Pour une Convention permanente
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Le projet de Traité constitutionnel européen a été élaboré par une Convention, réunissant parlementaires et représentants des Etats. Pourquoi ne pas en faire un organe de révision permanent ?
L’Union européenne est hybride, elle requiert un équilibre entre d’une part les intérêts des Etats pris individuellement, et d’autre part l’intérêt général européen. Elle n’est plus une simple organisation internationale, ce qui interdit l’exclusivité de la représentation aux intérêts étatiques, mais n’est pas non plus un Etat, empêchant la préparation d’un texte par les seuls parlementaires européens. Au sein de la Convention sur l’avenir de l’Europe, l’intérêt européen était représenté par la Commission, mais également par les parlementaires européens. Quant aux intérêts des Etats, ils étaient défendus par des représentants des exécutifs des Etats, mais également par des parlementaires nationaux. L’écrasante majorité des membres de la Convention pour l’avenir de l’Europe étaient des parlementaires, ce qui la différenciait des Conférences intergouvernementales (CIG), plus proches de négociations internationales, où les diplomates s’activent à huis clos. Ce n’est d’ailleurs pas l’un des moindres intérêts de la méthode conventionnelle que d’avoir permis un débat public démocratique sur le projet de traité constitutionnel.
Pertinence de la méthode conventionnelle
Cette prise en compte des divers intérêts en présence a fait le succès de la méthode conventionnelle et justifie qu’on la défende face à ses détracteurs. Elle serait selon eux anti-démocratique alors même que ses membres sont au moins indirectement l’émanation d’une élection. Certains soutiennent pourtant l’idée que le Parlement européen aurait été un constituant plus légitime. C’est alors faire fi du subtil équilibre entre les différents intérêts en présence et considérer que le seul intérêt général européen doit être pris en compte. Plusieurs tentatives d’une telle entreprise ont d’ailleurs été menées sans succès, comme le projet Spinelli en 1984 ou le projet Herman en 1994.
A l’opposé, la Convention de Philadelphie uniquement composée de représentants des Etats a réussi à opérer une synthèse entre les intérêts étatiques et les intérêts de l’Union américaine, et pourrait plaider en faveur d’une assemblée de parlementaires nationaux pour produire une Constitution. Mais l’histoire de l’Europe n’est pas celle des Etats-Unis d’Amérique et il faut apprendre à adapter le fédéralisme à l’entité que l’on considère. Les Etats européens ont une histoire plus ancienne qui exacerbe les particularisme nationaux et il convient que l’intérêt général européen ait ses propres défenseurs. Faudra-t-il dans le futur conserver les représentants des Etats ? On peut le penser si l’on songe à l’intervention des représentants des entités fédérées au Sénat américain et au Bundesrat pour les révisions constitutionnelles américaines et allemandes.
Pourquoi une convention permanente ?
Les pays membres s’apprêtent à ratifier un traité constitutionnel : ce texte a la valeur symbolique d’une constitution, mais n’est juridiquement qu’un traité. Ce projet ne bouleverse pas l’organisation de l’UE, mais voter oui apparaît nécessaire en ce que ce vote représente un renouvellement de notre engagement européen. Etant toutefois loin d’être parfait, il faut dès à présent songer à sa révision. Appeler à une nouvelle convention briserait l’imagerie constitutionnelle; on sait combien les symboles sont importants pour créer un ciment entre les membres d’une société, et c’est justement l’intérêt essentiel de ce projet que d’être l’acte fondateur d’un Peuple européen. Le patriotisme constitutionnel ne se développera évidemment que sur le long terme, mais il est un élément d’identité européenne plus acceptable que des éléments culturels. Il est envisageable comme nous le montre l’exemple américain où l’ordre constitutionnel est vécu comme une religion avec sa Bible, la Constitution, ses Pères de l’Eglise, les Pères fondateurs,…
L'obligation de recourir à une convention pour réviser la constitution est posée à l'article IV-443 du projet de Constitution qui prévoit également les exceptions à ce principe. Son inscription dans la Constitution européenne permet à la Convention d’être vue comme l’instance de révision ordinaire de la Constitution européenne, comme il en existe dans toute Constitution. On peut alors répondre aux partisans du non au projet en raison de la soi-disant intangibilité du projet qu’il vaudrait mieux qu’ils appellent les gouvernements nationaux à utiliser l’outil conventionnel inscrit dans le projet pour améliorer au plus vite la Constitution. Cette dernière opère une révolution dans les esprits mais n’est que le préambule à toute une série de nécessaires réformes parce qu’elle n’opère pas de révolution institutionnelle vers le fédéralisme. Celui-ci ne viendra que graduellement comme l’illustre l’évolution américaine de 1787 à 1865. On pourrait instituer que chaque année ou tout les deux ans la convention se réunisse sur plusieurs séances afin de faire un point sur le fonctionnement des institutions et des politiques communautaires, et de faire des propositions pour améliorer le système. Le nombre des révisions devrait à terme s’espacer. Il convient, pour conclure, d’indiquer que la convention, et non plus la CIG, aurait vocation à statuer sur le projet de révision.