Piqués de tarantelle
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mireille vachaumardDans les Pouilles, à l’extrême sud de l’Italie, les chaudes nuits du mois d'août sont rythmées par la tarentelle, une danse célébrée avec force concerts, bals et vin à volonté.
Loin d'être un bref courant de mode, la fièvre des danses populaires salentines [de la région du Salento, à l’extrême sud de l’Italie] est toujours aussi forte et continue à faire de nouveaux adeptes. Si les rites ancestraux des campagnes subsistent – en témoigne le miracle de San Paolo di Galatina – les discothèques européennes ne sont pas en reste.
Pour la neuvième année consécutive, « La Nuit de la Tarantelle » se déroulera du 11 au 26 août au cœur du Salento. En fait de « Nuit », il s'agit bien du plus grand festival musical jamais dédié à la pizzica salentine, une variante de la tarantelle, et à sa fusion avec d'autres langages musicaux tels que world music, rock, jazz et symphonie. Dans les Pouilles, la pizzica rythmait l’antique rituel consistant à guérir les morsures imaginaires de la tarentule, cette araignée venimeuse qui donne son nom à la tarantelle. La tradition voulait qu'une femme mordue par la bête danse de façon effrénée au rythme endiablé des tambourins avant de succomber à l'extase, dans un état de transe ayant pour effet d'expulser le venin de son corps.
Quand le troisième millénaire réinvente la pizzica
Les premiers jours du festival sont consacrés à la pizzica traditionnelle et mettent en scène les groupes les plus importants du Salento. Certains, de par l'âge vénérable de leurs membres, sont de véritables icônes vivantes, au point d'être devenus le Buena Vista Social Club » méditerranéen : les papys du Uccio Aloisi Gruppu ont plus de 70 ans. Quant à Pino Zimba et aux tambourineurs de Torre Paduli, ils occupent la scène depuis plus de dix ans. L'Orchestre Populaire La Nuit de la Tarentelle, né en 2004 de la fusion avec l'Ensemble, possède désormais tous les instruments typiques d'un orchestre.
Le concert de clôture du festival est l'œuvre originale d'un maître appelé à réinterpréter le répertoire traditionnel salentin.
Après avoir été « mordus par la tarentelle », de grands noms de la musique italienne et internationale ont produit des dialogues musicaux inédits : ainsi de la rencontre entre des groupes aussi hétérogènes que l'Orchestre Symphonique de la Province de Lecce et l'Ensemble La Nuit de la Tarentelle. A signaler également la participation de Jow Zawinul, ex-musicien des Weather Report, la rencontre entre la chanteuse israélienne Noa et la langue griko ainsi que la fusion des sonorités rocks de Stewart Copeland, ex-batteur du groupe Police et des rythmes de percussion de la tarentelle. D'ailleurs, depuis qu'on lui a officiellement remis les clés de la ville de Melpignano, Copeland se considère comme citoyen des Pouilles.
Trahison ou valorisation de la musique populaire ?
La question revient souvent. Toutes ces manifestations qui se réduisent à une sorte de « rave » aux sons des musiques populaires, sans grand rapport avec la signification anthropologique de la tarentelle, ne sont pas du goût des puristes. En effet, selon la tradition, seul l'état de transe engendré par cette danse infernale permettait aux femmes issues d'un monde paysan rigide et codifié de se libérer de l'oppression et l'injustice. La vie était-elle meilleure avant la « redécouverte » de la pizzica ? Giuseppe Gala, grand ethno-musicologue et auteur de nombreuses publications en la matière, explique sur son site qu’ « Aujourd'hui, la pizzica n'est plus seulement une danse, mais un emblème, un appel fort, la griffe d'un nouveau mythe culturel créateur de mode, de spectacles, d'un certain type de tourisme et d'un marché de l'édition et de la musique. Toutefois, si ce type de danse populaire fait l'objet d'un véritable engouement, il serait utile d'effectuer une étude détaillée ainsi qu'une analyse ethno-chorégraphique des danses anciennes du Salento. En effet, toutes ces « néo-pizzicas » qui émaillent les concerts folks n'ont jamais été véritablement confrontées aux modèles traditionnels.
La pizzica : une passion internationale
Le rythme endiablé de cette danse d'origine paysanne dépasse désormais les limites des Pouilles : cours et concerts de pizzica et tarentelle ont lieu dans toute l'Europe. Et cet année, la Nuit de la Tarentelle est allée jusqu'à Pékin le 1er mai. Toutes les grandes capitales européennes proposent au moins un cours de pizzica ainsi que divers spectacles.
Les Européens aiment se faire mordre par la tarentule et se laisser emporter par le rythme de l'Italie du Sud. En témoigne Guillaume Rabasse, un Français de Normandie qui a eu le coup de foudre pour la pizzica lors d'un séjour en Italie : « En tant qu'Européen du nord, j'ai découvert un monde nouveau ». Dès lors, un « pèlerinage » dans les Pouilles s'imposait. « En août 2004, j'ai passé quelques jours dans le Salento. J'étais stupéfait de voir autant de fêtes et kermesses organisées dans chaque petit village où jeunes et moins jeunes mangent, boivent, jouent de la musique et dansent pendant des heures. La Nuit de la Tarentelle était fantastique : ses musiciens, tous excellents, et ses infatigables tambourineurs ont marqué mon esprit. Tout comme le magnifique ciel étoilé de Melpignano et la splendide façade de son église. Lorsque je repense au Salento, je vois une terre peuplée de musiciens toujours prêts à jouer ensemble. Un bel exemple de cette grande convivialité des gens du sud ? »
Translated from Se la tarantola pizzica il Salento (e l'Europa)