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Que les derniers allument la lumière !

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Sevilla

Après la transition de la dictature vers la démocratie, est venu le moment politique le plus important de l'Histoire récente de l'Espagne. Des changements désirés et craints à la fois approchent, avec plus de parallélismes avec l'UE qu'on ne l'aurait imaginé.

Je n'oublie pas ce jour où, il y a 15 ans, une poignée d'amis m'a fait observer une évidence chargé d'espoir : il existe dans de nombreux pays d'Europe une génération qui a vécu toute sa vie - ou presque toute - au sein de l'Union européenne. Une génération prête à assumer le défi historique d'avancer et de construire pour donner un nouveau sens à la fraternité entre les peuples de ce vieil appendice malmené de notre planète. Un sens démocratique et solidaire finalement, face au sens paternaliste et technocrate qui régnait jusqu'alors règne encore aujourd'hui.

Hollandais, Italiens, Portugais, Allemands, Irlandais ou Espagnols, cela fait des décennies que nous nous intéressons aux langues et au patrimoine des uns et des autres, complétant notre formation dans les pays voisins, nous extasiant devant l'accent étranger de beaucoup de nos collègues de bureau, tombant amoureux sans regarder la couleur du passeport de notre cher et tendre...

C'est tout naturellement que nous sommes en tant qu'Européens capables de fermer les yeux et de les rouvrir dans les yeux de nos proches à l'autre bout du monde. Cette eurogénération, comme on l'a alors appelée, en 2002, a grandi bercée de discours analgésiques sur la fameuse citoyenneté européenne et les promesses gelées que ce droit semble abriter, tel un arbre qui ne verra jamais le printemps.

La citoyenneté européenne a toujours été un droit vidé de sa racine actante, attendu que les pouvoirs européens considèrent le citoyen européen uniquement sous son profil passif. Le citoyen communautaire a le droit de choisir les membres d'un parlement qui, cependant, ne peut proposer de lois ; un parlement aux compétences décaféinées et, par-dessus le marché, placées sous la tutelle des gouvernements nationaux et d'une Commission de mandarins exemptée de tout scrutin et de contrôle citoyen.

Des millions de citoyens européens qui circulent au sein de l'UE sont des éxilés économiques contraints et toujours suspectés de fraude. L'économie et les médias publics des citoyens d'un pays communautaire peuvent être contrôlés, mais les citoyens ne peuvent pas intervenir dans les règles qui dirigent l'intervention. Plus encore, les citoyens de l'UE peuvent utiliser une monnaie commune, mais uniquement pour payer, sans être consultés, des dettes contractées par des banques qui conditionnent les politiques publiques, sans montrer le moindre signe de solidarité.

Que nous, Européens, puissions monter des pétitions et manifester notre mécontentement, cela ne sert à rien si nous ne disposons pas d'espaces communs de débat qui favorisent la formation et l'évolution de l'opinion publique européenne. Et c'est pour cela qu'en 2004, nous - un groupe de 24 citoyens - avons créé l'association Babel España et que nous avons donné sa lettre de naturalisation à la version espagnole du média de communication cafebabel.com. Une formule inédite de journalisme participatif née de simples citoyens, sans dettes partisanes et avec une ligne éditoriale complètement autonome. Grâce aux nouvelles technologies, nous avons compris qu'était arrivé le moment où le journalisme libre, en étant organisé en réseau sur tout le continent, contribuerait à l'apparition etau renforcement de l'opinion publique européenne, comme la mise en avant d'une citoyenneté majeure qui ne se contente pas d'être traitée comme la comparse de ceux qui ont toujours monopolisé la baguette de la construction européenne.

Je ne suis pas autocomplaisant. Depuis cette époque, nous avons peu avancé. Les crises institutionnelles, économiques et sociales de l'UE qui se sont succédées ont servi aux dirigeants retranchés dans le Quartier Léopold de Bruxelles et à leurs alliés dans les capitales nationales pour dissimuler le pathos qui alimente les crises, c'est-à-dire le manque d'un projet précis de démocratie européenne.

La soumission actuelle de la souveraineté des peuples du Sud de l'Europe aux intérêts du cartel financier du Nord, incarné par une Banque Centrale Européenne et une Troïka étrangère à tout contrôle démocratique est une grave embardée à contre-sens quand il s'agit de défendre la fraternité européenne. De plus, elle anticipe la prochaine violation des droits acquis par l'effort et le sacrifice de nos aînés pour l'immense majorité des Européens, pour leurs êtres chers, leurs familles, leurs contribuables, leurs souverains.

Admettons qu'on propose à un citoyen finlandais ou grec de céder sa souveraineté nationale. S'il s'agit de le faire en faveur d'un parlement et d'un pouvoir exécutif européens transparents, élus au suffrage universel direct et destinés à compléter les politiques publiques insuffisantes des États pour avancer en matière d'égalité des chances, de justice sociale et d'équilibre social ou de liberté au-delà des frontières, il est possible qu'il dise "oui". Mais si derrière les mots et les promesses non tenues, la souveraineté a été cédée au secteur financier ou, pour la majorité d'États à quelques autres États privilégiés, pour un meilleur avantage et bénéfice de ces derniers, là il sera alors dans la rue pour dire "non".

 Comme tel est malheureusement le cas, la population de l'Europe, avec l'eurogénération à sa tête, est prête à chercher des solutions. Et il n'est pas dit que toutes soient valables pour sauver le projet européen de la patrimonialisation porté par certains, peu nombreux. Nous voyons ainsi comment surgit un Orbanistan xénophobe en Hongrie, un Kaczynskistan homophobe et autoritaire en Pologne, peut-être bientôt un Lepenistan autarcique en France, une Île de Barataria au Royaume-Uni ou un État policier dans n'importe quel pays des Balkans.

C'est pourquoi il faut valoriser l'expérience espagnole actuelle. Dans ce pays composé de différents pays, dans cette Union européenne avant la lettre, la population - avec l'eurogénération en tête - est sortie dans la rue de manière pacifique afin de se retrouver elle-même, après plusieurs années à s'ignorer et à se laisser duper par quelques privilégiés. Des personnes d'origines très différentes se sont organisées pour avancer dans la démocratisation de l'économie et des relations sociales, et afin que l'Espagne traditionnelle ressemble un jour à l'Espagne réelle. Leurs armes sont la collaboration en réseau, la transparence, l'information et la conversation ouverte. Le tout, déployant par le bas des espaces de débat sans liens avec la trame politico-industrielle qui monopolise, dans le dos des grandes majorités, le pouvoir et qui saupoudre celui-ci dans le panorama des médias de communication traditionnels.

Depuis le 13 janvier, un nouveau parlement a été constitué en Espagne. Dans ce nouveau parlement, plus de 50% des députés sont débutants et les partis politiques qui soutiennent le changement sont très présents pour défendre les intérêts de 99%. Leur comportement dans les institutions reflète de manière fidèle le comportement naturel de la population qui se trouve hors de ces institutions, et leurs initiatives sont loyales envers les demandes des millions d'Espagnols qui se sont sentis escroqués ou exclus par ceux qui gouvernent. Ces demandes concernent surtout la matérialisation des droits de l'Homme, la séparation des pouvoirs, la lutte implacable contre la corruption et les portes tambours entre la politique et les secteurs stratégiques, ou le sauvetage des personnes ayant payé pour le sauvetage des banques. Parce que les pays avec le moins d'inégalités sociales sont ceux qui, ensuite, présentent le moins de corruption et le plus haut degré d'efficacité économique et de croissance.

En Espagne, ce n'est ni plus ni moins que l'Europe qui est en jeu. Une Europe de l'eurogénération, punie et exclue, qui cherche son chemin, sa lumière au bout du tunnel, et qui trouvera un sens si elle mise sur son modèle social. Une eurogénération fière des efforts et réussites inédits de ses anciens pour bannir la haine et la guerre de nos vies, mais qui sait qu'il faut rénover et renforcer le pacte social chez les Européens, face à ceux qui veulent le diluer et le réserver à quelques uns. Sinon, l'Europe s'effondrera.

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Fernando Navarro Sordo est le fondateur de Babel España Comunicación. Il a dirigé pendant 6 ans la version espagnole et les sections Politique et Économie du média cafebabel.com. Aujourd'hui, il est coordinateur du Secrétariat de l'Action Institutionnelle de PODEMOS.

Translated from Los últimos, que enciendan la luz