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Quand la liberté de pensée des activistes arabes est récompensée au Parlement européen

Published on

Strasbourg

Par Lucie Dupin

L’année 2011 aura été marquée par le printemps arabe. S’il a secoué les rives sud de la Méditerranée, l’Union européenne n’est pas restée indifférente aux mouvements de soulèvement contre les régimes dictatoriaux.

A travers la remise du prix Sakharov pour la liberté de pensée le 14 décembre dernier, c’est sur une reconnaissance officielle et solennelle que se positionne le Parlement européen.

Le prix Sakharov, équivalent du Nobel de la Paix européen, a distingué cinq activistes des révolutions arabes. Ainsi, Mohammed Bouazizi s’est immolé par le feu en décembre 2010, l’un des actes déclencheurs de la révolution du Jasmin en Tunisie, la cyber-militante égyptienne Asmaa Mahfouz a su utiliser les médias sociaux pour mobiliser les esprits et les foules, Ahmed al-Zubair Ahmed al-Sanusi, aujourd’hui l’un des nouveaux leaders libyens, a passé 31 ans en prison lors de son opposition au régime de Kadhafi, Razan Zeitouneh est avocate en Syrie, recherchée par la police secrète et Ali Farzat est un caricaturiste syrien.

Parmi les lauréats, deux femmes représentent la nouvelle génération. Pour le président du Parlement européen Jerzy Buzek, cette distinction « incarne le combat pour la défense des droits de l’Homme », tout en reconnaissant « le rôle décisif des femmes joué dans le printemps arabe ».

Le lauréat libyen a insisté sur la valeur morale de ce prix, qui traduit « l’importance que l’Europe donne à la liberté » et a remercié les voisins immédiats de la Libye pour leur prise de position. Il est conscient de la résonnance de ce prix dans son pays et espère qu’il s’accompagnera des changements cruciaux et nécessaires.

A la pluralité des situations, quelles réponses du Parlement européen ?

A travers cette remise de prix, les lauréats saluent ainsi largement l’engagement de l’Union européenne. Selon l’eurodéputée Barbara Lochbihler, présidente de la sous commission Droits de l’Homme au Parlement européen, cet accompagnement de l’Union européenne pourrait se traduire par « une aide logistique afin de maintenir la communication des opposants qui savent utiliser les technologies mais n’en disposent pas toujours, particulièrement en Syrie ».

L’absence des lauréats syriens, retenus dans leur pays, rappelle la diversité des degrés de transition des régimes. Le caricaturiste a néanmoins adressé un message vidéo de remerciements aux Eurodéputés. Une vidéo qui, tout comme pour les lauréats présents, a été accueillie chaleureusement par l’hémicycle strasbourgeois.

Dans le cas syrien, la chercheuse Khadija Mohsen-Finan, politologue à Paris VIII et membre de l’Institut de Recherche internationale et stratégique (IRIS), estime que « le Parlement européen ne peut agir seul tant qu’il existera un problème de lisibilité dans la société civile et un manque de politiques claires ». On parle ainsi de révolutions ou de printemps arabes, à décliner au pluriel tant les situations en sont à des stades divers et complexes. Un point commun néanmoins, sur lequel s’accordent les deux générations lauréates : le rôle des journalistes et médias étrangers dans la transmission des images des événements et des crimes des régimes militaires. Là encore Al Sanussi parle d’un « soutien moral ».

Asmaa_mahfouz.JPGPour la jeune égyptienne Asmaa Mahfouz enfin, les médias sociaux ont été une source d’information pour permettre de fédérer les participants du soulèvement dans le monde réel. Elle se dit optimiste pour l’avenir du mouvement qui continue, mais aussi pour l’avenir de son pays. Actuellement sous la houlette du régime militaire, l’Egypte a mené début décembre des élections dont les partis islamistes sortent vainqueurs. Si ces résultats interpellent les Occidentaux, Barbara Lochbihler appelle à « établir un distinguo. Le Parlement européen ne peut exiger les résultats des élections. L’après Franco a demandé dix ans à un pays européen pour un retour à un climat apaisé ». L’Eurodéputée demande ainsi « de la patience face aux changements ». Une mise en garde donc, pour ne pas appliquer le prisme de lecture européen fondé sur la séparation du séculier et du religieux aux situations diverses dans le monde arabe.

Crédit photo:

Headline Asmaa MAHFOUZ, EP President Jerzy BUZEK, Ahmed EL SENUSSI Caption Sakharov Prize 2011, press conference Event Date 14/12/2011 IPTC Copyright © European Union 2011 PE-EP Right Usage Terms

Photo d’Asmaa Mahfouz : Lucie Dupin