Préserver la nature en Europe : avec ou sans les touristes ?
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Marine ChevrelLes premiers parcs naturels de l’Union européenne fêtent leurs 100 ans cette année. Faut-il choisir entre la préservation d’un territoire et son développement touristique et économique ? La question continue d’alimenter les débats. Exemples en Slovénie, Espagne et Portugal.
C’est en 1909 que la Suède a inauguré ses neuf parcs nationaux, les tout premiers espaces protégés d’Europe. Depuis, ils se sont bien multipliés et on en compte désormais plus de 26 000 à travers les 27 Etats membres (sur 860 000 km2, c'est-à-dire 20 % du territoire de l’UE). Tous ensemble, ils forment ce qu’on appelle le réseau Natura 2000, le plus vaste ensemble de terres au naturel du monde.
On protège bien les clochers
Les premiers espaces protégés ont été pensés par des « conservationnistes ». C’est le cas du parc national de Sarek en Suède où les accès sont extrêmement limités. Cependant, comme l’explique Ángel Fernández, directeur du Parc national de Garajonay aux Canaries (Espagne), à partir des années 1980, cette approche a évolué dans l’objectif de rendre compatible la conservation et le développement socio-économique du territoire. L’objectif reste la préservation d’un écosystème unique, en l’occurrence celui de la « laurisilva » canarienne, sans pour autant négliger d’autres intérêts.
Mais justement, selon Juan José Carmona, technicien pour WWF au parc national de Doñana (toujours en Espagne), protéger les espaces naturels est souvent vu, à tort, comme une restriction : « Il ne viendrait à personne l’idée de construire sa maison au plein milieu de la place d’un village, argumente-t-il. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit d’un espace d’usage public. C’est la même chose pour les espaces protégés. Il existe des zones où l’on peut pratiquer quasiment toutes les activités et d’autres qui sont destinées exclusivement à la conservation. »
Main dans la main avec les collectivités
L’Espagne est le pays de l’Union européenne qui dispose du plus grand nombre de parcs nationaux et donc protégés. En tout 142 500 km2, soit 26,4 % de son territoire, appartiennent à Natura 2000. Ses zones ont accueilli pas moins de 21 millions de visiteurs en 2008. Toujours l’an dernier, une enquête de l’organisme autonome des Parcs nationaux espagnols évaluait à plus de 86 % le taux de satisfaction parmi les sondés vivant au cœur d’un parc naturel, et dans plus de 75 % des cas, ces personnes considéraient comme favorable leur contribution au développement socio-économique de la zone.
« Il ne viendrait à personne l’idée de construire sa maison au plein milieu de la place d’un village. C’est la même chose pour les espaces protégés »
Autre exemple, en Slovénie : Tina Markun, responsable des relations publiques du parc national de Triglav, met en lumière une coopération fructueuse entre l’administration du parc et les collectivités locales. Leur travail commun est très varié : soutien aux artistes locaux, promotion de leurs produits, distribution de programmes informatifs et pédagogiques et surtout, organisation d’« évènements pour permettre aux visiteurs de profiter du parc ».
D’autres, au contraire, craignent les abus. C’est le cas de Basilio Rodríguez, agriculteur biologique et ouvrier de l’industrie de la châtaigne dans le parc naturel de la Sierra de Aracena y Picos de Aroche (Espagne). Selon lui, on a trop encouragé le tourisme dans ces espaces protégés, tandis que les lourdeurs bureaucratiques ont continué à peser sur les agriculteurs et les éleveurs, qui eux, « sont les véritables conservateurs du parc ».
Développer le tourisme vert
Déclarer « protégée » une zone susceptible d’accueillir un tourisme de masse est une décision controversée. C’est pourtant celle qui a été prise dans le parc naturel du Sud-Ouest d’Alentejano et sur la côte vicentine, qui abrite 130 kilomètres de côte protégée et quelques unes des plus belles plages de la planète. Néanmoins, Sandra Moutinhos, attachée de presse à l’Institut de conservation de la nature et de la biodiversité du Portugal, explique les solutions trouvées pour résoudre ce dilemme : il s’agit aujourd’hui d’une destination « verte » (moins saisonnière) qui, alliée à une palette gastronomique à base de produits de la mer et de la terre, stimule le développement de prestations de qualité.
Comme le résume dans son blog la journaliste suédoise Sara Jeswani, qui travaille pour Effekt, la première revue du pays consacrée au changement climatique, « on peut souvent penser que personne ne devrait aller dans les zones naturelles les plus sensibles. Cependant, à long terme, je pense qu’il est capital que nous visitions les forêts, les lacs et les prés. Non seulement pour notre bien-être, mais également parce qu’il s’agit là d’une prise de conscience concrète face aux choses qu’il nous faut protéger et préserver. »
Translated from Un siglo de parques naturales: ¿Protección contra desarrollo?