Paris : une lutte sans Morsi
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Cécile VergnatDes femmes, des hommes et des enfants hurlent à tue-tête un slogan en faveur de la démocratie : il existe en Europe un monde arabe qui ne s’est pas résigné au coup d’Etat égyptien du 3 juillet. Voici la brève chronique d’un après-midi de protestation dans les rues de Paris.
Peu mais bien : lorsqu’il s’agit d’idéaux ce ne sont pas les chiffres qui font la différence. Ce qui compte vraiment, c’est la question de savoir si les manifestants sont en mesure ou non, de capturer avec le regard, avec le sourire ou avec un slogan les personnes qui les observent parfois avec un air sceptique, de l’autre côté de la route. Ce qui compte, c’est d’être capable d’émouvoir, de créer de l’empathie. C’est ce qu’ont réussi à faire les citoyens (quasiment tous d’origine arabe) qui ont défilé dans les rues du 2ème et du 3ème arrondissement de Paris le samedi 10 août. « À bas les militaires », criaient les quelques centaines de personnes qui ont parcouru la rue Beaubourg à côté du Centre Pompidou, pour arriver place du Châtelet. Des femmes, des hommes et des enfants en vélo ou en poussette, des familles entières se sont unies pour montrer leur désapprobation face au coup d’Etat militaire en Egypte.
Une voix pour tous
Mona, une jeune lycéenne, hurle à tue-tête dans un microphone relié à deux amplificateurs. Les haut-parleurs sont debout à l’arrière de la fourgonnette qui mène le cortège. C’est pour cela que Mona doit marcher à reculons en entonnant les slogans. Elle porte une veste phosphorescente pour se faire repérer par les voitures qui défilent lentement le long de la voie opposée. Elle n’a pas son pareil pour mobiliser la foule. « Sommes-nous des terroristes ? », hurle-t’elle révoltée au cortège. « Non », répond la foule à l’unisson. « Sommes-nous pour la démocratie ? », continue Mona. La réponse affirmative de tous les manifestants résonne comme une détonation. Lorsque les personnes du cortège me voient avec mon appareil photo en main, elles me sourient et prennent la pose. Elles sont ravies d’être remarquées et de pouvoir véhiculer leur message politique. Pour elles, aucun malentendu n’est possible : en Egypte il y a eu un coup d’Etat et cela constitue une atteinte aux règles de la démocratie.
Les frères musulmans, mais pas seulement
Même si un des slogans les plus chantés est « Morsi c’est la vérité », tous les participants ne sont pas des sympathisants des frères musulmans. « Mais nous sommes tous pour la démocratie et contre la violence » me confie Zainab, l’autre jeune fille qui prend souvent en main le microphone. Un faible sourire apparaît sur son visage lorsqu’elle voit que je suis surpris par ses affirmations. En regardant de plus près, tous les manifestants ne sont pas Egyptiens : il y a ceux qui défilent simplement avec une pancarte sur laquelle est écrit « Syrie » et ceux qui agitent le drapeau de la Tunisie. Il y a aussi des manifestants algériens et marocains qui prennent part au cortège : c’est toute une partie du monde arabe, nord-africain, qui a émigré en France et qui revendique l’existence d’un système politique démocratique dans leurs pays d’origine
Vers 20 heures, le cortège arrive à la place du Châtelet. Un groupe de manifestants prend une longue toile rouge, blanche et noire et l’agite à un mètre du sol, comme si c’était un tapis volant. Un autre garçon fait voler les drapeaux égyptien et français. C’est Zainab qui s’empare à nouveau du microphone et remercie officiellement les forces de l’ordre qui leur ont permis de défiler en sécurité. Puis elle lance un dernier slogan qui est en réalité un appel. Toutes les personnes la suivent encore une fois en cœur : « médias français, racontez la vérité ».
photos du cortège
Translated from Morsi di democrazia