Plaidoyer pour le mal-aimé Mc Cain
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Face à un Obama noir, jeune, éloquent et démocrate, le candidat républicain, John McCain incarne tout ce que les Européens exècrent des Etats-Unis : un pays conservateur, ultralibéral et volontiers interventionniste quand ses intérêts sont en jeu. Pourtant, les positions de John McCain sont loin d’être pareilles à celles de George W. Bush dont le bilan est largement décrié.
Des nuances qui disparaissent en traversant l’Atlantique pour ne laisser place qu’à un manichéisme simplificateur. Retour sur quelques idées fausses.
Mc Cain – Bush, même combat
Bien que tous deux républicains, les deux hommes sont loin de porter les mêmes idées. « Mc Cain fut au sénat « l’archi-ennemi » du président sortant », explique Marie Bolton, spécialiste de la civilisation américaine. Leurs relations sont d’ailleurs contradictoires, qualifiées de « love and hate relationship ». « Il faut distinguer le sénateur Mc Cain du candidat Mc Cain. » Comme sénateur, il fut un homme politique très indépendant, n’hésitant pas à s’opposer à son propre parti. Il n’a jamais mâché ses mots et s’est illustré dans plusieurs alliances avec les démocrates, travaillant toujours pour le bien du pays.
Sa probité est une qualité que lui reconnaissent d’ailleurs ses adversaires. Les élections ont entraîné un recadrage de l’homme comme porte-étendard du parti républicain, mais ce phénomène est naturel, y compris en Europe, dans le cadre d’une campagne présidentielle.
Mc Cain, réactionnaire sur les questions de société
Argument difficilement contestable mais qui dépend surtout de la colistière Sarah Palin. Outre qu’elle apparaisse aux yeux des Américains comme inapte à assurer la présidence spontanément « en cas de pépin », elle représente la frange la plus conservatrice de l’Amérique. Imposée à Mc Cain par son parti, Sarah Palin est une force pour rallier ces Américains « qui se sentent dépassés par la guerre et la crise mais pour qui le refus de l’avortement est une idée très concrète qu’ils partagent avec les républicains. » Il ne faudrait pas à l’inverse faire d’Obama un partisan du libéralisme en matière de mœurs : s’il est favorable au maintien de l’avortement, il reste contre le mariage homosexuel tout en refusant d’inscrire cette interdiction dans la constitution. A souligner enfin : Dieu est autant invoqué par Obama que par Mc Cain, ce qui est inhabituel pour un démocrate.
Mc Cain, c’est la guerre
La campagne a vu l’apparition d’une dialectique où Obama est le spécialiste des questions domestiques (économie, social) et Mc Cain celui des problèmes extérieurs. La position du républicain sur la Guerre en Irak, comme le maintien des troupes à long terme, a ainsi tôt fait de devenir son idée-force. Mc Cain n’en est pas pour autant un « va-t-en guerre » aveugle : cet ancien soldat a un profond respect pour les militaires qu’il veut protéger au maximum. Il fut dans les premiers à s’opposer à la pratique de la torture dont il a personnellement été victime au Vietnam. Il faudra aussi compter avec la chambre des représentants (vraisemblablement démocrate), le gouvernement irakien et l’évolution de la situation internationale : « Mc Cain n’aura peut-être pas le choix ! » A l’opposé, si Obama propose un retrait rapide d’Irak (en 16 mois), sa focalisation sur l’Afghanistan (envoi de 7 000 hommes supplémentaires) ne permet pas d’en faire un candidat isolationniste.
Mc Cain, vieillard mourant
Attaqué sur son âge (71 ans) autant que sur ses problèmes de santé (séquelles de guerre puis cancer), Mc Cain a longtemps refusé de dévoiler son dossier médical, entraînant la controverse, notamment lors d’un documentaire sur CNN Fit to lead (l’aptitude à gouverner). En mai dernier, son dossier a été cédé au docteur Victor Trastek de la clinique Mayo en Arizona qui a conclu que Mc Cain avait statistiquement toutes les chances de finir son mandat debout. Et les Américains ont confiance en un homme qui a survécu cinq ans dans les geôles vietnamiennes. A l’inverse, la thèse d’un assassinat d’Obama en cas de victoire, sur le « modèle » des meurtres d’un John F. Kennedy ou d’un Martin Luther King, est sinistre mais plausible.
Mc Cain va perdre
« Comment peut-on choisir Mc Cain ? », s’insurgent les Européens, certains de la victoire d’Obama. Les spécialistes sont moins convaincus. « Il ne serait pas étonnant du tout de voir McCain gagner », conclut Marie Bolton. Bien que discréditées par l’impopularité de Bush, les idées républicaines restent très présentes dans la société américaine. Et quid de l’avance d’Obama dans les sondages ? Il faut prendre en compte l’effet Bradley (du nom du candidat noir pour la Californie donné vainqueur à tort par les sondages) qui voudrait qu’une partie de l’électorat affirme soutenir les idées d’un candidat noir mais se refusent in fine à voter pour lui. Reprenons enfin une louche d’humilité : certains candidats nous semblent meilleurs que d’autres mais cette décision revient au seul peuple américain.