Pourquoi l'EI s'attaque aussi au patrimoine culturel ?
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Depuis quelques années, nous entendons quotidiennement parler de l’État Islamique et de la menace qu’il fait planer sur le Moyen-Orient et plus largement sur le monde. Après la cruauté envers les populations locales et les journalistes étrangers, le monde fait face à un autre type de barbarie : la violence culturelle.
Une ode à l’ignorance
L’État Islamique (EI) est une organisation terroriste qui a pour but de créer un califat, c’est-à-dire une nation gouvernée par un calife. Ce dernier est « le commandeur des croyants (…) pour maintenir l’unité du monde islamique, assurer sa défense et son extension, préserver le dogme contre toute innovation et gouverner l’empire ».
Il était important de définir le terme de calife, car on retrouve dans cette définition les fondements même de l’État Islamique. En effet, l’EI est non seulement en train d’assurer son extension, mais il lutte de tout son poids pour contrer toute innovation et va même jusqu’à valoriser l’archaïsme. Il cherche à effacer toute trace de culture et de connaissance car il rejette toutes celles qui n'appartiennent pas à une lecture fondamentaliste du Coran, celles-ci faisant partie d'une société qu'il méprise.
Enfin, en détruisant des monuments historiques tels que Palmyre, Daech (l'acronyme en arabe de l'EI) veut asseoir son autorité sur les peuples irakiens et syriens au moyen de l'éradication de leur identité culturelle respective.
La prise de Palmyre, une catastrophe bien plus que culturelle
« Cette attaque est bien plus qu'une tragédie culturelle. C'est également une question de sécurité parce qu'elle alimente le sectarisme, l'extrémisme violent et le conflit en Irak. » Tels étaient les mots de la directrice générale de l'Unesco, Irina Bokova, après la destruction du musée de Mossoul, en Irak. Et elle ne s’y trompe pas car la destruction de ce patrimoine inestimable sert les intérêts de l’EI à plusieurs niveaux. Tout d’abord, c’est un outil de terreur et de manipulation envers les populations locales. Ainsi, à travers une vidéo postée par l’organisation terroriste sur Internet, nous pouvons voir un homme faisant partie de l’EI dire : « Musulmans, ces reliques que vous voyez derrière moi sont les idoles qui étaient vénérées à la place d'Allah il y a des siècles ». Sous-entendu : « Si vous croyez en un seul et unique Dieu, vous devriez être indignés que de tels lieux de cultes consacrés à d’autres idoles soient présents sur des terres musulmanes ». Tout cela pour revenir aux premiers jours de l’islam, au moment où le prophète Mahomet détruisit des sculptures d’idoles vénérées par des personnes jugées hérétiques.
D’un autre côté, la destruction et l’invasion de ces lieux de cultes millénaires permettent à Daech de les piller et de vendre des œuvres inestimables sur le marché noir. En effet, cela permet au groupe terroriste de se financer et de profiter des multiples richesses culturelles de la région. Bien évidemment, ils n’arriveraient pas à vendre les pièces les plus connues s’ils le voulaient, donc ils se rabattent sur des mosaïques et autres statuettes qui peuvent être beaucoup plus facilement négociables sur le marché noir. Selon une enquête du journal britannique The Guardian , le pillage de la région d’Al-Nabuk en Syrie aurait rapporté plus de 28 millions d’euros à l’État Islamique.
La culture mésopotamienne en danger
En constatant l’inexorable avancée de l’État Islamique, beaucoup de questions surgissent : comment réhabiliter et protéger la culture mésopotamienne ? Une intervention militaire pourrait-elle mettre fin à ces atrocités ?
Tout d’abord, il faut évaluer les dégâts provoqués par les pillages et destructions perpétrées par les terroristes. Il est cependant très difficile d’accéder à des zones toujours en guerre et encore sous l’emprise de l’EI. Pour ce faire, Philippe Lalliot, ambassadeur de France auprès de l’Unesco, envisage la possibilité d’utiliser des images satellites permettant de les comparer à des images prises quelques années plus tôt, ce qui permettra un inventaire suffisamment précis afin de démarrer une mission de réhabilitation.
Mais au delà de la réhabilitation des œuvres culturelles déjà endommagées, comment protéger celles qui sont encore intactes ?
Une intervention militaire directe (donc un envoi de forces armées) de la coalition menée par les États-Unis n’est pas à l’ordre du jour. Il n’empêche que des pays comme la France oo la Grande-Bretagne sont, d’une certaine manière, en première ligne. En effet, les français ont déjà envoyé des forces spéciales ainsi que des armes de pointes afin d'aider et de former l’armée kurde à l’utilisation de ces armes.
De plus, des bombardements sont déjà effectués par cette même coalition pour affaiblir l’État Islamique. Et cela a l’air de porter ses fruits car Barack Obama a récemment déclaré que ces bombardements ont provoquées des pertes importantes qui se chiffrent à environ 1000 morts par mois pour les troupes armées de l’EI. Néanmoins, comment contrer l’éventualité que le patrimoine culturel mésopotamien ne soit pas utilisé par les terroristes de Daech comme bouclier contre ces bombardements ? Il s’agit là d’une question épineuse parmi tant d’autres à laquelle les grands responsables politiques de ce monde se devront de répondre pour éviter la disparition d’un des plus beaux patrimoines culturels au monde.