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Partition belge : d'accords en désaccords

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SociétéPolitique

Près de 3 mois après les élections législatives, les négociations en vue de former un gouvernement sont toujours au point mort. Le pays prend son mal en patience. Témoignages.

Une drôle de fleur de couleur noir-jaune-rouge prolifère depuis quelques semaines dans les rues du Plat Pays. De mémoire de Belge, on n'avait jamais vu autant de fibre nationaliste s'exprimer dans les rues depuis que les plus folles rumeurs circulent dans la presse quant à l'avenir du pays. Si les drapeaux prolifèrent aux balcons wallons et bruxellois, leur absence se fait cruellement remarquer dans les villes flamandes où semble régner une fièvre indépendantiste grandissante, à mesure que s'accumulent les jours sans gouvernement.

« J'ai toujours aimé la Belgique », nous dit ce vieil homme interrogé dans une rue d'Anvers. « Mais quand je vois comment tourne la crise, j'ai vraiment envie de dire aux francophones de tirer leur plan sans nous! ». Son français absolument parfait, sans une bribe d'accent, témoigne du fossé qui prévaut dans le pays en matière d'apprentissage des langues.

Matière à séparatisme pour autant ?

« On a beaucoup fait miroiter aux flamands qu'ils seraient mieux sans nous », répond Aurélie, étudiante en économie à Bruxelles. «Je pense que certaines personnes ont intérêt à diviser le pays un maximum en scindant notamment la sécurité sociale », poursuit-elle, «les politiques flamands font croire aux citoyens lambda que leur vie sera mieux sans les francophones. Mais les syndicats, qui sont la dernière chose pas encore séparée dans ce pays, ne s'y trompent pas et appellent à l'unité! ».

Ce constat est partagé par Christelle, employée à la STIB, le métro bruxellois, qui dit n'avoir aucune difficulté à travailler avec ses collègues flamands. «Nous sommes identiques, je trouve ça pathétique qu'on essaie de nous monter l'un contre l'autre. »

Une affaire de langue

Les mêmes, vraiment ? « La différence vient bien sûr de la langue », poursuit Aurélie « c'est un véhicule de culture qui nous sépare de fait. L'autre jour, j'ai voulu regarder un débat politique à la télévision flamande pour connaître leur point de vue sur la crise politique. Il fallait bien constater qu'il était très différent du nôtre. En Flandre, on n'aborde pas les mêmes sujets. Et ma connaissance du néerlandais n'est pas assez poussée pour en comprendre la teneur suffisamment en profondeur. »

Comment expliquer cette faille linguistique quand tous les jeunes bruxellois doivent suivre 12 ans de cours, à raison de 4 h par semaine ? « Je parle allemand, anglais et espagnol couramment ,» soutient Aurélie, «mais cette langue n'est définitivement pas attrayante, même si j'adore sortir en Flandre : Gand et Leuven sont des villes super, mon amoureux lui-même est flamand ! ».

Si ce peuple est différent et sa langue non attractive, pourquoi vouloir persister à cohabiter avec lui ?

« Le pays est déjà si petit, vous imaginez si on nous coupe encore en deux ou trois ? » répond Sandrine, étudiante en relations publiques, originaire de Wallonie. «C'est vrai que le flamand n'est pas facile, mais ce n'est pas pour cela que ce n'est pas attractif : d'ailleurs mon Erasmus, je le ferai en Flandre, pas dans un pays ensoleillé ! » lâche-t-elle, estimant que les jeunes des deux communautés ont tout à gagner à apprendre à se connaître.

Passer sur CNN, la honte !

« Tu te rends compte si on se sépare, on va passer sur CNN, quelle honte !, » lâche Anouk, jeune anversoise née en Haïti. « Bien sûr que les Wallons peuvent faire des efforts linguistiques, mais on reste quand même tous des humains. On doit être capable de vivre ensemble. Dans ma classe, tout le monde pense pareil ! »

Mais ce discours est-il représentatif dans cette cité d'Anvers qui donne inlassablement depuis dix ans un tiers de ses voix à l'extrême droite séparatiste ? Un énorme drapeau belge, dix fois plus grand que ceux affichés aux balcons de la capitale surgit, accolé à l'enseigne d'un bar. « Ce pays est le seul du monde à n'avoir aucune fierté identitaire ni aucun chauvinisme, » explique son patron.

«C'est d'ailleurs pour cela que je l'aime ! Regardez ces Français et ces Allemands si fiers d'eux-mêmes. Nous, nous sommes l'exact contraire. Ce drapeau n'éveille rien pour moi, si ce n'est un grand poing dans la gueule à cette minorité d'extrémistes qui veut séparer des gens qui n'ont jamais eu aucun problème entre-eux. »