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Pays baltes : Moscou lache du lest

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Default profile picture raphaël rouby

Moscou a toujours eu des relations assez tendues avec les pays baltes, et leur entrée dans l'UE va les éloigner encore un peu plus du grand voisin.

Alors que le résultat de l'élection présidentielle russe ne faisait aucun doute, il apparaît avec non moins de certitude que les relations entre la Russie et ses petits voisins baltes vont bientôt entrer dans une ère nouvelle. La Lettonie, la Lituanie et l'Estonie vont rejoindre l'Union européenne le premier mai prochain. Ces trois Petits Poucets de la Baltique ont toujours beaucoup intéressé leur immense voisin, que ce soit sur le plan militaire, économique ou ethnique. Mais depuis que Vladimir Poutine est arrivé aux affaires et depuis que la diplomatie russe poursuit de nouveaux objectifs, on a pu constater un réchauffement certain des relations russo-baltes, surtout pour la Lettonie et l'Estonie.

Poutine et le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes

La Russie n'a jamais hésité à jouer la carte ethnique. Tandis que certains Baltes stigmatisent le néo-impérialisme de la Russie, celle-ci répond en accusant ces pays de violer allègrement les droits des minorités. En 2001, lors d'une intervention diffusée en direct sur l'ensemble des télévisions et des radios publiques russes, Poutine a appelé les Russes et les russophones résidant dans les pays baltes à exiger le statut de langue officielle pour le russe et à réclamer des quotas de représentation dans les organismes gouvernementaux. « Je peux vous assurer que nous intensifierons nos efforts dans la région », a-t-il déclaré. Il n'a pas hésité à comparer la situation dans les Etats baltes à celle des Balkans, et l'on a pu entendre de nombreuses autres « suggestions » de cette nature dans la bouche des officiels russes. Certains analystes relèvent que Poutine est le premier chef d'Etat de l'Europe d'après-guerre qui, dans le cadre de sa politique étrangère, incite publiquement des minorités « compatriotes » d'autres Etats à émettre des réclamations ethniques et linguistiques.

Cependant, toutes les organisations internationales et régionales de défense des droits de l'homme qui ont visité les pays baltes ces dernières années ont déclaré n'y avoir constaté aucune violation des droits des minorités, contrairement aux allégations russes. La sincérité de l'intérêt que porte la Russie à ses citoyens expatriés est donc douteuse. Cependant, force est de constater que les relations russo-lituaniennes sont plus sereines que celles qu'entretient Moscou avec les deux autres pays baltes. La Lituanie est plus souple sur le droit à la citoyenneté et sa minorité russe ne représente que 8,6% de la population, mais les relations avec le géant russe achoppent sur le statut de Kaliningrad au sein d'une Europe élargie et sur le fait que la Russie exige que ses citoyens puissent traverser la Lituanie sans visa pour se rendre à Kaliningrad.

L'UE et la Russie : une entente impossible ?

Au cours de la dernière décennie, la démocratie et le développement économique ont fait des progrès phénoménaux dans les pays baltes. Pendant très longtemps, cette région de la Baltique a constitué une fenêtre sur l'Europe pour la Russie. En mettant en place une stratégie intelligente, l'UE pourrait se rapprocher du géant Russe, comme cela a été le cas pour les Etats baltes. Le 26 février dernier, Chris Patten a appelé de ses vœux « une relation stable et constructive avec la Russie, car ce pays a un rôle important à jouer dans la sécurité du continent et personne ne veut de la division qui pourrait naître de l'élargissement de l'UE et de l'OTAN ».

Mais Moscou fait preuve de mauvaise volonté en refusant d'intégrer les futurs Etats-membres dans l'Accord de Partenariat et de Coopération (APC) que la Russie a conclu avec l'UE. Elle réclame d'abord des compensations pour les pertes commerciales qu'elle ne manquera pas de subir du fait de l'élargissement. La Russie est le partenaire économique et politique le plus important pour l'UE, mais les Européens lui ont adressé un message clair et fort en rappelant qu'ils s'attendent à ce que l'APC soit appliqué aux dix nouveaux Etats-membres, sans condition et sans réserve, d'ici le premier mai 2004. La nouvelle ligne politique de Bruxelles est la suivante : l'UE est prête à entendre les préoccupations économiques russes et à mener en parallèle des discussions politiques, mais la compensation ne saurait constituer un préalable à l'acceptation de traiter avec les pays baltes à travers l'APC.

Un ours blessé peut se montrer dangereux

La question ethnique a également joué un rôle dans les problèmes de sécurité régionale. La Russie a pensé qu'en créant des tensions ethniques, elle dissuaderait les responsables de l'OTAN d'intégrer les pays baltes, qui considèrent leur adhésion à l'OTAN comme leur seule garantie de sécurité. Même si l'ancien ministre de la défense russe Sergei Ivanov a déclaré le 6 mars dernier lors d'une interview au Figaro que la Russie ne constituait de menace pour personne, il faut toujours compter avec la peur qu'inspire son pays. Heureusement, l'OTAN a passé outre l'opposition de Poutine à l'adhésion des pays baltes. En fait, ce sont plutôt les récentes discussions sur l'implantation de bases militaires américaines dans les Etats baltes qui ont rendu les relations américano-russes plus difficiles. Le Kremlin a menacé de « prendre les mesures qui s'imposaient » pour répondre à une éventuelle initiative américaine. Jusqu'à présent, les relations russo-baltes, pour houleuses qu'elles soient, n'ont jamais basculé dans la violence, mais il n'est pas exclu qu'une Russie faible et instable recoure à des mesures désespérées si elle assiste au positionnement de soldats américains à quelques kilomètres de ses frontières.

Poutine vient de changer de gouvernement et il reste encore à voir si sa réélection conduira à de nouvelles évolutions. L'un des objectifs de la politique étrangère russe étant de renforcer les liens avec l'UE, il est possible que la position russe par rapport aux Etats baltes s'infléchisse. Dimitri Trenin, directeur adjoint du Centre Carnegie de Moscou, pense que Poutine désire éviter les confrontations avec l'Europe et il insiste sur le fait que ces trois Etats ne font que « revenir dans le giron de l'Europe ».

Il faut espérer que cette tendance se confirmera dans la politique étrangère russe et que Vladimir Poutine comprendra tous les avantages qu'il a à entretenir des relations de bon voisinage avec la future Europe des 25.

Translated from Everybody Needs Good Neighbours