Panama Papers: La révélation d'une évidence
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Catherine Combes[Commentaire] La Süddeutsche Zeitung espérait que la révélation des Panama Papers serait un coup de théâtre de l'ampleur du Watergate. Pourtant, les réactions se font attendre.
Chaque année, l'Allemagne se met à la recherche du mot le plus abject, un mot qui ne reflète pas seulement le moral des Allemands, mais qui contient également en lui un concentré des mois précédents. Ca a déjà été "bien-pensant", puis "presse mensongère", ou encore "manque d'alternatives". Quelle notion décidera-t-on de mettre en avant cette année? Sans doute celle de "société écran".
On s'attendait à ce la publication par la Süddeutsche Zeitung des Panama Papers soit un nouveau Watergate, à ce que l'absence de scrupules et l'effronterie des puissants y soit exposée et provoque le courroux des 99%. La presse internationale se félicitait déjà de ce gros coup: on s'en prenait aux coupables, on exigeait des démissions, des excuses,... mais l'ire escomptée s'est fait attendre. Doit-on en déduire que nous nous sommes habitués aux malversations de l'élite économique depuis la crise financière?
Des méchants corrompus sortis d'un film hollywoodien
Apres les révélations des Panama Papers, la presse a d'abord concentré son attention sur Sergei Roldugin, le "violoncelliste de Saint Petersburg" devenu "tailleur du Panama". Une nouvelle occasion de pointer du doigt la corruption de l'Europe de l'est?
La corruption figure au top 10 des clichés associés à cette région du monde, et en est presque devenue synonyme. Blouson de cuir, lunettes noire, gourmette, clope au coin des lèvres et verre de vodka à moitié vide en main, en train de compter des billets dans une pièce sombre... voilà comment les films hollywoodiens aiment à peindre les hommes d'Europe de l'Est. Mais ce stéréotype n'est utile qu'aux réalisateurs qui ont besoin d'un méchant pour leur prochain film d'action.
Que peuvent donc faire les Européens de l'Est? Comment faire enfin comprendre au reste du monde que tous ne sont pas comme ca? On s'échine à mettre en avant le tournant démocratique, l'intégration européenne, on se réclame de la communauté européenne, on s'engage pour le changement et on s'efforce de se distancer du passé.
Et c'est là que sont publiés les Panama Papers, qui semblent venir annihiler tous les efforts passés. Pas tant que ça, en fait, puisque ce ne sont pas que les transactions de Vladimir Poutine qui ont été mises en lumière, mais également les liens qu'entretiennent le Premier ministre islandais Sigmundur Gunnlaugsson et le Premier ministre britannique David Cameron avec des sociétés écran.
C'est comme si la communauté internationale ne savait plus où donner de la tête: comme pendant la finale de Wimbledon, on regarde à gauche, puis à droite, puis à gauche, puis à droite, en attendant de voir dans quel camp va tomber la balle.
Les Panama Papers ne font qu'exposer une évidence. Nous savons tous que la corruption existe, que le monde de la finance ne se distingue pas par sa droiture morale, et que beaucoup veulent éviter de payer des impôts. Le philosophe viennois Konrad Paul Liessmann a ainsi résumé la situation dans l'émission suisse Sternstunde Philosophie: "Si quelqu'un a la possibilité de mal agir, il la saisira. Il suffit d'avoir lu un peu de Nietzsche pour ne pas trouver tout cela bien surprenant." A l'Est tout comme à l'Ouest.
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Cet article fait partue des EAST SIDE STORIES, une série qui doit contribuer à encourager la diversité des points de vue dans les médias européens.
Translated from Leaks: Die Veröffentlichung der Offensichtlichkeit