Quand les lesbiennes surfent sur le longboard
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Depuis le printemps 2013 et les campagnes de pub Vuitton, Chanel et autres, le longboard est devenu un phénomène de mode dans l’univers féminin. Une pratique dans laquelle on trouve de plus en plus de femmes, lesbiennes pour beaucoup. Rencontre avec ces femmes qui voient le longboard comme un style de vie plutôt qu’un accessoire de mode.
Le longboard, une activité masculine ? Nombreuses sont pourtant celles qui ont adopté ces planches, plus longues mais plus souples que le skate. Tarah, 29 ans, a toujours été attirée par les sports de glisse. C’est huit ans plus tôt qu’elle découvre le longboard, en Californie où la pratique est déjà largement démocratisée. « Je n’ai pas beaucoup pratiqué en France, car timide du regard des autres. Puis je suis arrivée en Californie. Tout le monde en fait, beaucoup de filles, et les gens t’encouragent », précise-t-elle. La West-Coast en a séduit plus d’une. Marie s’est aussi entichée du longboard après un séjour dans le « Golden State ». « En 2005, lors de mon premier voyage en Californie, je me baladais à Venice (un quartier branché de la ville, ndlr) et j’ai vu tous ces gens se promener sur leurs longboards en bord de mer. L’état d’esprit et la beauté de certaines planches m’ont immédiatement plu. Je suis passée devant la première boutique Arbor, j’ai trouvé leurs boards magnifiques et m’en suis achetée une. J’ai passé le reste de mes vacances dessus », raconte-t-elle. Aujourd’hui, avec sa marque, State of Grace, elle fabrique des planches fait-main avec du matériel recyclé. Un de ses produits a d’ailleurs été le grand prix de la soirée organisée par le collectif Barbi(e)turix, le 12 juillet dernier.
D’années en années, de plus en plus de femmes se familiarisent avec ce sport d’un nouveau genre, jusqu’à donner naissance aux Longboard Girls Crew, un collectif 100% féminin basé à Madrid. Jacky Madenfrost, la fondatrice, se souvient : « Il y a environ 4 ans, pendant La noche en blanco/negro à Madrid, un grand événement longboard, on m’a demandé d’aider et j’ai mis en place une page Facebook pour donner des infos. L’idée était de toucher les Espagnoles, puis le mouvement s’est étendu partout dans le monde ». Pour elle, il ne s’agit pas que de groupes de filles, « c’est carrément devenu un mouvement social ». Un mouvement social dont la diversité est un des points cardinaux : « On peut être lesbiennes, hétéros. Nous sommes des femmes toutes différentes et c’est ce qui en fait la beauté ».
« Quand je suis sur une planche, on m’approche »
Mais pourquoi les lesbiennes choisissent-t-elles le longboard comme mode de vie ? Pour Charlotte, 20 ans, l’explication est toute simple : « C’est un super moyen de rencontre. Une nana sur une planche… ça fait un carton auprès des autres filles. Et comme je fais partie de ces lesbiennes qui ne se font pas aborder parce que j’ai "l’air" ultra hétéro, quand je suis sur une planche, on m’interroge et m’approche. Donc en dehors de la passion, il y a aussi au départ un moyen de dire "hey oh les filles, je suis dispo"». Sandra est aussi de cet avis : « Ma meilleure amie fait du roller derby. Moi je n’aime pas les coups donc je fais du longboard (rires) Mais c’est clairement une façon pour moi de me rendre visible dans la communauté. Je passe inaperçue dans les bars parfois, mais si je suis sur mon longboard, les têtes se tournent ». Tarah confiera que c’est son côté mec qui est sûrement à l’origine de sa passion pour le longboard : « J’ai toujours été un peu garçon manqué, j’ai deux frères et je ne traîne principalement qu’avec des mecs. Du coup, était-ce pour faire comme eux que j’ai commencé ? En tout cas, ça m’a toujours attiré. Il y a peut-être un côté masculin, une attitude, un univers dont on veut faire partie ». C’est aussi l’avis de Tifenn, 28 ans : « Depuis que j’en fais…je pense que je me "masculinise" sans le vouloir : j’ai les genoux bien attaqués, les chaussettes trouées. Mais je pense que c’est cette partie là que j’aime bien ». Pour Aurélie, donner libre cours à son côté masculin, c’est revivre l’adolescence qu’on lui a interdit : « Je voulais tout le temps faire du skate et on me disait "non c’est pour les garçons". Je pense que chez la plupart des lesbiennes, il y a ce désir d’affirmer une part de soi qu’on nous a obligé à mettre de côté ».
Emma, 26 ans et londonienne, a emménagé à Paris récemment. Son ex-copine avait l’habitude de rider avec ses potes et petit à petit, elle s’est adonnée à la pratique en elle-même mais aussi à tout ce qu’elle comporte : « Je m’y suis mise parce que le côté communautaire me plaisait. Je pense que le longboard offre la possibilité d’appartenir à plusieurs communautés en même temps, tout en ayant la sensation de n’en former qu’une ».
De la liberté et des bleues
Cori Schumacher, ancienne championne de surf (la première à avoir fait son coming-out, ndlr), pense quant à elle que si les lesbiennes sont autant attirées par le longboard et par les sports de glisse en général, c’est aussi parce qu’ils procurent une sensation de liberté. « Libres et exemptées de toute cette pression que l’on subit au quotidien, en tant que femme, et en tant que femme homosexuelle. La sensation du vent, celle de flotter. Le tout associé à la vitesse…c’est là que l’on respire », philosophe-t-elle. Encore faut-il pouvoir ressentir ces sensations. Jessica, 22 ans, a d’ailleurs voulu me faire essayer sa planche. Premièrement, on constate que l’équilibre, ça s’apprend. Puis, ça n’est pas sans mal qu’on peut tenir et avancer sans que le longboard parte loin devant nous, pendant qu’on le contemple fesses à terre. Mais bon, la sensation de liberté vaut bien quelques bleus, non ?