Parlons drogue...
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Fernando GarciaLa consommation de drogues s'est banalisée en quelques années. Comment résoudre le problème ? Martin Barnes, président du centre d'études indépendant Drugscope, se livre à cafebabel.com.
Il est devenu plutôt inhabituel pour un homme politique de parler de « lutte antidrogue », car cette expression clichéest désormais passée de mode. Si combat il y a eu, nous l'avons de toute évidence perdu. La très influente Commission d'enquête parlementaire des affaires intérieures du Royaume-Uni a révélé dans un rapport crucial rendu public en 2002 « qu'au cours des 30 dernières années, les politiques plus ou moins répressives d'application de peines pour possession de drogues se sont toutes soldées par un échec ». Avant de conclure que « s'il n'y avait qu'une leçon à en tirer d’un tel gâchis, ce serait ce fiasco ».
Il est impossible de prétendre en toute bonne foi que les mesures mises en place pour lutter contre les dangers de la drogue ont été couronnées de succès.
Au début des années 70, on dénombrait « seulement » quelques milliers d'héroïnomanes au Royaume-Uni contre plus de 250 000 aujourd’hui. Chaque année, ce sont quelques 4 millions d’individus qui consomment des substances illicites et le pourcentage de personnes infectées par le virus du SIDA suite à l’usage de drogues injectables augmente de façon alarmante. On estime à 300 000 le nombre d’enfants dont l’un des parents souffrirait d’une dépendance grave.
Pragmatisme avant tout
Admettre qu’il est utopique de croire possible la disparition de toute drogue de la surface de la planète et prendre conscience des ravages qu’elle provoque ne signifie pas que l’on en cautionne l’usage. Cela ne veut pas dire non plus qu’il faille sombrer dans le désespoir ou militer par dépit en faveur de la légalisation.
En revanche, l'ouverture d'un débat sensé, posé et objectif sur les mesures à adopter pour lutter contre ce qui pourrait bien être le mal du siècle s'impose comme une évidence, l'objectif étant de permettre un échange plus construit et pragmatique que lors des discussions sur la question rebattue de la prohibition et de la légalisation.
Les partisans de cette dernière sont parvenus à instaurer une certaine communication et à briser en partie le tabou que représentait il y a peu l'éventualité d'une réforme radicale de la législation en vigueur. En dépit de cette avancée pour le moins spectaculaire, la plupart des hommes politiques continuent de marcher sur des œufs, redoutant d'être taxés de laxisme à l'égard d'un sujet aussi sensible et voir la presse populaire en faire ses choux gras.
De plus, nombreux sont les arguments en faveur de la légalisation qui ne résisteraient pas à un examen minutieux. A Drugscope, nous ne souhaitons pas nous engager dans le combat pour la légalisation car nous ne sommes pas convaincus du bien-fondé d'une telle revendication. La perspective de reléguer des substances psychoactives extrêmement dangereuses comme la cocaïne ou l'héroïne au rang de banals biens d'usage courant ne nous enchante guère. A nos yeux, il semble inévitable qu'une loi favorable à la légalisation aboutisse à une augmentation de la consommation et de la dépendance.
Des changements radicaux
L'opinion publique prend peu à peu conscience de l'urgence d'une approche innovante en matière de législation anti-drogues. L'adoption d'un nombre croissant de réformes, appliquées de façon progressive et basées sur les résultats des recherches les plus pointues du moment, pourrait changer la situation actuelle de façon radicale. Ce qui ne manquerait pas de donner lieu à controverse.
A titre d'exemple, Drugscope recommande dans certains cas la prescription d'héroïne. Il a en effet été démontré, dans des pays comme la Suisse, qu'elle permettait de réduire le taux de criminalité et la dépendance.
Nous demandons également la création de centres pilotes d'injection d'héroïne où les consommateurs pourraient se droguer en toute sécurité, ainsi que l'allègement de peines souvent trop sévères, à l'encontre des personnes arrêtées avec de faibles doses de cannabis.
Le gouvernement anglais a essuyé de vives critiques pour avoir voté des mesures particulièrement répressives. Parmi ces dispositions, citons la présomption d'intention en vertu de laquelle tout individu appréhendé en possession d'une quantité de stupéfiants excédant un certain seuil de tolérance - soit cinq comprimés d'ecstasy et cinq grammes de cannabis- peut être suspecté de se livrer à un trafic et tomber sous le coup de cette loi récemment votée par le Parlement britannique.
Au Royaume-Uni toujours, des fonds considérables ont été investis dans le développement de traitements contre la toxicomanie. Un dispositif a également été mis en place avec pour objectif de ne pas mettre au ban de la société les personnes souffrant de dépendance en les condamnant à de la prison mais de leur venir en aide en les soignant au sein même de la communauté. Il est néanmoins encourageant de constater que la consommation chez les jeunes a diminué et que les gens se sentent davantage concernés par les délits liés à la drogue commis autour d'eux.
L'éventualité d'un changement
Les mentalités évoluent et c'est une politique plus modérée qui devrait prendre le pas sur la course à la répression à laquelle se livrent depuis toujours les principaux partis, toutefois conscients de la difficulté d'appliquer une législation évolutive en matière de drogue.
David Cameron, député britannique et leader des Tories depuis le 6 décembre 2005, a catégoriquement refusé de s'écarter des recommandations de la Commission d'enquête, incluant notamment une rétrogradation de la classification de l'ecstasy dans la hiérarchisation des drogues.
Cameron a déclaré « qu'il était temps de mettre de côté nos idées préconçues et de lutter contre les effets dévastateurs de la drogue sur les consommateurs en particulier et sur la société de façon plus générale ». Suite au rapport réclamant l’instauration au Royaume-Uni de locaux réservés aux personnes souhaitant se droguer sans enfreindre la loi, le Parti conservateur a créé la surprise en annonçant même que le projet en question méritait d'être examiné.
Le gouvernement a par ailleurs commencé à faire le point sur les résultats de son plan décennal de lutte contre la drogue, censé arrivé à terme en 2008. Tant qu'aucune solution miracle n'aura été trouvée pour enrayer de façon significative les dégâts causés par la consommation de substances illicites, le débat restera ouvert. Reste à espérer que les dirigeants européens sauront saisir les opportunités de le faire avancer…
Translated from Moving the drugs debate forward