Parlons fédéralisme
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Simon LoubrisLe pouvoir européen se répartit de grandes capitales, des États et l’Union européenne. Mais la construction européenne n’est pas une fin en elle-même. Son but, c’est les droits individuels et un équilibre institutionnel.
On pourrait penser que les Etats sont les méchants. Mais il est clair que l'actuelle Union européenne n'est pas le d’Artagnan postmoderne. En réalité, il existe aujourd'hui entre le pouvoir européen et les Parlements nationaux une relation quasi-hiérarchique. À travers des directives et des règlements, le pouvoir européen transforme les Etats en de simples marionnettes administratives et dilue la responsabilité, au sens politique, en déterminant la règle et en confiant sa mise en oeuvre aux Parlements nationaux et aux administrations étatiques.
De fait, les Etats ont accepté ce modèle au travers des traités communautaires, mais il nuit à présent à la séparation des pouvoirs et aux valeurs constitutionnelles pluralistes : le Conseil des ministres concentre les pouvoirs exécutif et législatif, et s’organise selon une logique étatique. Cependant, et même si cela semble contradictoire, le pouvoir européen et ne représente pas directement les citoyens européens, bien qu’il soit très médiatisé par les Etats.
Un peu de ménage
Si nous parlons du pouvoir et de sa répartition, il faut s'arrêter un moment sur les Etats-Unis, dont le système constitutionnel, pluraliste et fédéral, constitue un grands succès. Il se base sur deux piliers clef : l'unité nationale à travers la coparticipation territoriale (au sein du Sénat) et la double souveraineté, qui constitue un frein à l'absorption par Washington de compétences législatives appartenant aux Etats américains. On limite ainsi la capacité du législateur fédéral à ordonner aux Parlements des Etats fédérés et à leurs administrations.
Si à l’avenir, cette double souveraineté était importée en Europe, l'administration européenne se déploierait sur le territoire des Etats et, par dessus tout, conduirait à une différenciation claire des deux sphères de pouvoir. Ce modèle renforcerait à la fois le pouvoir européen et celui des États.
De fait, avec les transformations constitutionnelles et l'élargissement, les États ne contrôlent plus comme par le passé le pouvoir européen. Par exemple, jusqu'à aujourd'hui les États de l'UE ont eu le monopole de l’application du droit européen sur leur territoire sans qu’une administration supranationale européenne puisse s'immiscer directement dans cette application. Ceci vient du fait que le Traité de Rome était vu à l’origine comme un Traité international qui ne reconnaissait que les Etats, comme sujet de droit, et non leur intégration.
Un fédéralisme pour et avec les citoyens
Aux Etats-Unis, la doctrine de la souveraineté double n'est pas principalement construite pour protéger les droits et l'autonomie des Etats fédérés, mais ceux des citoyens. Toutefois, approfondir le fédéralisme en Europe n'est pas facile. Lors des dernières élections au Parlement européen, le dédain des partis politiques envers la logique intégrationniste européenne a été manifeste. De même, la participation a frôlé des minimum historiques et a vu la montée des partis anti-européens. De fait, si l’on appliquait un véritable fédéralisme dans toutes les sphères, y compris la sphère économique, « les champions nationaux » - ou les entreprises transnationales européennes- s’y opposeraient totalement.
Pour les citoyens, le fédéralisme (y compris économique) représente l’avenir. Nous avons besoin d'un système de contrepouvoir qui nous aide à identifier clairement le responsable de chaque politique dans chaque niveau de gouvernement, qui nous protège contre la tyrannie et qui soit aussi flexible face aux changements. Le fédéralisme est une philosophie politique qui s'adapte à tous les contextes si deux conditions sont respectées : la recherche de l'unité et le respect de l'autonomie et de l'intérêt légitime des communautés différenciées. C'est la manière de fortifier l'Europe, mais aussi les États, en empêchant le paternalisme de certains d’entre eux envers d'autres, les élitismes qui planent sur l'UE avec la perspective d’une Europe à plusieurs vitesses, le centralisme et le déséquilibre socio-économique, de même que le dédain pour les entités étatiques périphériques.
Avec transparence et honnêteté, nous pourrons améliorer nos sociétés en même temps que leur cohésion augmentera. Mais pour cela une démocratisation des structures sera aussi nécessaire : nous devons nous saisir de la co-responsabilité des politiques qui nous influencent et créer une nouvelle administration délibérative, réellement démocratique, parce que la démocratie parlementaire telle que nous la connaissons est le dernier moyen d’y parvenir. Un fédéralisme plurinational et la re-politisation de l'administration publique sont toutes deux nécessaires.
Ces quelques réflexions devraient être débattues par le plus grand nombre, et ne le sont pas encore. Mais l'eurogénération y travaille, et l’on commence à distinguer, sous les pavés, le sable. Parlons de fédéralisme. Maintenant.
Translated from ¡Hablemos ya de federalismo!