Piers Faccini : «Plus on se mélange, plus on est riche»
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Il fait pousser ses enfants italiens, et quelques chansons douces dans un champ de nature du Sud de la France. A 34 ans, cet artiste a plusieurs cordes à son arc, même s'il affine particulièrement celle de sa guitare.
« Est-ce du romantisme ? J’ai toujours ressenti une immense curiosité pour la diversité musicale de mes origines »
Au volant de son van Volkswagen, Piers Faccini a cherché et trouvé où domicilier son exil : dans les Cévennes, direction le Sud de la France, en bordure de Méditerranée, mais dans les hauteurs. Les protestants y avaient trouvé refuge avant lui pour pratiquer leur culte « tranquillement ». Il s’y sent bien, personne ne vient l’y solliciter. Il décrit un paysage « lumineux », un silence, un horizon qui donne la couleur dominante de son prochain album intitulé Two Grains of Sand.
« Je suis un apatride », lance-t-il calme, serein, se prêtant, gentiment, mais sans entrain au jeu des questions réponses. Un père italien, une mère anglaise, Piers Faccini est venu au monde en Grande-Bretagne, mais a vu la mer, la Manche très rapidement, pour vivre ses premières années en France. Le résultat aujourd’hui, c’est un artiste qui jongle à trois langues. Et qui, selon la biographie de son site Internet, entretient « une certaine l’idée de l’Europe, peut-être ». Au cas où il y aurait un doute, Piers Faccini éclaircit sa pensée.
Kora et violon
« Mes grand parents étaient immigrés en Grande-Bretagne, alors je sens toutes leurs influences irlandaises, russes, italiennes, gitanes en moi… Est-ce que je rêve ? Est-ce du romantisme ? J’ai en tout cas toujours ressenti une immense curiosité pour la diversité musicale de toutes ces origines géographiques. Comme si c’était inscrit dans mon ADN. » A 34 ans, ce musicien « passionné par les sonorités » touche aussi à la peinture et à la photographie : « Je suis avant tout un grand curieux. Je joue comme un enfant… même si bien sûr tout cela est sérieux. »
Depuis son premier album sorti en 2004, Leave no trace, sa discipline principale est la composition de chansons folk, épurées, lumineuses comme une aube sur les monts cévenols. Dans sa maison, là où a été conçu son dernier disque, on imagine posés ici ou là des instruments du monde entier. Une kora par exemple qu’il emprunte à la musique malienne, et qu’il apprend auprès du joueur Ballaké Sissoko. Un violon qui surgit de nulle part au milieu de l’album. Des impressions de soleil créole. De dilution en dilution, il reste l’essence de tous ces sons. A dose homéopathique. Enfin comme une évidence, il plante son décors : « Plus on se mélange, plus on est riche. » Et en famille, c’est pareil. Grâce à sa femme italienne, il remonte dans son van direction Naples, et ce pays d’où il puise son nom et où creusent ses racines : « J’adore la musique folk traditionnelle du Sud de l’Italie. C’est hyper riche. En fait, j’adore les Italiens mais pas trop leur politique ! »
Trouver les bons mots
On pourrait le trouver un poil neurasthénique. Piers Faccini n’est pas du genre rockeur à gros riffs de guitare. Il affronte aussi les choses de la vie, pas toujours drôles, dans des textes qu’on dit ici ou là plutôt sombres : « Mes chansons ne sont pas torturées du tout. J’ai la volonté de voir le monde tel qu’il est et cela signifie aussi rencontrer des démons. » « S’abandonner à la vie », ajoute-t-il en évoquant la chanson My burden is light (un « fardeau» à la fois « léger » et « lumineux »). Avant de démarrer une carrière en solo et d’être produit à Paris, Piers Faccini était Londonien, et a appartenu au groupe Charley Marlowe pendant cinq ans. C’était aux côtés d’une poète, Francesca Beard. Leur « slam » british a un temps écumé les scènes d’une capitale cosmopolite. Pour lui d’ailleurs, il n’est pas question d’écrire dans une autre langue que l’anglais : « Même si je parle couramment l’italien et le français, pour écrire des chansons, il faut une totale maîtrise. C’est l’art de mettre des mots sur une mélodie et de trouver chaque fois les bons. »
Au printemps, il quittera sa campagne française dépeuplée pour une tournée de concerts. « C’est un luxe, admet-il, de pouvoir enregistrer chez moi, là où je trouve ma meilleure énergie, et ensuite de partir voir l’autre face du monde, en ville, et de rencontrer ce réseau de gens avec qui je peux partager ma musique sur scène. » « Jack of all trades, master of none » : doté des plusieurs flèches, mais incapable d’en placer aucune dans le mille, l’expression qui le tourmentait jeune est désormais de l’histoire ancienne.
Piers Faccini est en tournée en France d'avril à juin 2009.