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Pape oecuménique, Pape diplomatique

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Un dialogue entre religions, c’est un peu comme la diplomatie, à deux exceptions près : les rivalités se jouent sur les différences d’interprétation de la foi et les discussions portent sur 2000 ans d’histoire.

Trois mots prononcés par Benoît XVI, tels une charade, nous permettent d’avoir désormais une idée des relations qu’entretiendra la chrétienté avec les autres religions sous son pontificat : dialogue, évangélisation et enseignement. Même si ces trois concepts ont chacun plusieurs facettes, ils restent indissociables quand on aborde les liens entre religions.

Dialogue

Qui dit dialogue, dit diplomatie. Rabbi David Rosen, une figure clef dans les relations entre Israël et le Vatican, connaît personnellement Benoît XVI et déclarait à propos de ce dernier, au quotidien publié en hébreu, Ha’Aretz : « Il est profondément impliqué dans les bonnes relations entre l’Eglise catholique et le peuple juif et il est inconditionnellement engagé pour le bien-être d’Israël. Du point de vue strictement juif et israélien, c’est une bonne nouvelle. »

Lors de sa messe d’inauguration, le nouveau pape a annoncé : « J'apprécie les progrès du dialogue entre musulmans et chrétiens, aussi bien sur le plan local qu’international. » Comme il le dit, la religion musulmane est présente aussi bien localement, en Europe, qu’à l’échelle internationale, en tant que grande religion. Dans la foulée, Dalil Boubakeur, recteur de la mosquée de Paris, déclara : « J'espère que le nouveau pape oubliera le conservatisme du cardinal Ratzinger au profit d'une vision hautement spiritualisée, hautement ouverte, dépassant le cadre des dogmes et de la doctrine. »

Ces messages des représentants des deux autres grandes religions monothéistes prouvent leur sens diplomatique. La présence d’hiérarques juifs et musulmans lors de l’intronisation du nouveau pape témoigne que, depuis Vatican II, les trois religions monothéistes sont presque en « relation spirituelle ». On se parle, on se répond et on s’invite, donc.

Evangélisation

Le pontificat de Benoît XVI se fera sous le signe de l’évangélisation. Evangéliser ou re-évangéliser n’est pas un problème si on le fait chez soi. Là où ça coince, c’est quand on le fait chez le voisin. Le père Charles, Irlandais de (London-)Derry et ancien pasteur d’une petite communauté catholique de Russie, mène avec grande prudence ses rapports avec les fidèles attachés au Patriarche de Moscou. Renvoyant d’abord vers son homologue orthodoxe les quelques brebis qui viennent à lui en quête d’une spiritualité nouvelle, il ne les accueille qu’une fois leur ferveur clairement affichée.

La rivalité qui sépare la chrétienté d’Orient de celle d’Occident et qui jadis causa le schisme de 1054, est d’autant plus d’actualité qu’une guerre d’influence se déroule en Europe. Deux méthodes sont envisagées : la conversion individuelle des fidèles et la conquête de communautés entières, paroisses ou évêchés.

Alors, peut-on parler d’oecuménisme ou de prosélytisme ? Depuis une dizaine d’années, le patriarche Alexis II de Moscou traite volontiers le Vatican de « prosélyte ». Ces propos pourraient être nuancés car l’Eglise catholique ne peut décemment pas, à l’image des Mormons, faire sa publicité en plein centre de Moscou ou de Jérusalem. Dernièrement, le patriarche Alexis II a déclaré au nouveau Pape : « J'espère sincèrement que le pontificat de Votre Sainteté sera marqué par le développement de bonnes relations entre nos Eglises, et un dialogue entre orthodoxes et catholiques qui portera des fruits. »

Enseignement

Quel enseignement pourrait donner le Saint-Siège pour se rapprocher de ses voisins ? Une bulle papale favorable à l’avortement ou à la contraception ? Le rôle de l'Eglise est de former les gens à sa propre morale et il ne revient pas à l’opinion publique de modifier cette éthique pour l'adapter à la sienne. Il ne s’agit pas ici d’être libéral ou conservateur.

N’oublions pas que les différences entre religions portent principalement sur des questions d’interprétation de la foi. Il faut être disposé à retrouver les liens qui unissent l’Eglise catholique aux autres religions et confessions chrétiennes. L’accent doit être mis sur la spiritualité plus que sur les dogmes et les doctrines de l’Eglise de Rome, quitte à faire des concessions. Un pas en avant a récemment été fait quand le Pape, lors de sa nomination au titre d’évêque de Rome, a affirmé que son pouvoir d’enseignement n’était pas en opposition avec la liberté de pensée.