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Paris : les lendemains qui chantent

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Culture

Paris ville morte, Paris capitale de l’ennui… Fin 2009, la pétition « Paris : quand la Nuit meurt en silence » envoyait un signal : le monde de la nuit a la gueule de bois. Mais 4 ans après, à travers des concepts comme la Concrete, la capitale française semble enfin avoir trouvé la solution pour réveiller les corps fatigués. Rencontre avec les démons de minuit.

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2008. La France interdit la cigarette dans les lieux publics. Ravi de préserver la santé des non-fumeurs, le gros méchant Législateur oublie de spécifier l’endroit où les fumistes pourront mégoter. Effet nocif ? Le trottoir fait un tabac et devient le refuge du fumeur qui devient lui-même l’ennemi public n°1 du riverain. Loin de ne concerner que le clopeur-tapageur, cette année-là sonne comme une déclaration de guerre à la tranquillité publique. Chaque bataille est une fête, avec ce que cela implique comme joies…et gueule de bois.5 ans après, de l'aveu d'Eric Labbé: "la demande du public, en particulier chez les 18-25, est plus forte qu'elle ne l'a jamais été. Les gens préfèrent aussi danser sur une terrasse au bord de l'eau en plein jour plutôt que dans un sous-sol exigu en pleine nuit."

La teuf tuée dans l’œuf ?

« On avait le sentiment que la nuit était ankylosée par l’apathie des gens »

Un an après, la France a mal au casque. Les plaintes à répétions, les AG des associations de riverains et les fermetures administratives ont eu raison des soirées vodka-pomme. Dans ce contexte de verrouillage officiel, difficile pour les organisateurs de soirée de vendre du rêve. Mais bien souvent quand le Mal rôde, c’est Labbé qui intervient. Car Éric Labbé, oiseau de nuit parisien et principal initiateur de la pétition lancée en 2009 « Paris: quand la Nuit meurt en silence » a bel et bien tenté de remettre l’église au milieu du village. Ambition n°1 ? « Faire contre-poids » L’homme aux mille et une nuits se souvient : « On avait le sentiment diffus que la nuit n'était pas dans une bonne phase, comme ankylosée par l’apathie des gens ». Pourtant, l’Appel de la nuit est un succès immédiat. En plus de récolter celui des artistes, organisateurs et patrons d'établissements, la pétition bénéficiera de l’assentiment massif du public. Un an après les soirées difficiles, les « acteurs de la nuit » peuvent enfin célébrer les lendemains qui chantent.

Depuis, « de très nombreuses initiatives sont venues redonner des couleurs à la nuit parisienne », assure Éric. Le collectif Die Nacht figure parmi les premiers à innover en osant investir de manière éphémère des lieux en périphérie de Paris. Zone industrielle à Bobigny, carrière de craie et usines désaffectées se transforment le temps d’une soirée en repaire de la bringue. Puis, les soirées Sundae débarquent. Mis en place chaque dimanche (de 15h à 23h) à l’orée des beaux jours, le concept « a montré qu’on pouvait faire un truc un peu plus underground, plus décalé et pas forcément en club », souligne Brice.

Brice est l’homme derrière les soirées Concrete qui, parmi tous ces nouveaux projets parisien, incarnent sûrement le mieux le renouveau des soirées techno de qualité. Le secret de cette réussite tient en trois mots : l’absence de voisins. Matérialisée sur un bateau en bord de scène et - à l’origine - structurée entre 7 et 2h (deux fois par mois), la bonne idée affiche « complet » à chaque session, Aujourd’hui, peu d’organisateurs peuvent se vanter de rameuter 2000 personnes en une soirée et en plein cœur de Paris.

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Le pari semblait pourtant risqué. Contrairement aux Berlinois, les Parisiens n’ont pas vraiment la culture de l’after. A moins de se finir dans des caves humides, difficile de continuer la fête quand il fait jour. Brice flaire le coup et se niche dans un espace où évidemment personne n’est allé : « les gens s’ennuyaient depuis 10 ans. On s’est dit que logiquement ça allait marcher », confie-t-il. Ce fut le cas, comme si Paris n’attendait que ça.

Techno-logique

« A Berlin, tout le monde parle de la Concrete »

Vingt ans auparavant, à la fin des années 80, l’Europe en général et la France en particulier succombent au charme électrique de la techno, tout droit venue de Détroit. A la fin des années 90, le mouvement house de Chicago avec des « raves où  Garnier mixait », est détourné. Ce qu’on appelle des raves sont alors marquées par les free party dans les champs « qui faisaient flipper à cause des reportages à la télé », précise Brice. De l’autre côté, moins obscur, « t’avais Ibiza, David Guetta et tous les trucs supers commerciaux. » C’est ainsi que la Concrete se vendra : comme le trait d’union entre les raves anarchiques et le clubbing façon jet-set. « Dès le début, on s’est dit qu’on ne voulait pas faire un événement underground pour rassembler exclusivement les gens fans de techno. Le but c’était d’arriver au même niveau que Londres ou Berlin et de faire en sorte qu’il devienne normal d’écouter de la techno. »

Andy Warhol, des gangsters et des putes

Encore récemment, il était courant de voir les Parisiens s’envoler pour Berlin ou Londres, juste le temps d’un week end, à la recherche d’un endroit agréable offrant une programmation de qualité. Mais, de l’aveu de notre homme, Paris rayonne désormais : « Les artistes adorent venir jouer a Paris. Avant c’était une tannée pour les faire venir. Maintenant c’est les artistes qui demandent à venir jouer à la Concrete et de manière générale, ils préfèrent jouer à Paris qu’à Berlin. Quand je vais à Berlin, tout le monde me parle de la Concrete. C’est le spot qui est en train de tout péter car c’est parti de zéro. » Quant aux Parisiens ? « Ils n’ont pas encore fait l’effort d’être fiers. »

Qu’importe, Brice a réussi son pari : rassembler. Car La Concrete, c’est aussi et surtout un certaine idée de la communion. Brandis fièrement par ses organisateurs, les éléments hétéroclites du concept forment le cocktail parfait où les mythiques soirées au Palace dans les années 80 tiennent lieu de référence : « t’avais Andy Warhol et à côté t’avais des putes, des travellos, des gangsters. C’est ce mélange qui faisait que t’avais une vraie teuf. »

Où est Andy ? Arriveras-tu à le trouver ?Vous l’aurez compris, les chosent bougent en ce moment dans la Ville Lumière. À l’instar de la Concrete, les afters se multiplient et désormais - entre le 6b, la ferme du bonheur, le Pigallion, les Weather et autres Marvellous festival – quand il 5h, Paris s’éveille encore.

Tous propos recueillis par Louise Monlaü

Toutes photos : © Lara Kiosses

Story by

Matthieu Amaré

Je viens du sud de la France. J'aime les traditions. Mon père a été traumatisé par Séville 82 contre les Allemands au foot. J'ai du mal avec les Anglais au rugby. J'adore le jambon-beurre. Je n'ai jamais fait Erasmus. Autant vous dire que c'était mal barré. Et pourtant, je suis rédacteur en chef du meilleur magazine sur l'Europe du monde.