Paris n'est PAS le centre de la Banane bleue
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C'est vous qui voyez...
L'autre jour, je voulais faire une surprise (ça m'arrive) à mon étrangère d'épouse (qui n'est pas européenne, en plus) : préparer une visite près de Munich à une amie à elle étrangère, même pas européenne non plus, mariée à un allemand.
Mes finances étant ce qu'elles sont (...) après avoir cotisé pour un vol, je me renseigne sur les trajets par train.
Pas seulement par économie, parce que, finalement, c'est chouette le train, surtout pour une étrangère-même-pas-européenne.On ne peut pas faire plus européen comme moyen de transport, surtout pour elle: c'est ici que le chemin de fer est né et c'est la qu'il s'est développé comme nulle part ailleurs, quadrillant tout le continent. D'ailleurs, dans son pays loin de l'autre coté de l'océan, il n'y a même plus aucun train, pensez donc...
Bref, c'est peut être pas aussi rapide que l'avion, mais on débarque directement en centre ville, pas dans un trou perdu. Et puis, il y a le charme du tacapoum-tacapoum, du paysage qui défile et change par la fenêtre. Bref du voyage, du vrai, avec valise en main, compartiment et temps pour la réflexion.Romantique.
Sauf qu'il y a un problème: de 4 heures de voyage en avion, on passe à 16 heures en train, pour le trajet le plus rapide.
La raison ? Pour aller du sud de la France à Munich, soit approximativement de 600 km, il faut passer par ...Paris. Soit en faire 900 au nord, pour redescendre au sud et en faire presque autant.
Vous allez à Madrid ? passez par Moscou... et je n'ai rien inventé
Le TGV, c'est super, rien a dire. Le problème, c'est que comme chacun sait, le réseau de voies ferrées français, comme le réseau routier, ressemble à une étoile dont le centre est Paris : Toutes les routes y mènent. Le TGV renforce alors la tendance centralisatrice: il devient plus facile de se rendre à la capitale depuis n'importe quelle métropole régionale...plutôt que de se rendre dans une autre ville de France, fut-ce dans la même région. Et si vous avez l'idée saugrenue de vous rendre dans une ville moyenne européenne à partir d'une autre ville moyenne française, fut-elle deux fois plus proche que Paris, cela risque de devenir un cauchemar.
La Banane bleue et le service public
Pourtant, il n'y a aucune fatalité. le réseau des voies ferrées Allemand, pour ne citer que lui, est l'exact inverse du Français. Ce n'est pas une toile, mais un quadrillage, une matrice. Enfin, un simple coup d'œil sur l'ensemble du réseau européen révèle la macabre singularité française, ses habitants étant pris en otage de la toile d'araignée francilienne.
N'en déplaise à la capitale, si on savait que Paris n'est pas le centre du monde, elle n'est pas non plus le centre de l'Europe.
Cette "révélation" a bien sur traumatisé bon nombre d'élus et de technocrates français, lorsqu'on leur a exposé les réalités de la désormais très médiatique "banane bleue", dont Paris ne fait pas partie. Celle ci n'est pourtant qu'une métaphore des observations des géographes et des aménageurs, qui constatent que la zone la plus densément peuplée, urbanisée et "riche" de l'Europe, se concentre dans un axe compris entre les citées-état italiennes et les anciennes cités hanséatiques de la mer du nord, jusqu'à l'industrieuse Londres. C'est la le fruit de l'histoire et d'échanges très anciens a travers l'Europe, commerciaux, mais aussi religieux, gastronomiques, culturels, qui expliquent (par exemple), que l'on trouve des recettes de pâtes dans la cuisine traditionnelle jusqu'à Strasbourg (qui elle, fait bien partie de la banane).
Pourtant, il n'y a pas lieu d'être traumatisé. A l'heure ou l'on frémit d'horreur face à la privatisation de la SNCF et que l'on clame tout haut les vertus du "service public", il serait peut être temps de la mettre en pratique en contrebalançant la "toile d'araignée" par une meilleure connexion des métropoles françaises entre elles et à la banane. Lille, Lyon, Marseille en sont très proches, et auraient tout à gagner à être mieux connectées au cœur vital et industrieux de l'Europe. Tout autant, voir plus encore qu'à Paris.
Mieux encore, le prolongement d'une connexion de Marseille peut donner lieu à la naissance d'un "arc latin" (ou banane latine si vous préférez), la ville se retrouvant ainsi en position de centralité sur un axe Barcelone-Milan, avec l'apport potentiel que l'on imagine.
Paris ne serait plus au centre de tout ? quelle abomination...
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