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Proxima estación : Esperanza ?

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Coup de projecteur sur la question irakienne: enjeux, analyse des positions des acteurs politiques et des mobilisations des opinions publiques. Le tout au rythme du monde…

La décision courageuse de l'Axe Paris-Berlin-Moscou de poser son veto à l'OTAN, puis d’appuyer une politique en faveur de la paix à l’ONU, pose maintenant la question du respect ou non de cette décision par l'administration Bush. Les Etats-Unis continueront-ils leur politique dite du "cowboy" ?- le premier qui tire fait la loi à "world city".Le débat reste en suspend. D'ici là, signataires de pétitions, manifestants, attitude passive... "Get up stand up" (Bob Marley) ou "On est jeune est con" (Saez). Faites vos choix mesdames et messieurs, rien ne va plus! "So much trouble in the world"(toujours Bob).

Or bleu, Or noir et stabilisation du Moyen Orient

L'Or noir est la raison la plus évidente d’une intervention des Etats-Unis en Irak. En effet, les américains avec leurs grosses voitures, leurs autoroutes immenses, ont une forte consommation de pétrole. Celle-ci a augmentée de 10,4% en 4 ans, contre 3.6% pour l'Europe sur la même période - Difficile de penser développement durable dans ces conditions! – (2).

Pourtant, la situation en Irak, avait jusque là tout pour plaire. Les Etats-Unis recevant plus de 75% du pétrole irakien échangé sur le marché mondial depuis la mesure "pétrole contre nourriture", prise par l'administration Clinton. Les lobbies pétroliers étaient les premiers à le reconnaître. Mais, le 11 septembre, la "donne" a changée. L'Arabie Saoudite, premier producteur de l'OPEP, avec 25% des réserves mondiales, et fournissant allègrement les Etats-Unis se révèle être un allié peu fiable ayant des accointances avec l'ennemi… Dès lors, contrôler l'Irak est apparu comme une solution pour la politique américaine recherchant l'indépendance pétrolière vis à vis de l'Arabie Saoudite et entretenant une politique "missionnaire" et guerrière à travers le monde.

Cette solution trouve aussi des avantages certains quant à la stabilisation politique de la région. La question israélo-palestinienne étant dans l'impasse, un Irak allié, et peut-être sous mandat américain renforcerait leurs marges de manoeuvres… Mais les Etats-Unis ont-ils les moyens de s'imposer comme les sauveurs du peuple irakien ? Les désastres entraînés par l'embargo international ont touché plus le peuple irakien que l'armée ou les dirigeants autour de Saddam. L'attitude américaine, jusqu'à présent, est perçue dans le pays, plus comme une politique de famine que de libération… (3)

L'Irak, c'est aussi un gisement d'Or bleu : l'eau. Située à la jonction du Tigre et de l'Euphrate, l'Irak est une réserve d'eau importante dans le Moyen Orient. Chose pas anodine, dans un monde où 1 habitant sur 3 manque d'eau potable, et qui sera la question cruciale de la région d'après les projections pour 2025. (4) De plus, n’est-ce pas l’eau venant d’Irak qui irrigue les régions du nord de l’Arabie Saoudite…

"Le dictateur" au pays des "mille et une nuits" ?

Les journaux américains à la suite de la modération prônée par la France notamment (5) dénoncent l’aveuglement quant au régime en place. Saddam est décrié dans la presse comme étant un "Hitler bis", et les français, je cite : "pètent de trouille" face à l'éventualité d'une guerre. Ont-ils oublié l'envoi des 5 000 militaires français au Kosovo ? (6)

S'il est clair que Saddam Hussein est un dictateur, qu'il se sert de son peuple comme d'un bouclier humain, utilise à l’arme chimique contre les kurdes irakiens. Mais céder aux comparaisons est simplificateur. En effet, comment expliquer sinon le soutien apporté et l'armement fourni par ces mêmes américains dans les années 80, ou l'ennemi était l'Iran (première guerre du golfe)? Oublie-t-on que les américains qui avaient l'occasion de renverser le régime lors de la deuxième guerre du Golfe, ayant appelé à la rébellion, ont fait marche arrière au moment de donner des armes aux rebelles. Ceux-ci avaient pris le contrôle de la majorité du territoire, mais ils étaient Kurdes et chiites… Cela a été suivi ne l'oublions pas d'un massacre de 100 000 rebelles. (7)

La guerre, hypothèse qu'il ne faut pas écarter, doit de plus être mesurée. La question est chaude ! Il ne suffit pas de mettre à bas une politique mise en place depuis 1962 du jour au lendemain. Une intervention nucléaire -et oui, c'est aussi de cela dont il est question! - n'est certainement pas la solution comme l'a déclaré Edward Kennedy sénateur du Massachussetts (8). D’autre part, quelles justifications ? Axe du mal ? Menace internationale ? le problème serait plutôt au Pakistan d’après Ron Paul, représentant républicain au Congrès, et la CIA…(cf. questions posées le 10 septembre 2002 à Bush).

L'humiliation qu'entraîne une guerre, quant à elle, peut avoir des résonances, que l'on est loin de pouvoir mesurer. C'est là qu'interviennent "les mille et une nuits". L'imaginaire des peuples - comme le montre d'ailleurs Benedict Anderson, universitaire américain - est une question essentielle. Bagdad, l'oublie-t-on, est une ville mythique, symbole de la splendeur passée. Du temps où Harun Al Rachid faisait briller la civilisation et la culture arabe jusqu'en Occident, correspondant avec Charlemagne. C’est aussi, le pays des hauts lieux chiites. Je m'étonne, d'ailleurs, du peu de cas que l'on fait de cette donnée et du peu de monuments irakiens inscrits au patrimoine mondial de l'humanité… (9) Bombarder Bagdad, c'est toucher aux symboles. Cela ne signifie pas que l'on ne doit pas le faire, mais que l'on doit le faire quand c'est justifié, si l'on ne veut pas que le conflit s'enflamme.

L'espoir : le départ de Saddam Hussein

Si la guerre est évitée, ce sera peut-être grâce au départ de Saddam. L'enjeu d'une telle hypothèse doit être présent. On ne doit pas remettre la question irakienne au lendemain. La pression internationale ne doit pas faiblir. L'ONU en renforçant la présence de ses inspecteurs, les Etats en jouant leur rôle et les opinions publiques en se mobilisant contre Saddam.

Cependant, on n’impose pas la démocratie. Cela serait une grave erreur, d’autant plus en Irak. C’est sur une mesure de la SDN et en vertu du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » que les anglais ont obtenu un mandat sur l’Irak en 1920. Ce alors que les ayatollahs appelaient les populations chiites (majoritaires) à lutter contre les anglais, préférant un « Etat musulman » même sunnite c'est-à-dire Ottoman, plutôt qu’occidental. Il serait mal compris, aujourd’hui en 2003, que l’ONU commette une erreur similaire en prenant une mesure pour la guerre, contre le peuple (qui serait une nouvelle fois victime des bombardements) et ayant pour ultime conséquence d’installer tel ou tel fantoche à la place de Saddam. L’alternative ne peut venir que de l’intérieur, même si les facteurs exogènes ont un rôle à jouer.

Désordre(s) dans la « vieille » Europe : erreurs de casting et minorités de blocage

L'Europe a montré ses divisions sur la guerre. Celles-ci ont montré sa faiblesse mais aussi la richesse des débats qu'elle nourrie. Au delà des divisions, c'est une Europe complexe qui voit le jour. Une Europe qui souhaite s’ouvrir à l’Est, mais parfois esclave d’un calendrier chimérique ! Est-on plus européens avant ou après la promesse faite, la signature d’un traité ? Les connexions entre peuples ne s’imposent pas, elles se vivent, s’entretiennent. Peut-on dire pour autant que l’élargissement négocié procède d’une erreur de casting ? Peut-être, à certains niveaux.

Cela est dû, d’une part à une Europe qui n’a pas su montrer la compatibilité au sein de l’Union européenne de la prospérité économique et de la sécurité. Aujourd’hui, seul le premier volet est pris en compte par l’Union européenne (UE). Les pays du groupe de Vilnius (l’ensemble des 15 pays candidats) n’attendent aucune sécurité de l’Europe et se tournent pour cela vers les Etats-Unis et l’OTAN. La Politique Extérieure et de Sécurité Commune (PESC) si elle avait été plus développée aurait pu éviter les « dissonances » européennes…

Cela est dû d’autre part aux « futurs entrants ». La Russie étant perçue comme l’ancienne Union Soviétique, ils conservent les réflexes de la Guerre Froide, se tournant vers les Etats-Unis. Mais, une telle attitude ne montre qu’une incapacité à penser la sécurité dans la « nouvelle donne » du XXIe siècle. La Sécurité aujourd’hui c’est le respect de l’autre et l’apport de son utilité dans une relation réciproque. En se tournant vers les Etats-Unis, ce sont les anciens pays de l’Est qui créent leur propre menace russe, car ils présentent la Russie comme l’ennemi. Créer une relation européenne et maintenir le dialogue avec la Russie est le seul moyen pour eux d’établir une véritable sécurité, c'est-à-dire une sécurité reposant sur la confiance mutuelle des peuples et évitant des endettements (consécutifs à l’adhésion à l’OTAN) sur plusieurs générations qui constitueront une menace de l’intérieur de ces pays.

C’est en bâtissant des liens superficiels, techniques c'est-à-dire juridiques uniquement, que l’on risque demain de voir l’Europe bloquée. Pour éviter cela, seule la création de relations de confiance, dans une Europe ouverte sur le monde et consciente d’elle-même est la solution (10).

Notes :

(1) Le titre est celui d’un album de Manu Chao pour les connaisseurs.

(3) voir le numéro d'Alternatives Internationales n°5

(6) Article paru dans le Ramsès 2003 sur la France et sa politique extérieure.

(7) toujours d'après l'article d'Alternatives Internationales.

(10) pour une approche de ce type sur la sécurité cf. Bui Xuan Quang, la Troisième Guerre d’Indochine, l’Harmattan, 2000.