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Quand l'extrême droite devient mainstream

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PolitiqueL'Europe à la carte

[L'EUROPE À LA CARTE ] Une nouvelle étude montre que près de la moitié des Européens partagent des opinions populistes. Alors que les thèmes de l’extrême droite sont de plus en plus repris dans le débat public, comment les jeunes se situent-ils ? 

On l’appelle « la génération du 21 avril ». Le 21 avril 2002, Jean-Marie Le Pen – le candidat du Front National à l’élection présidentielle – passe au second tour. Vécue comme un électrochoc, la nouvelle pousse les jeunes français dans la rue pour des manifestations d’envergure dans les rangs desquels on retrouvera certain  des responsables politiques actuels. La « génération du 21 avril » compte aujourd’hui ses ministres et ses personnes de premier plan. La date, elle, fait maintenant office d’expression politique et qualifie un évènement de surprenant voire de carrément dramatique dans la vie politique française.

Douze ans après, le « 21 avril » se vit tous les ans en France. Si l’expression n’a jamais passé la frontière, elle se vit aussi en Allemagne, en Belgique, au Royaume-Uni, en Autriche, en Italie, au Danemark, en Pologne, en Hongrie... Autant dire qu’elle ne veut plus rien dire. L’effet de surprise et sa nature « catastrophique » a lentement laissé place à un constat, beaucoup plus sérieux car il est désormais ancré dans l’espace politique européen : la sympathie pour le vote extrême est devenue courant. La société internationale d’étude de marché YouGov vient de révéler sur BuzzFeed que près de la moitié des adultes de 12 pays européens différents avaient des opinions extrémistes. Autrement dit ? Une combinaison de points de vue anti-immigrés, nationalistes, conservateurs, anti-européens...

23 avril 2017

Pendant dix ans, le spectre de l’extrême droite a plané sur les sociétés européennes. En s'invitant dans les débats, à la télévision, dans la rue, à table. Il n’y a pas si longtemps, les responsables politiques poussaient encore des ouf de soulagement après certaines élections. L’extrême droite faisait 20% ,30%, 40% sans qu’elle n’arrive à obtenir de siège soit en raison de la nature du scrutin (uninominal majoritaire...), soit parce que les partis du centre avaient négocié des alliances. Chez les jeunes, on répétait à l’envi que désormais, dans une soirée, un pote sur cinq votait extrême-droite. L’alerte ne sonnait qu’une semaine, le temps de se (re)convaincre que l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir était impossible et que ce pote croisé en soirée était un « idiot » isolé.

Depuis il y a eu le Brexit, les élections autrichiennes, le référendum en Hongrie etc. Si l’extrême droite n’exerce toujours pas le pouvoir en Europe, elle domine outrageusement l’opinion. Elle est devenue mainstream. Les éléments du débat public sont tous inscrits à l’agenda des partis d’extrême droite. Si l’on prend l’exemple du Brexit, la campagne au Royaume-Uni a balayé tous les sujets qui fondent ce que YouGov appelle « une opinion autoritaire » : anti-immigrée, nationaliste, conservatrice et anti-européenne. En sondant l’avis de plus 12 000 personnes à travers le continent, l’étude montre que 63% des Français possèdent une « opinion populiste autoritaire », tout comme 47% d’Italiens, 48% de Britanniques, 49% de Danois, 50% de Finlandais, 55% de Hollandais, 78% de Polonais et 82% de Roumains.

Les jeunes ne représentent pas la catégorie d’âge la plus représentée. Mais comment ne pas penser que ce n’est qu’une question de temps ? Nous avons déjà vu que les 18-30 ans donnaient de plus en plus de voix aux partis d’extrême droite (en France, 34% d’entre eux ont voté pour le FN aux Régionales de 2015, ndlr). Quand les débats sur l’Union européenne bureaucratique, les immigrés et le chômage auront dominé les campagnes des grandes élections de 2017 aux Pays-Bas, en France puis en Allemagne, qui dira que nous l’aurons échappée belle ? Et surtout, quand il faudra descendre dans la rue pour protester contre un nouveau « 21 avril », combien de jeunes donneront de la voix ?

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Source : YouGov

Story by

Matthieu Amaré

Je viens du sud de la France. J'aime les traditions. Mon père a été traumatisé par Séville 82 contre les Allemands au foot. J'ai du mal avec les Anglais au rugby. J'adore le jambon-beurre. Je n'ai jamais fait Erasmus. Autant vous dire que c'était mal barré. Et pourtant, je suis rédacteur en chef du meilleur magazine sur l'Europe du monde.