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Paquet énergie-climat 2030 : la déception attendue a bien eu lieu

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BruxellesSociété

Alors qu’ils devaient envoyer un signal fort à un an de la Conférence mondiale sur le climat qui se tiendra à Paris, les dirigeants européens ont opté pour des objectifs à la baisse par rapport au projet de la Commission européenne. 

Il est près de deux heures du matin, la salle de presse de la France du Conseil européen est plongée dans le silence et la torpeur en attendant un éventuel accord des dirigeants européens et surtout la venue du président François Hollande.

Alors que la salle s’enfonce tout doucement dans une somnolence cotonneuse, un journaliste hurle « 40-27-27 ! 40-27-27 ! ». Les autres subitement s'animent puis s’enfièvrent. Il s’agit des différents objectifs du paquet énergie-climat 2030 conclus par les dirigeants européens.

Bilan en demi-teinte

Au terme du dîner, les chefs d'État et de gouvernement se sont mis d’accord pour une réduction d’au moins 40 % des gaz à effet de serre par rapport au niveau de 1990, une part des énergies renouvelables portée à 27 % dans le mix énergétique européen, et enfin une efficacité énergétique à 27 %. Seul le premier point sera contraignant au niveau européen et national. Le deuxième sera obligatoire au niveau européen alors que le troisième n'est proposé qu'à titre indicatif.

La Pologne et les autres pays moins riches de l’Union ont su obtenir d’importantes compensations financières, notamment dans le cadre de plusieurs mécanismes de solidarité financés par les revenus sur le marché du carbone européen.

Par ailleurs, les États membres se sont mis d’accord pour que 10 % de la vente aux enchères des quotas d’émissions de CO2 soient transférés aux pays dont le revenu par habitant est en dessous de 90% de la moyenne européenne « au titre de la solidarité, de la croissance et des interconnexions ».

La communauté verte déçue

Des objectifs moins ambitieux pourtant que ce qu’avait proposé la Commission en janvier de cette année. L'exécutif européen avait notamment établi à l'origine les économies d’énergie à 30 % et dont certains États membres voulaient les rendre contraignants.

« Les dirigeants européens ont ôté toute forme de vie au projet politique sur le climat et l’énergie pour 2030 », ont déclaré les Verts dans un communiqué. L'eurodéputé vert luxembourgeois Claude Turmes a qualifié cette ­décision de « gigantesque irresponsabilité ». Même son de cloche du côté des ONG engagées dans la lutte contre le changement climatique. Les objectifs « sont bien en déça de ce qui pourrait être fait par l’Europe pour combattre le changement climatique », s’agacent ainsi les responsables des Amis de la Terre. Oxfam de son côté considère qu'une « action insuffisante de la part des pays les plus riches fait peser le fardeau sur les populations les plus pauvres ».

Ce nouveau paquet revêt une importance toute particulière. D’une part, ces nouveaux objectifs prendront la relève des « 20-20-20 » (20 % de baisse des émissions, 20 % d'énergies renouvelables, 20 % d'économies d'énergie), ces objectifs adoptés en 2009 à atteindre à l'horizon 2020.

D’autre part, ils annoncent la position des Vingt-huit à l’orée de la conférence sur le climat de Lima en fin d’année. Cette réunion représente la dernière ligne droite avant celle cruciale de 2015, la Conférence de Paris, qui devrait être l'accord successeur du protocole de Kyoto ratifié il y a presque vingt ans déjà.

Un enjeu considérable

« Nous avons abouti à un accord que je trouve très ambitieux pour la planète, parce que l’Europe montre l’exemple », a déclaré le président de la République française lors de l’ouverture de son discours à l’issue du dîner. L’accord arraché tard dans la nuit a une résonnance mondiale, dans le sens qu’il pose les positions de l’Union européenne dans la  perspective de la Conférence onusienne sur le climat qui se tiendra en décembre 2015.

Or la France aura une responsabilité toute particulière, puisqu’elle sera le pays d’accueil de l’évènement et se devait par conséquent d’obtenir un accord le plus ambitieux possible. D’où la pré-réunion tenue à Paris par le président français le 23 octobre au matin avec la famille sociale-démocrate européenne. Au cours de celle-ci, François Hollande avait appelé de ses voeux à la conclusion d'un « compromis ambitieux ». « Il est très important que l'Europe soit une référence en matière d'ambition climatique », avait répété le président français.

Le voilà rassuré. « C’était donc maintenant que l’Europe devait aboutir, non pas à un accord partiel, non pas à un accord intérimaire, non pas à un accord provisoire, mais à un accord conclusif, définitif », résume François Hollande devant un parterre clairsemé de journalistes le même jour tard dans la nuit.

Deux stratégies s’opposent parmi les dirigeants européens sur la portée des objectifs. D'une part, les défenseurs en faveur d’objectifs inconditionnels pensent que l’Europe doit prendre les devants au niveau international et être à l’avant-garde de la lutte contre le changement climatique pour pouvoir accroître les chances d’adopter des objectifs ambitieux par la communauté internationale. Un point de vue que partage visiblement le président français.

D'autre part, les tenants de la deuxième approche pensent au contraire que l’Europe va se retrouver coincée seule dans un cadre contraignant, au détriment de sa compétitivité, comme ce fut le cas à Copenhague et Cancún. Ce deuxième point de vue est notamment porté par les grands industriels européens.

L’interconnexion électrique, pomme de discorde

Finalement, les États membres se sont mis d’accord pour un objectif de 10 % des interconnexions électriques après une longue passe d’armes nocturnes. Le projet d’interconnexion électrique désigne l’obligation de mettre la capacité de production d'électricité à disposition d'autres pays de l'UE, et ce, dans une stratégie d’autonomisation de l'Europe quant à ses ressources énergétiques, notamment vis-à-vis de la Russie.

Le Portugal souhaite fixer ce taux à 15% et l’Espagne à 10%. La France veut quant à elle des objectifs non contraignants. Finalement, c'est la position de Madrid qui a été retenue.

Les deux pays de la péninsule ibérique accusent la France de vouloir préserver le secteur du nucléaire face à la concurrence que représentent les énergies renouvelables. Du point de vue de la France, l’Espagne a développé le secteur du renouvelable outre mesure sans prendre en compte la demande nationale. La France considère par ailleurs qu’un niveau de 15% ne représentait pas la situation réelle de la demande au niveau transfrontalier et impliquerait des investissements dans de nouvelles infrastructures qui seraient inutiles.

Certaines craintes subsistent quant à une possible révision à la baisse des objectifs une fois que la Conférence de Paris sera passée. « Il n’y a pas de date prévue, il n’y a pas d’échéance évoquée, mais le Conseil européen pourra à un moment opportun [...] pourra regarder le respect des objectifs […] et qui pourra donc revoir, réexaminer [les objectifs] », a précisé François Hollande à ce sujet en fin de conférence.