Plongée intime dans le Saint-Germain européen
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Dans le beau salon, tendance monarchie de juillet, du Bureau d’Information pour la France du Parlement européen, a eu lieu, avec moi-même et un stagiaire, un intéressant entretien sur cette petite institution. Ainsi, apprenons-en plus sur son identité, ses missions et les tâches auxquelles il est dévolu.
Les fonctionnaires de l’Europe ont la vie dure au Politbürö. !
Le Bureau, c’est avant tout, une institution (pas au même titre que le parlement ou la commission bien entendu) chargée de relayer toutes les activités du parlement européen. Il cumule ainsi trois fonctions principales. En premier lieu, le Bureau sert de relais de communication dans les Etats membres pour les politiques de communication du Parlement. Il est le parfait représentant de la nouvelle politique de communication lancée par le petit livre blanc en 2005, chargé de rétablir l’image de l’UE après le non français et néerlandais au Traité constitutionnel.. C’est en quelque sorte l’histoire d’une prise de conscience du « monde bruxellois et strasbourgeois » afin de rendre plus transparentes les institutions de l’Union Européenne. C’est à ce titre que le fameux concept « Think Global, Act local » a été créé et a en quelque sorte « mué » la communication de l’UE, et affecte par extension le rôle de ce Bureau. Par la suite, cette administration possède un centre de documentation et d’informations pour les citoyens mais aussi pour les députés européens français. Toujours dans le souci de relayer l’action des députés français au sein du parlement, le bureau héberge les bureaux de chaque groupe politique européen (PSE, PPE, GUE,…) dans lesquels figurent un ou plusieurs députés français. Le Bureau est en fait là pour rendre compte de leurs activités, et donc se doit de développer des relations avec tout un panel de partenaires (associations européennes, organismes de communication, médias…) A ce titre un service de presse actif doit mettre tout ce petit monde en relation et faire en sorte que de journalistes puissent assister aux sessions plénières ou aux commissions parlementaires ainsi qu’aux séminaires à Strasbourg et à Bruxelles.
Une année éprouvante
Cette année, le bureau a été particulièrement actif puisqu’il a dû couvrir la présidence française ainsi que la campagne européenne. Rappelons qu'elle a été la première campagne réalisée au niveau des 27 Etats membres, c'est-à-dire qu’un budget spécial de 18 millions d’euros a été affecté aux Etats membres, dont un million pour la France. Le slogan « A vous de choisir » a été divulgué dans toute l’Europe, avec un accent mis sur l’appel au civisme et non plus sur un rappel de la construction communautaire. « On a voulu faire émerger un débat politique dans l’espace publique, avec une campagne politisée mais pas politique », affirme mon interlocuteur. Tous les supports médiatiques et publicitaires ont été investis, avec des campagnes d’affichage, des distributions de visuels (carte postal, badge, T Shirt…). Un très gros travail a été fourni par ces vaillants stagiaires notamment sur la vente des spots radios et télévisions à TF1 et à une vingtaine de chaînes thématiques, pour promouvoir cette nouvelle façon de communiquer de la part de l’UE, et relayé ici à Paris par le bureau, qui dispose également d’une antenne à Marseille et une autre à Strasbourg. Le bureau a été pareillement chargé de mettre en œuvre tout un événementiel pour cette campagne, avec la mise en œuvre des Eurostudios, une sorte de « Cube Bleu » pouvant se déplacer dans lequel les citoyens européens pouvaient enregistrer leurs doléances envers l’UE. A la fin de cette manifestation, un « best of » des « meilleurs » commentaires vont être mis sur DVD, puis être distribués aux nouveaux parlementaires européens à l’occasion de la session plénière du 14 juillet. Beaucoup de forums ont été de même organisés par l’intermédiaire de toute une série d’événements comme « la Fête de l’Europe » mais aussi la célèbre « caravane civique ». Cette manifestation originale a permis de faire connaître l’Europe à tout type de publique grâce l’action de jeunes employés par le bureau, en organisant notamment des débats au sein des écoles primaires. Ces mercenaires de l’UE ont ainsi parcouru 26 villes pour apporter la bonne parole !
De la communication ? Du politique ? De la communication politique ?
Le Bureau du Parlement est-il “oui ouiste” ? A cette question, la langue de bois de mon interlocuteur fait des merveilles, et se met à faire des trois mille tours à l’heure. Non, bien sûr, « le bureau ne fait que son devoir et ne relaie que les activités du parlement, et tâche de mieux faire connaître la lointaine Union Européenne », me répond t-il. Mais à la question des relations entre le bureau et les députés réputés europhobes ou eurosceptique, celui-ci s’entête et m’affirme que cette institution entretien par exemples d’excellentes relations avec par exemple le parti européen Indépendance et démocratie, dirigé entre autres par Philippe Devilliers. Lorsqu’on l’interroge sur le relais du bureau pour « les amis du traité de Lisbonne », la réponse est claire et précise : « le bureau se charge seulement de rendre compte des travaux de cette association. » Cela dit, mon interlocuteur me confesse que le discours du bureau demeure « pro-européen. » Comment pourrait –il en être autrement ? Il ne peut qu’être le relais d’un discours europhobes, puisqu’il représente le parlement, sa première mission, me rappelle t-il. « C’est de l’information et du renseignement, il n’est pas question d’analyser les méandres et les contradictions de l’UE. Cependant, on préserve une équité entre tous les groupes politiques » rajoute t-il.
Les élections européennes : une déception Avec la faible participation, que ce soit en Ile-de-France, en France, ou en Europe, la campagne de communication de l’UE n’a pas permis de relever les sondages catastrophiques qui ont précédé le vote européen. « Et encore, on a limité les dégâts, car en France, des sondages alarmistes nous donnaient une participation à hauteur de 30, 35%. » La transparence, toujours la même affaire. Il est évoqué à ce sujet l’enceinte ou réside le Bureau pour le parlement ( mais aussi un pour la commission, tous les deux dans le même hôtel.) Situé au 288 Boulevard Saint germain, à deux encablures de l’Assemblée nationale, ce magnifique hôtel impressionne, et « les gens hésitent à venir pousser les deux portes. »Il faut dire qu’on imagine mal une administration à l’intérieur, qui plus est Européenne. Le drapeau à 15 étoiles est à peine visible, et les plaques certifiant la présence de ces deux bureaux ne brillent pas par sa grande taille. Plusieurs manifestations ont tenté de corriger le tir. « C’est le cas de l’exposition à propos de Bonislaw Geremek, qui a connu un franc succès. » Les gens ont effet osé pousser les lourdes portes pour rendre hommage à l’ancien militant de Solidarnosk, qui fut aussi un grand député européen ayant marqué sa période.
Un stage dur et intense
Le discours reste cela dit enthousiaste sur l’action du bureau et sur sa propre expérience de stagiaire. Du fait du faible effectif, les « jeunes mousses » ont été affectés à de nombreuses tâches diverses et variées. Il n’y a pas de journée quotidienne au bureau. Les missions vont de la gestion de cartons, au « calling » forcené vers les partenaires, jusqu’à la participation à des conférences ou à des commissions parlementaires. Entre déménageurs et quasi statut d’attachés parlementaires, ainsi que pigistes ou journalistes, ces stagiaires n’ont pas chômé durant leur expérience au sein du bureau passant du rôle « d’homme sandwich à l’assistanat parlementaire » dixit mon interlocuteur. En conclusion, le stagiaire me confie d’avoir acquis une certaine « distance émotionnelle » lorsqu’il a réalisé le fossé qui existe entre les « élites européanisées » et les citoyens européens, notamment lors d’une conférence dans le Nord dans le France, quand seulement quatre personnes s’étaient données la peine de se déplacer. A la suite d’une discussion entre ces différentes parties, le stagiaire s’est rendue compte de l’immense effort à accomplir. Dans un élan lyrique, mon interviewé me cite les deux impératifs d’Habermas à accomplir pour rendre intelligible le fonctionnement de l’Union Européenne. L’impératif de publicité des institutions européennes et l’impératif de reconnaissance de l’identité plurielle du citoyen européen. Ces deux exigences catégoriques doivent êtres atteintes à tout prix ! « C’est à cet instant que nous pourrons réussir la démocratie européenne. » C’est qu’il m’a fait presque pleurer ce talentueux stagiaire !
''Crédit photo : Laura Smart/FlickR '' Henri Lacour