Peanuts !
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La grande négociation sur le budget est en cours. Mais sur quoi porte-t-elle ? Etat des lieux des ressources et des dépenses de l’Union.
Le budget européen est passé de 7 millions en 1958 à 116,55 milliards d’euros en 2005. Autant dire peanuts pour financer les politiques communautaires de 25 pays,(comparé au près de 300 milliards pour le budget français en 2004)! Et négocier le budget européen, c’est vraiment ergoter sur des clopinettes…
Bréviaire du budget européen
Les pierres angulaires de la politique budgétaire européenne seront posées dès la fin des années 1980 : codification des mécanismes budgétaires, définition des ressources, établissement des postes de dépenses.
Selon le traité de Rome de 1957, la Commission propose le budget qui est accepté et voté par le Conseil après consultation du Parlement. D’abord cantonné dans un rôle de vérificateur fantoche, ce dernier a su conquérir au fil des sessions des pouvoirs budgétaires de plus en plus importants. Il peut ainsi influer sur le montant des Dépenses Non Obligatoires, c'est-à-dire des dépenses qui ne sont pas inscrites spécifiquement dans les traités mais n’en sont pas moins capitales (Fonds social, Fonds régional, politique énergétique ou industrielle, crédit de fonctionnement des institutions…) et refuser la décharge du budget. C’est ainsi qu’en 1980 et en 1985, les Eurodéputés refusèrent tout bonnement de clôturer la vie du budget et de libérer la Commission de ses obligations de gestion.
Jusqu’en 1970, les ressources de la Communauté découlaient des contributions des Etats membres. Avec la décision du Conseil du 21 avril 1970, l’Europe se dote enfin de ressources propres, ces recettes fiscales perçues directement et définitivement par la communauté dans le cadre des politiques communautaires. Il s’agit des ressources propres traditionnelles (droits de douane, prélèvements agricoles, et cotisation « sucre »), de la ressource TVA, et de la ressource d’équilibre fondée sur le PNB et actuellement limitée à 1,27% du PNB des Etats membres.
Le doublement du budget qui s’opère entre 1979 et 1985 va profiter très largement à la Politique de Cohésion Economique et Sociale (PCES – aménagement du territoire européen et réduction des inégalités régionales). En 1989 le rideau de fer s’effrite : on décide d’assister les Pays d’Europe Centrale et Orientale dans leur effort de reconstruction et de normalisation. C’est la naissance de PHARE.
Ainsi fonds, fonds, fonds…
Omettons la politique agricole qui engloutit à elle seule 45% du budget : les deux politiques les plus remarquables sont sans doute la PCES (fonds structurels et fonds de cohésion confondus) et l’élargissement (instruments financiers de préadhésion). Elles fonctionnent ensemble, la PCES prenant la relève de la politique d’élargissement au lendemain des adhésions.
La PCES est une politique avant tout régionale : par exemple pour la période 2000-2006 trois objectifs de développement sont définis : rattrapage économique des régions en retard de développement, reconversion économique des zones géographiques en difficulté structurelle, adaptation et modernisation des politiques et systèmes d’éducation, de formation et d’emploi. Quatre fonds (FEDER, FSE, FEOGA, IFOP) soutiennent la réalisation régionale de ces objectifs par la mise en œuvre de projets cofinancés par les Etats membres et l’Union. D’une manière générale, ces fonds s’adressent aux régions qui ont un PIB inférieur à 90% du PIB moyen de l'Union européenne. Cela explique que certaines régions défavorisées se situant dans des Etats « riches » bénéficient de la PCES. Il est évident que la définition de l’éligibilité des régions pose problème avec l’intégration d’Etats membres aux revenus considérablement inférieurs… et point ici une des grosses angoisses des contributeurs les plus riches : vont-ils payer uniquement pour le développement des régions orientales ou leurs régions continueront-elles de bénéficier des politiques régionales ?
Changement de catégorie
Les instruments politiques de préadhésion, de leur côté, ont eu pour but de réduire les différences flagrantes de développement avant l’élargissement et d’en réduire au maximum le coût. Le programme PHARE lancé en 1989 devait financer la mise à niveau normative et l’Institution Building des Pays d’Europe centrale et orientale : 30% de l’enveloppe PHARE (10,5 milliards d’euros) a été directement consacrée à la reprise de l’Acquis communautaire (les traités et nos 80 000 pages de directives).
Le 15 juillet 1997, la Commission européenne, forte du succès du PHARE, publie un Livre Blanc prospectif, l’Agenda 2000, présentant les évolutions du projet européen dans la perspective de l’élargissement et propose en bloc la refonte de la PAC et de la PCES et la création d’instruments de préadhésion. Les Etats membres approuvent ses orientations et, lors du Sommet de Berlin de 1999, lancent les instruments financiers ISPA (7 milliards d’euros pour le développement des infrastructures et la protection de l’environnement) et SAPARD (3,5 milliards d’euros pour le soutien aux agriculteurs et la modernisation des exploitations en conformité avec les exigences de la PAC, qui prendra le relais après l’adhésion).
Il est évident qu’au lendemain de leur adhésion, lesnouveaux membres ne perçoivent plus d’aides de préadhésion mais deviennent à la fois contributeurs du budget européen et bénéficiaires de ses politiques. La ventilation des aides agricoles pour la période 2007-2013 ayant été établie en accord avec les candidats à l’adhésion dans le cadre des accords de Berlin de 1999, les négociateurs -encore plus nombreux- du budget 2007-2013 devront se frotter au pire : la réforme de la PAC, le réaménagement de l’éligibilité des régions aux fonds structurels et le financement des élargissements à venir.