Quand les anti-européens gagnent les européennes
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Simon LoubrisAbstention, nationalisme, et triomphe des eurosceptiques aux élections européennes du 13 juin. Comment l’Europe change, de Lubjana à Belgrade.
Les élections qui se sont déroulées du 10 au 13 juin marquent le début de la fin de l'Europe officielle. L'Europe comme elle s'est construite et comme on nous l'a racontée n'existe plus. Elle a désormais cédé face à l'irrestible poussée de trois « Europes » différentes qui sortent gagnantes des urnes.
Les trois Europes qui ont tué l’Europe
Il est une Europe qui, dans la plus grande indifférence, ne se trouve pas dans l'Union et rend le limes de la grande Europe insoutenablement dangereux. Alors même que s'ouvrait le scrutin dans la très européenne Lubjana, à quelques centaines de kilomètres plus à sud, à Belgrade, le candidat nationaliste radical Tomislav Nikolic arrivait en tête aux élections présidentielles serbes, se qualifiant ainsi pour le ballottage. La « Grande Europe » qu’on nous a vendu s’arrête donc avant même d’avoir atteint l’autre rive de l'Adriatique : à cent, misérables, milles de nos illusions et de nos hyprocrisies.
Il y a ensuite une Europe qui accueille l’ « Europe » officielle en snobbant le scrutin. Dans les 10 pays qui font partie de l'Union européenne depuis le premier mai, seul un électeur sur quatre s'est déplacé jusqu’aux urnes. À l'Est, l'Union a voulu se vendre comme un parc à thèmes pour vaches, subventions agricoles, stabilité monétaire et fonds structurels. L'opération marketing de Bruxelles a parfaitement réussi : chaque électeur de bon sens des nouveaux pays membres a compris que la nouvelle terre promise de l'UE n'avait pas besoin de ce Parlement européen, si ce n’est pour une triviale opération de maquillage démocratique.
Il y a finalement une Europe qui, simplement, vote contre l'Europe. Selon les dernières données, en Grande-Bretagne les deux partis eurosceptiques –UKIP (United Kingdom Independence Party - 16,8%) et le British National Party (5,2%)- réalisent ensemble un résultat pratiquement équivalent à celui du Labour de Tony Blair (22,3%). En France, le Front National de Jean- Marie Le Pen s'adjuge 10% des suffrages tandis qu'en Italie, c’est l'extrême gauche qui atteint 8%. Sans parler des nouveaux membres : rien qu’en Pologne, les formations anti-européennes frôlent les 29% de votes. Ces résultats font du nouveau Parlement européen un lieu où il sera difficile de parler constructivement d'une intégration européenne plus poussée, des réformes institutionnelles et du dépassement des intérêts nationaux.
Un Parlement européen en panne ?
Mais il faut reconnaître que, dans la campagne électorale, les eurosceptiques sont les seuls à avoir parlé d'Europe, en soulignant et en outrepassant ses limites. Pendant que les Européens « officiels » étaient uniquement engagés dans des manœuvres de palais pour constituer de virtuels et fantomatiques « groupes fédéralistes » destinés à ne laisser aucune trace dans le cœur des électeurs et, moins encore sur les bulletins électoraux. C’est le cas de l'initiative du Président de la Commission Romain Prodi, visant à créer un groupe centriste et pro-européen au Parlement de Strasbourg.
Ces trois Europes, si différentes et si dangereusement proches, font courir au Parlement le risque de se transformer en lieu de joutes interminables, daignant peut-être gérer les affaires courantes mais incapable d'imaginer et de réaliser de nouveaux « mondes possibles ». Confinant l'Europe à l'implosion définitive.
Le nationalisme serbe, l'abstention et le vote eurosceptique sont les symptômes d'un même mal : celui d’un continent qui ne réussit plus à faire de la politique. Les citoyens qui dimanche ont été impliqués dans l’avancée de ces trois Europes non-officielles ont voulu exprimer un mécontentement croissant.
Pour que ce cri d'alarme ne tombe pas dans l'oubli, le défi des semaines et des mois à venir consiste à offrir un nouveau lieu de rencontre, d'échange et de croissance réciproque pour toute l'Europe et pour toutes les Europe possibles. Dans et hors du Parlement officiel. Pour dialoguer et débattre. En faisant émerger les questions essentielles et les divisions entre les partis. Pour recommencer à faire de la politique. C’est, pour café babel, le défi de toujours. Un défi aujourd'hui plus que jamais urgent et nécessaire.
Translated from Vince l’europa che non vuole l’Europa