Pollution automobile : les négociations au point mort
Published on
Entre une grosse berline essence et une petite citadine diesel, quelle voiture est la plus polluante ? Une question pas si anodine qu’il n’y paraît au vu des querelles d’expert et du piétinement des négociations européennes sur ce thème.
En France, le bonus-malus écologique mis en place début 2008 a clairement poussé les acheteurs de voitures neuves vers des modèles moins polluants. Le système s’est même révélé victime de son succès puisque les malus engrangés ne suffisent pas à combler les bonus distribués. Malgré tout, Nicolas Sarkozy verrait en la transposition européenne de cette législation novatrice une réussite de la Présidence française. Seul hic l’opposition de l’Allemagne, défendant ses voitures gloutonnes en pétrole et rejetant trop de CO2. Les allemands se détourneraient-donc de l’écologie au profit de leur industrie automobile en ces temps de crise économique ? Non, ils soulignent à juste titre que le système français est biaisé.
En effet cette législation a créé un amalgame douteux dans la tête des citoyens : pollution = CO2. Mais la réalité est plus complexe que le classement des voitures propres de l’Ademe, qui ne s’intéresse qu’au rejet de CO2. Repris par les médias à tour de bras, tout est limpide, une petite citadine diesel française pollue plus qu’une grosse berline essence allemande. Les éco-citoyens en manque de pouvoir d’achat peuvent donc acheter sans remords des modèles économiques français, et cracher leur mépris à la figure des riches propriétaires de grosses cylindrées. Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si les apparences n’étaient pas trompeuses.
Oui le CO2 participe au réchauffement climatique mais que fait-on des autres polluants rejetés par nos autos que sont le monoxyde de carbone, les hydrocarbures ou l’oxyde d’azote ? Et c’est bien sur ce point que le bât blesse. Le classement des voitures propres réactualisé en tenant compte de ces polluants ne donne évidemment pas les mêmes résultats que l’original. Les citadines diesel se retrouvent en queue de peloton puisqu’elles font généralement l’impasse sur les filtres à particules (FAP), et que les blocs moteurs sont techniquement simples. Les berlines essences s’en sortent finalement bien, puisque les modèles les plus onéreux ont aussi les moteurs les plus sophistiqués, dotés des dernières technologies en matière de réduction de la consommation et de rejet de polluants. L’effet pervers est grave : une voiture affublée d’un malus peut se révéler moins polluante qu’une auto qui bénéficie d’un bonus! Pire le système pousse les constructeurs à proposer les FAP en option puisque ceux-ci, s’ils réduisent les particules nocives, font par ailleurs sensiblement augmenter les rejets de CO2. De la même manière les modèles roulant à l’E85 (biocarburants) sont affublés d’un malus! Une ineptie que Nicolas Sarkozy a annoncé vouloir rapidement remettre en cause.
On comprend alors qu’Angela Merkel rechigne à vouloir réduire à 120 grammes par kilomètre les émissions de CO2 d'ici à 2012, ce qui pénaliserait injustement les constructeurs allemands. La crise économique pousse aussi la France à défendre ses industriels, même en maintenant des mesures qui faussent la concurrence (c’est déjà ce que reprochaient les allemands à la première vignette automobile). Si ce lobbying économique paraît justifié, il a pour conséquence malheureuse le ralentissement des discussions européennes sur le thème de la pollution automobile, et plus largement sur le paquet climat-énergie. Cependant il serait profitable que les débats ne tournent pas indéfiniment sur les chiffres du C02, mais qu’un bonus-malus automobile tenant compte de tous les polluants puisse voir le jour dans l’Union européenne.