Quand Mickey 3D fait sa politique ou la recette miraculeuse de l'esthétique de la gêne
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Loin de nous le sadisme de vous décrire un concert que vous n'auriez pas vu alors que, probablement, il était temps en votre foyer de faire la vaisselle, de supporter les caprices de vos enfants, ou pire, c'est à peine si l'on ose le dire, de travailler ? Il conviendra simplement de dire que ce concert fut un moment de fête réussi, un moment à vivre pour ceux qui en ont l'occasion.
Mickey 3D commence son concert en nous chantant l'histoire d'un petit con qui voulait être Président. D'aucun pourrait alors penser encore un de ces artistes qui joue d'un gauchisme condescendant pour souffler entre deux chansons, difficile de juger.
Quoi qu'il en soit il pleut des références explicites dans les textes du chanteur aux accents stéphanois. On chante 1981 et l'on récite 1988, dans un jeu de références politico-culturelles qui tanguent entre complicité avec le public et peinture d'un modèle de l'homme avisé.
Comment comprendre alors l'efficacité d'un tel numéro de charme ?
"Je chante bobo donc je suis", eut été trop facile pour résumer l'argumentaire de Mickey 3D. Bien au contraire, il semblerait qu'il y ait eu un peu plus dans l'atmosphère de la grande salle du Sémaphore, à Cébazat, lors de la 10e édition de Sémaphore en chanson. Mickey 3D se montre en chanteur qui veille sur l'actualité et ce n'est pas son interview sur Radio Campus, deux heures avant le concert qui a montré le contraire.
Le chanteur s'insurgeait alors sur les ondes contre un Éric Raoult, député UMP, qui sut manifestement faire autant preuve de manque d'inspiration que de gaffe auprès de la presse lorsqu'il inventa "le devoir de réserve" à l'adresse de la lauréate du prix Goncourt, Marie NDiaye.
Dire que Mickey 3D ne joue pas pour autant de l'argumentaire qui sied à "l'artiste éclairé", c'est-à-dire une soupe d'anti-conservatisme primaire assaisonnée aux effets de voix aussi enfantins que névrotiques, manière peu banale de mimer la révélation de l'étrange vérité sur le monde au public, consisterait à fermer les yeux sur ce qui se passe sur scène.
Progressisme ou conservatisme là n'est pas la question, c'est la méthode, semble-t-il, qui nuit à la raison. Libre à chacun de défendre "ses idées" et il faut rendre à Mickey 3D une esthétique qui est sienne et finement élaborée, la qualité d'un artiste qui sut trouver la brèche commerciale dans le malaise d'une gauche populo-artistique.
Sur scène, on joue la carte du simple, on joue un peu pour les copains entre sifflotements et rimes nihilistes. La cour de récréation, c'est l'enclos ouvertement choisi par l'artiste pour communiquer avec son public comme avec la presse. Et il faut reconnaître que le décalage entre la voix d'homme et le masque de l'enfant fait son effet.
Des mots simples, parfois crus face à des questions dures, l'ensemble inspiré par l'art dérangeant de banaliser l'immoral de la nature humaine, c'est un drôle de sucré-salé que Mickey 3D sert en hors d'œuvre.
Et après ? Et après, malheureusement, rien. La nonchalance guide assurément le spectateur à la rencontre de ses questions les plus intimes, mais c'est la gêne face à la chute des utopies que l'artiste propose.
D'aucun pourrait alors souligner à juste raison que c'est le propre d'un l'artiste de déranger. Il est vrai. Mais que dire d'un opus qui fait les questions à la manière d'un Socrate avant de s'aventurer aussi conventionnellement que ses collègues bien-pensants à quelques erzats de réponses dont l'écho critique atteint péniblement le plafond du Sémaphore ? Difficile de répondre.
Cela étant, vient-on pour autre chose ?
À vous de juger.
B. B.