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Que fait Big Oil à la table des négociations climatiques ? 

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[OPINION] Le 18 mai dernier, le groupe activiste « BP or not BP » protestait contre le parrainage d’une exposition du British Museum par la compagnie pétrolière, ironiquement intitulée « Cités englouties ». L’occasion de revenir sur l’influence de cette industrie dans la sphère publique britannique et, pourquoi pas, d’y mettre un terme. 

Des liens présumés avec les paramilitaires colombiens en passant par la marée noire provoquée par l’explosion de la plateforme Deepwater Horizon, le bilan des compagnies productrices d’énergies fossiles est clairement négatif, notamment lorsqu’il s’agit de leur impact sur l’environnement et du tort qu’elles causent aux populations vulnérables.

Mais l’influence de Big Oil (les « supermajors », ndlr) dans l’élaboration des politiques et le processus démocratique reste floue. Chaque fois que naissent des soupçons d’actes douteux, une explication bien commode vient les écarter, ou est tout du moins suffisante pour dégager la compagnie de toute responsabilité. 

Le bénéfice du doute

Le quotidien The Guardian a récemment publié une lettre de BP adressée à l’UE, dans laquelle le géant britannique menaçait d’un « exode » de l’industrie pétrolière si l’Union adoptait certaines des propositions relatives à la protection de l’environnement. Effectivement, ces propositions sont passées à la trappe ou ont été assouplies, mais BP nie toute malversation, affirmant que la lettre était destinée à « mettre en évidence le risque de "fuite de carbone" liée à la politique de l’UE pour réduire les émissions de carbone, qui peut entraîner la délocalisation industrielle plutôt qu’une réduction réelle de ces émissions. Éviter cette issue aberrante est d’une importance capitale pour la politique climatique ».

Comme l’a souligné Jesse Bragg, Directeur des Médias au sein du Corporate Accountability International : « Le point le plus délicat est que l’industrie pétrolière est un peu trop intelligente pour afficher clairement ce qu’elle fait ». Et même si nous ne croyons pas aux excuses présentées par BP et autres, d’un point de vue juridique tout du moins, nous sommes forcés de leur accorder le bénéfice du doute. 

Ainsi, nous sommes obligés de nous rendre à l’évidence : l’Europe alloue des milliards en subventions à l’industrie des énergies fossiles, tout en réduisant considérablement celles pour l’énergie propre. Il en va de même pour le budget 2016 du Royaume-Uni, qui comprend l’abolition de la taxe sur les revenus pétroliers et autres exonérations fiscales pour les combustibles fossiles. En tant que chancelier de l’Échiquier, George Osborne a déclaré que le pays essaie simplement de tirer « le meilleur parti de ses ressources pétrolières et gazières ».

Si l’industrie des énergies fossiles continue de dépenser des millions en lobbying pour influencer les décideurs en matière de politique climatique, c'est bien sûr par pure bonté d'âme. Et si le PDG de l’American Petroleum Institute, Jack Gerard, l’un des lobbyistes les mieux payés au monde, a touché un peu plus de 14 millions de dollars en 2013, c’était sûrement pour promouvoir l’énergie solaire et les éoliennes, plutôt que pour faire pression en faveur de politiques propices à son industrie, ô combien polluante. Suggérer le contraire reviendrait à porter des accusations non fondées. 

Rêve ou réalité ?

La liste de ces malencontreuses coïncidences continuera de s’allonger tant que nous permettrons à cette industrie d’atteindre les décideurs politiques. Pour combattre l’influence de Big Oil, il est nécessaire de tirer quelques leçons de la manière dont le monde a abordé la question du tabac. En 2003, l’Organisation mondiale de la santé adoptait la Convention-cadre pour la lutte antitabac, et l’une de ses mesures clés était d’empêcher l’ingérence de l’industrie du tabac dans les politiques de santé. Exclure les lobbyistes des négociations peut sembler radical, mais comme l’a demandé Jesse Bragg, si nous voulons vraiment nous libérer des combustibles fossiles, alors « comment pourrions-nous les laisser subsister dans un espace où nous sommes censés trouver une solution ? ».  

Influence Map, organisation britannique à but non lucratif, révèle que plus de 81 millions de livres ont été dépensés en lobbying contre la politique climatique en 2015, avant d’ajouter que « malgré le récent accord de Paris sur le réchauffement climatique, l’industrie des énergies fossiles essaie systématiquement d’entraver le progrès et, pour ce faire, utilise les fonds des actionnaires ».

À l’heure où le Royaume-Uni, l’Europe et le monde entier luttent pour atteindre leurs objectifs climatiques, il y a là un problème crucial dont il faut s’occuper. Les phénomènes météorologiques extrêmes liés au changement climatique, du Canada en passant par le Sri Lanka, ont déjà causé de nombreux dégâts et devraient théoriquement secouer le monde. Se débarrasser de Big Oil reviendrait à faire un grand pas en avant. Nous devons cesser d’inviter à la table des négociations les compagnies qu’Influence Map décrit comme « membres du conseil d’administration de plusieurs associations professionnelles obstructionnistes, dont certaines ne prennent pas vraiment au sérieux la science du climat ». 

Les opposants de BP or not BP en représentation théâtrale à la Scottish National Portrait Gallery 

Translated from Why is Big Oil still invited to the climate negotiation table?