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Papa Poutine ou père fouettard ? Les jeunes russes désunis

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Matthieu Amaré

SociétéPolitique

Le 27 novembre, Vladimir Poutine s’est officiellement déclaré candidat pour les élections présidentielles russes en mars 2012. Tandis que les statistiques officielles confortent Papa Poutine dans son rôle de héros de la nation, est-ce que les conditions de vie des jeunes russes comptent dans l’élaboration des statistiques ?

Durant les 8 ans de mandat présidentiel assurés par Vladimir Poutine (2000-2008), le PIB russe a augmenté de 7%, sortant ainsi le pays du marasme économique dans lequel l’Union soviétique s’était fourrée. On (ou plutôt les affidés de Poutine) pourrait être tenté de souligner que la croissance s’est finalement accélérée. Les jeunes russes cesseraient de penser à aller voir ailleurs. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Même si beaucoup de mesures étaient supposées améliorer leurs niveaux de vie, ces jeunes russes ont encore du mal à imaginer un futur heureux. Pendant ce temps, la population continue de décroître. Et apparemment, la croissance économique ne s'accompagne pas forcément d'une amélioration des conditions de vie. Les jeunes luttent donc pour leur survie et pour une éducation convenable. Quant à fonder une famille, vous pensez bien…

Universités truquées et décisions familiales

« Le principal problème reste la corruption et la banalisation des connivences », affirme Tatyana, une journaliste de 22 ans. « Même le secteur de l’éducation est gangréné. Le système a été réformé il y a six ans. Aujourd’hui, pour rentrer à la fac, les candidats doivent faire partie d’un processus de recrutement manipulé. Par exemple, les examens d’entrée sont truffés d’erreurs ». Peut-on, de fait, être admis dans une prestigieuse université  sans payer un imposant bakchich ? L’odyssée ne s’arrête pas là. Être diplômé ne garantit pas non plus une vie décente. « Je connais bien ce que veut dire chercher du travail en Russie », indique Tatyana. « J’ai fini mes études il y a quelques mois. J’espère encore être chanceuse. Et je n’ai pas envie de tomber amoureuse d’un patron plus vieux, si tu vois ce que je veux dire…»

« Les autorités ont établi une loi qui empêche les parents d’accéder directement à l’aide financière »

Plus de 15 ans après le délitement de l’Union soviétique, la fédération de Russie a perdu entre 750 000 et 800 000 habitants par an. Certes 6% de moins qu’au milieu des années 90 mais la Russie bat encore des records en termes de morts prématurées et de faible taux de natalité. La voie d’extinction démographique du pays ne s’est pas arrêtée avec les réformes entreprises au cours de la dernière décennie. Une loi permet d’offrir 365692 roubles (environ 9000 euros) aux familles qui décident d’avoir un second enfant. Le problème est qu’avec ce type de montant, on ne peut pas faire grand-chose en Russie. « Les autorités ont établi une loi qui empêche les parents d’accéder directement à l’aide financière », indique Tatyana. « Le total perçu devrait être alloué au financement des études, à la location d’un appartement ou à la pension alimentaire. C’est pourquoi cette loi est source d’une grande incompréhension. Sachant que maintenant, en Russie avec seulement 9 000 euros tu t’achètes dans le meilleur des cas, une lunette de chiottes. »

Laissez-leur manger du pain

La vie des jeunes russes est « dure, très dure ». Cette sur-diplômée de 31 ans, qui souhaite rester anonyme, est incapable de s’exprimer plus sur le sujet, tellement il y a de choses sur lesquelles elle pourrait disserter. L’explication de l’environnement socio-politique russe nécessite évidemment plus qu’une longue conversation. Mais désormais, les Russes ont commencé à exprimer leur mécontentement. Et ce de plus en plus fort. Ils discutent ouvertement du fait que les sommes d’argent générées par la politique de Poutine ne se trouvent pas dans les caisses de l’État mais garnissent les poches des « siloviki », les anciens apparatchiks, toujours au pouvoir même après l’effondrement du système communiste. Ces gens-là n’ont jamais eu l’idée que, en qualité de fonctionnaires, ils pouvaient réinvestir cet argent dans d’éventuelles politiques publiques. Pas étonnant que les jeunes russes, qui s’acoquinent avec ce genre d’individus, ne se plaignent jamais de leurs conditions de vie.

Au lieu de mener une politique réformiste capable d’encourager la modernisation du pays, le Kremlin reste encore loyal à cette bonne vielle philosophie du 18ème siècle, selon laquelle Marie-Antoinette suggéré de manger du cake pendant la pénurie de pain. Bien que le « père de la nation » ait lui-même reconnu que « le système russe n’était pas parfait », il reste toutefois confiant sur son éventuelle victoire aux élections de 2012. Encore combien de temps faut-il pour que les Russes puissent mener une vie meilleure ? « Je suis sûre qu’il va gagner », conclut Tatyana. « Notre opposition est inexistante. Si aucun changement radical n’a lieu, il tirera les ficelles du pays pendant encore 20 ans. Nous, les jeunes russes, attendons une révolution (dans 20-30 ans) qui renversa l’ensemble du système. Mais notre histoire a montré que de tels changements en Russie sont toujours sanglants. »

Photo : Główna (cc) ninara/ Flickr

Translated from Kto nie chciałby żyć w krainie Putina?