Plus de local dans les clubs
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La FIFA a adopté une mesure obligeant les clubs à débuter chaque match avec un minimum de 6 joueurs nationaux sur le terrain. Au nom de la libre-circulation des travailleurs, les eurodéputés montent au créneau.
Sur le terrain comme en dehors, le football échauffe l'Europe. Comme le Président de la Fédération internationale des associations de football (FIFA), Sepp Blatter, le reconnaît lui-même, « une minorité de clubs détient tout : argent, joueurs, moyens ». Pour lutter contre cette « baisse de la compétitivité », le 58e Congrès de la FIFA a adopté le 30 mai dernier une résolution censée favoriser l'équilibre sportif.
Un vote qui encourage la mise en place du « 6+5 », un projet qui obligerait les clubs de football à aligner un minimum de six joueurs sélectionnables par équipe nationale, au début d'une rencontre. Il s'agit d'abord d'empêcher les plus riches équipes d'acheter tous les meilleurs joueurs du monde : « Aujourd'hui, de nombreux clubs ne jouent plus pour tenter de décrocher le titre de champion, mais seulement pour obtenir la 4e, 5e ou 6e place, voire pour éviter la relégation », poursuit Sepp Blatter.
Il est aussi question d'éviter le pillage de jeunes joueurs prometteurs par ces mêmes clubs. Car cette habitude ne fait qu'appauvrir le football et rend la formation inutile. Enfin, cette règle devrait favoriser une meilleure identification du public à des clubs nationaux où plus de joueurs locaux joueraient.
Une loi contraire au droit européen ?
Si ce projet du « 6+5 » semble séduisant pour le monde du football, il est contestable aux yeux des députés du Parlement européen. Menés par le Français Guy Bono et le Britannique Richard Corbett, ils ont pris les devant dès le 8 mai dernier en votant un texte s'opposant au projet de la FIFA, au motif qu'il « créerait des discriminations basées sur la nationalité », ce qui est contraire au droit européen.
Actuellement, il n'existe théoriquement plus aucune restriction à la libre circulation des travailleurs européens sur le territoire de l'UE. Certaines dispositions temporaires existent encore pour les nouveaux Etats membres mais elles ne concernent pas les footballeurs disposant d'un employeur potentiel.
Arrêt Bosman dans le sport pro
Depuis 1995, c'est l'arrêt « Bosman » qui a mis fin aux discriminations nationales dans le sport européen et a véritablement libéralisé le marché des sportifs européens. Il a favorisé l'émergence d'un « capitalisme de marché financier dans le sport professionnel européen. Et ceci avec un profond décalage entre notre modèle de société et les aspirations de nos concitoyens », comme le concède Guy Bono, député socialiste qui reste farouchement opposé à toute discrimination à l'embauche.
Dans le football, on est passé par exemple de 36 joueurs français expatriés en 1995 / 1996 dans les championnats anglais, allemand, espagnol et italien, à 95 pour la saison 2007 / 2008. L'objectif de non discrimination par la nationalité a donc été clairement atteint. Mais il a aussi exacerbé la concentration des meilleurs joueurs.
L'UEFA entre deux chaises
Pour le moment, l'Union européenne des associations de football (UEFA) de Michel Platini est restée plutôt discrète. Soucieuses depuis plusieurs années de se rapprocher de l'UE, elle souhaite faire évoluer la proposition du « 6+5 » vers le respect du droit européen. « Nous devons poursuivre nos efforts pour essayer de tendre vers l'objectif du « 6+5 » (pas le« 6+5 » lui-même) parce que nous ne pouvons concevoir d'action que dans un cadre légal », a tenté d'expliquer Michel Platini.
Depuis plusieurs années, les instances du football européen travaillent à favoriser la formation locale. Son projet officieux du « 4+4 » (ou « home-grown rule » ou « loi de formation locale ») imposerait aux clubs professionnels de compter dans leurs effectifs au moins 4 joueurs formés au club, et 4 autres formés au sein de la ligue. Le député européen Richard Corbett a déjà souligné l'équilibre de cette mesure là : « Je crois que la Commission ne prendra pas l'initiative de dénoncer ces dispositions devant les tribunaux. Un consensus politique croissant se dessine en leur faveur », a-t-il précisé.
Quelles issues possibles ?
Et les discussions ont continué pendant l'Euro 2008. Les meilleurs joueurs du championnat anglais ont brillé lors du championnat sans que l'équipe nationale d'Angleterre n'ait réussi à se qualifier. Sepp Blatter et Michel Platini ont rencontré le 6 juin à Bruxelles le Président du Parlement européen, Hans-Gert Pöttering. Guy Bono s'est lui rendu à Vienne le 26 juin pour discuter avec le Président de l'UEFA en marge de la demi-finale de l'Euro.
Si le constat de dérive marchande que connait le football européen fait consensus, les moyens à mettre en oeuvre pour y répondre sont toujours débattus. Le « 6+5 » tel que présenté par la FIFA n'a que très peu de chances de passer, et le « 4+4 » de l'UEFA est reconnu comme insuffisant. Une chose ne bougera pas cependant, comme le rappelle l'eurodéputé français : « Si le traité a reconnu la spécificité du football cela ne veut pas dire que le football est au dessus des lois. »