujours la même chose à travers les époques ? Lorsque la CECA fut élaborée, le couple franco-allemand proposait la mise en commun de la production de charbon et d’acier pour deux raisons essentielles. D’abord, les deux pays rendaient impossible une nouvelle guerre grâce à la réunion « transfrontière » de leur production des énergies de base de l’industrie d’armement : ils décidaient en quelque sorte de partager le même fusil. Par ailleurs, les perspectives fonctionnalistes des pères fondateurs de la communauté européenne prévoyaient que l’intégration de ces deux secteurs d’économie se répande sur des secteurs voisins qui, à leur tour, perpétueraient le phénomène de spill over. Les fins recherchées étaient claires : il s’agissait de favoriser l’élaboration d’institutions supranationales permettant la coordination des économies internes.

La « Communauté européenne de… » la concurrence !

Pourtant, l’établissement d’une Communauté européenne de l’énergie ne promeut en aucun cas la création d’une autorité supranationale de l’énergie, ni même l’intégration européenne du secteur de l’énergie. Le développement du marché intérieur, la prédominance internationale des paradigmes libéraux et néolibéraux, et la construction duale de l’Union européenne entre inter-gouvernementalisme et supranationalisme ne permettent plus d’envisager la création d’une Communauté européenne de l’énergie telle que la CECA. Il s’agit plutôt de mettre en œuvre une politique européenne cohérente et coordonnée, dans le domaine l’énergie. L’enjeu de la communauté européenne de l’énergie est de faire interagir les entreprises nationales promouvant la transition énergétique tout en favorisant leur mise en concurrence.

De la « communauté » européenne de l’énergie au « marché » européen de l’énergie.

C’est cette compétition interne qui créera de la valeur ajoutée à la communauté européenne de l’énergie vis-à-vis du reste du monde. En effet, l’Europe vise d’abord à s’affirmer et à se positionner sur la scène de la compétition globale. Le terme de « communauté européenne » tel qu’il était compris au moment des fondements de l’UE invoquait les concepts d’unification, d’intégration économique, de supranationalisation ; ce même groupe de mots, tel qu’il est perçu aujourd’hui, fait référence à un cadre de mise en œuvre des politiques européennes fondé sur la concurrence des acteurs du marché intérieur. Le paradigme européen a changé : les fins des « communautés européennes de… » ne dépendent plus de dangers internes mais répondent à des menaces extérieures.

Il y a quelques minutes, le discours du président français le prouvait : il ne parlait plus de Communauté européenne de l’énergie mais bien d’un « marché européen de l’énergie pour ne pas perdre en compétitivité alors que les Etats-Unis se constituent une performance énergétique avec des conséquences environnementales qui se répercutent sur l'Europe ».

Crédit photo: © Conseil de l'Union européenne