Présidentielle : Sarko pas encore KO
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Au lendemain du débat présidentiel - et en toute mauvaise foi - « rien n’est joué ». Ce pourrait être le nouveau slogan de l’UMP. C’est en tout cas « l’élément de langage » le plus utilisé de l’entre-deux-tours. Pas de défaitisme affiché dans les rangs de la majorité, unie derrière son chef. La bataille des petits chefs n’aura lieu que si Sarkozy est recalé au second tour, le 6 mai.
Et de ce côté, non, rien n’est joué.
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Cela n’a rien à voir avec le récent soutien de Valéry Giscard d'Estaing au dit candidat sortant. Le soutien de Giscard ne vaut pas grand-chose, surtout depuis la fanfaronnade « Lady Didi ». Beaucoup plus lourd est le poids de Marine Le Pen et du Front National. A 18% au premier tour, la fille n’a pas seulement réussi à faire le coup du père. Lui s’était contenté d’offrir à Chirac un second mandat et une gueule de bois monumentale à quelques dizaines de millions d’électeurs. Un petit second tour et puis s’en va. Chez Marine, en revanche, on voit plus loin…
Bien sûr, la portée idéologique reste à peu près aussi limitée que la paternelle mais au niveau du calendrier électoral, la vue est considérablement plus dégagée : Marine le sait, si l’UMP implose, le grand parti de droite… ce sera le sien. La voilà donc les yeux rivés sur les urnes. Le gauche sur le second tour de la présidentielle, le droit sur les législatives à venir. Un strabisme, tradition familiale, qui s’explique sans peine dans un scénario simple : si Sarkozy perd, ses hommes de main (Jean-François Copé, président du parti et Xavier Bertrand, actuel ministre du Travail) se battent entre eux pour récupérer le fauteuil vacant en prévision de 2017, font exploser du même coup l’UMP et le FN récupère la place vacante. CQFD, avec une petite condition cependant, s’implanter sur le terrain (ailleurs qu’à Hénin-Beaumont), c’est-à-dire réussir les législatives.
Sarko, seul contre tous
En bref, au bureau politique du FN (reste à savoir si leurs électeurs s’y intéressent), on ne compte guère sur la victoire de Sarkozy. Et on l’espère encore moins. Un peu, sans doute, comme chez François Bayrou. L’ex-troisième homme, aujourd’hui cinquième, le chantre du centre, le ni-oui ni-non de la politique, le « made in France » du Béarn, n’a pas (encore ?) donné de consigne de vote. Les quelques élus du Modem penchent plutôt à droite. Ses électeurs sont indécis. Et lui, il pense centrisme : avec un Hollande tiré à gauche par Mélenchon, une droite radicalisée par le FN, mathématiquement, les terres du milieu devraient s’agrandir.
Un pari comme un autre qui repose sur une chose : que Sarko ne nous fasse pas le coup de l’outsider victorieux, que Mireille Mathieu ne revienne pas à la Concorde et qu’Enrico Macias ne se remette, surtout pas, à brailler. Et dans les trois cas, rien n’est décidément joué. Sarkozy est bon candidat en temps normal. En eaux troubles, il devient excellent. Le « vrai travail » est une merveille de petite phrase provocante. Clivante à souhait. Dégoulinante de populisme de temps de crise. Qu’on se le dise, Sarko ratisse à l’extrême : derrière le « vrai travail » se profile le « vrai Français ». Du grand art à placer au Panthéon du sarkozysme décomplexé dont le fronton porterait la maxime « Aux vrais travailleurs, la patrie reconnaissante ». Travail, Patrie… Décidément, Pétain revient souvent ces temps-ci.
On fait le bilan
Alors, Sarkozy peut-il vraiment gagner la bataille du 6 mai ? Les jeunes UMP du 16ème arrondissement, brushing impeccable malgré une sortie de métro venteuse, n’en doutent pas. Et si ces machines à tracts (et non pas à claques) avaient raison ? Si Sarko divisait assez pour régner ? Si les électeurs frontistes pensaient à leur avenir plutôt qu’à celui de Marine Le Pen et se reportaient en masse sur « le candidat sortant » ? Si Hollande avait endossé le costume présidentiel trop tôt ? Si le rouge gaucho virait un peu trop au blanc dans les urnes ? Pire, si le style du populo devenait le style du peuple ? Une dernière fois : « rien n’est joué ». Voilà cinq ans que le candidat du pouvoir d’achat « karchérise » à loisir et, quel que soit le bilan, il est pourtant, toujours, en position de l’emporter.
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Les travailleurs (pas les vrais, les autres) ne pourront s’en prendre qu’à eux-mêmes : le mal de crâne du lendemain vient toujours de la veille. En d’autres termes, la gueule de bois du 7 mai est à éviter le 6, dans le secret (mais sur Twitter dès 15h) de l’isoloir. Dans le cas contraire, les assistés, les Français d’origine étrangère, les profs en colère, les médecins en colère, les universitaires en colère, les étudiants en colère, les chômeurs en colère, les magistrats en colère, les retraités en colère, les marins de Seafrance en colère, les pêcheurs en colère, les agriculteurs en colère, les ouvriers de la métallurgie en colère, les ouvriers de l’automobile en colère et les ouvrières du soutien-gorge en colère pourront toujours profiter de l’espace Schengen (avant que Sarko ne le renégocie) et s’exiler en Roumanie. Là-bas, ils ont des Roms certes, mais l’opposition de gauche vient de renverser la droite au pouvoir.
Photos : Une (cc) vectorportal/flickr; Texte : Meeting (cc) Gueorgui/flickrUne Nouvel Obs (cc) Philippe Martin/flickr ; Vidéo (cc) stylpy1/YouTube