Persépolis – Révolution et révolte
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Pleine d’ironie et d’humour Marjane Satrapi dessine dans Persépolis une image de la révolution islamique qui est en noir et blanc mais non sans nuances. Elle refuse de faire une nette distinction entre bien et mal et montre plutôt comment préserver son rire malgré répression et violence.
Si en France la conversation tourne vers l’Iran la première question est souvent si on connait Persépolis. En Allemagne les livres de Marjane Satrapi sont moins connus mais on peut espérer qu’après son magnifique film qui vient d’arriver aux cinémas on va aussi penser tout de suite à Persépolis, quand il est question de l’Iran. Car Satrapi a réussi avec son film non seulement de donner forme à ses souvenirs de jeunesse mais aussi de raconter l’histoire de son pays dans des images émouvantes. Bien que les dessins soient en noir et blanc, son image de cette révolution dont l’espoir de liberté fut trop vite noyé dans la violence est néanmoins nuancée.
Le film montre la répression de l’opposition, l’assimilation du public et la persécution de toute opinion déviante mais aussi la continuelle rébellion contre la morale et la recherche de liberté afin de préserver un reste de joie dans la vie. Satrapi montre que dans un temps où les disques s’achetaient au marché noir, des vestes en cuir pouvaient mener en prison et le maquillage provoquait l’ire des gardiens de la morale, la jeunesse arrivait quand même à préserver un morceau de normalité.
La main dans le débris
Mais avec le début de la guerre le dernier reste de normalité est noyé dans le sang. Les nuits sous les bombes, les rues dans le débris, les heures sans fin dans les abrites. L’image de la main, qui seul reste visible sous le débris d’une maison détruite par les raids aériens, reste gravé dans la mémoire de la jeune Marjane. L’exécution de la jeune communiste et le massacre des prisonniers politiques sont seulement esquissés, mais la terreur est partout présent dans le film.
Il y a l’oncle communiste qui fut déjà emprisonné sous le shah et qui peu après la révolution est de nouveau arrêté. Il y a le garçon qui avec une clé pour le paradis est envoyé dans la guerre pour y mourir la mort de martyr. Il y a le parent qui a besoin d’une opération à l’étranger, mais sans passeport reste livré au système médical iranien. A la fin, quand Marjane après une remarque envers son professeur de religion est expulsé de l’école, ses parents décident de l’envoyer à l’étranger.
Scènes pleines d’humour
Satrapi a réussi à transformer le purisme graphique de ses dessins dans un film très vivant, qui joue avec les formes et les styles et qui change entre des scènes quotidiennes et des phases narratives. Si sombre l’histoire, si claires les images, par lesquelles Satrapi la raconte. Elle ne perd jamais son ironie et son humour, parce que c’est seul l’humour qui permet à Marjane de vivre les chicanes et humiliations quotidiens. Et quand Marjane se moque de ses oppresseurs le spectateur est obligé de rire avec elle.
Avec l’arrivée à Vienne il commence une nouvelle phase pour Marjane. Elle arrive à trouver des nouveaux amis entre les marginaux de son école, mais reste néanmoins une étrangère. Pour échapper aux regards étonnés et aux éternelles questions elle finit par dire qu’elle est Française. C’est un autre combat qu’à Téhéran, mais c’est aussi un combat – contre l'étrangeté, contre la solitude, contre l’isolement. Quand elle se retrouve dans la rue ca devient aussi un combat pour la survie.
Crise d’amour
C’est caractéristique pour le film que la plus grave crise de Marjane ne résulte pas de la terreur des mollahs mais d’une histoire d’amour. Ce n’est pas la seule fois que les difficultés d’adolescence superposent le conflit politique. L’objectif de Persepolis n’est pas d’accuser. Si le régime est inhumain, ses représentants restent néanmoins humains. Ainsi le jeune recrût laisse passer la famille de Marjane quand il se souvient de sa propre mère. Et le gardien barbu renonce aux contrôles quand le père de Marjane lui donne une poignée d’argent.
Dans un temps, où le programme nucléaire et les provocations du président dominent l’image de l’Iran, le film de Satrapi montre que le vrai conflit et la vraie tragédie se jouent toujours au sein du pays. L’auteur, qui vit à Paris depuis longtemps, refuse la distinction entre noir et blanc. Elle montre plutôt un pays, qui opprime sa propre société sans pour autant avoir perdu son joie de vivre et son amour de liberté.