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Palais de la République : chronique d'une mort annoncée

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Culture

La destruction annoncée de l'un des symboles de la RDA, le Palais de la République, a entrainé le foisonnement d'une multitude de projets architecturaux.

Durant l’un des brefs répits que les nuages accordent aux touristes, un groupe de Chinois pose au coeur de l’ancien Berlin-Est pour les traditionnelles photos de voyage. Aux pieds de la statue de Karl Marx et Friedrich Engels, située dans le jardin entre l’Hôtel de Ville et la Karl Liebneck Straße, le photographe manie son objectif dans tous le sens, en faisant la moue. Il n’est pas satisfait du cadre de la photo : pas moyen de cacher l’image phantasmagorique d’un édifice géant qui jaillit, tel un cadavre, derrière les deux héros communistes.

Cette ombre récalcitrante, c'est celle du Palast des Republik, alias le Palais de la République, ancien siège de la chambre des représentants de la République Démocratique d’Allemagne (ex-RDA) aujourd’hui disparue, le régime communiste vassal de l’Union soviétique jusqu’en 1989.

Inauguré en 1970 par le dictateur Erich Honnecker sur les ruines de l’historique Stadtschloss -le palais des empereurs de Prusse-, «le batiment n'était pas seulement un Parlement mais un édifice abritant aussi une salle de concerts, un théâtre, des restaurants, des espaces d'exposition et des cafétérias libres d'accès pour tous les citoyens. Soit un véritable lieu de rencontre », comme le décrit Alexander Schug, un historien allemand.

Le batiment faisait partie, avec l'omniprésente Tour de la Télévision s'élevant à 300 mètres de l’autre côté du jardin, d'un ensemble architectural imposant destiné à projeter à la face du monde une image de modernité et de développement dont se targuait le régime marxiste allemand.

La structure réunissait tous les fastes de l'avant-garde architecturale et du design d'intérieur des années 70. Mais aussi le germe d'un cancer difficile à éradiquer: l'amiante.

Tels des requins sur une proie

«Je suis sûr qu'en 2017, nous ouvrirons ici le nouveau château des empereurs de Prusse », affirme sans sourciller et avec un air messianique, Lür Waldmann. A 52 ans, cet avocat allemand type –stature haute, blond, les yeux bleus, robuste, l'expression contenue, comme sorti du mythe des Walkyries-, défend la totale reconstruction du château des empereurs à Berlin, quand la démolition du palais de la République sera terminée.

En avril 2003, le Parlement fédéral a approuvé les travaux de désamiantage et de démolition du Palast. Dans l'intervalle, des projets de toute sorte ont surgi pour trouver une nouvelle utilité au terrain vague laissé par la destruction de l’édifice.

L'un d'entre eux se nomme ‘Wir Bauen Das Schloss ’ [Nous construisons le château] et c'est l'initiative conjointe de deux investisseurs privés « visant à injecter 500 millions d'euros pour la reconstruction d'une réplique identique du château dans sa pureté originelle » , comme en témoigne l'une des brochures de présentation. L’idée est d’y ajouter par la suite « une galerie marchande, un hôtel, des restaurants et de permettre aux touristes de visiter les appartements des empereurs prusses ».

Avant tous travaux, l'Etat doit donner son autorisation pour acheter le terrain et accorder une licence commerciale. « Le projet serait auto-financé et l'Etat économiserait beaucoup d'argent», argumente M. Waldmann, l’un des instigateurs du projet, regrettant néanmoins qu' « à l'heure actuelle, des parlementaires de tous les partis disent que le terrain n'est pas à vendre ».

Pas question pour l’instant de privatiser les reliques du Palast. Il est vrai que l’administration allemande est loin d'être pauvre. Le Parlement fédéral va, selon toute vraisemblance, valider en septembre prochain, l’attribution d’une partie des 480 millions d’euros destinés à la construction du Forum Humboldt, un musée dédié à la diffusion de l’œuvre scientifique des frères Humboldt. Dans ce cas, seule la façade principale de l’ancien château serait reconstruite.

L’argent est récolté en ce moment chez des donateurs privés par une association : la ‘Förderverein Berliner Schloss’ [Association de soutien au Château de Berlin], conduite par son promoteur, Wilhelm von Bodin, un riche commerçant de Hambourg.

« Nous ne nous opposons pas à cet autre projet », reprend M. Waldmann, « mais nous pensons qu'il n'y a pas besoin de tant d'espace pour quelques masques rapportés d'Afrique ou du Japon, que l'on peut tout aussi bien voir à Paris ou dans d'autres villes européennes. »

La nostalgie comme arme de poing

On traite souvent de nostalgiques tous ceux qui souhaitent conserver les symboles et les lieux du régime communiste. C'est ce qui arrive à l'association de jeunes architectes berlinois autoproclamés ‘Palastrettern’ [sauveurs du palast] qui veulent « dépasser la dispute idéologique entre Palast ou château » et critiquent les dépenses colossales prévues pour les projets privés et publics à venir pour occuper le nouvel espace.

Eux souhaitent conserver le Palast en raison de son utilité pratique et de son statut d'édifice multifonctionnel. « Nous ne pouvons pas nous permettre un orchestre symphonique, mais un château oui ? », s'interrogent-ils. « Quand on aura fini la démolition du Palast, il n'y aura plus qu'un terrain vague à l'abandon », constatent-ils.

« Les défenseur du projet du château ne sont qu'une bande de fascistes », affirme, le cigare dansant sur les lèvres, Hannes, dans la cuisine d'un de ses amis au cœur même de Kreuzberg, quartier bohème par excellence. Une opinion que ne dément pas l’historien allemand Shug. « Ce que je regrette, c'est effectivement la perte d'un patrimoine architectural en faveur d'un palais prusse au beau milieu de la ville, avec toutes les réminiscences militaires qu'il comporte ».

Shug, en association avec ses élèves du cours d’histoire de l'université Humboldt, Arne et Jan, a notamment monté durant tout le mois d'août une exposition au musée de Prenzlauer Berg sur l'Histoire du Palast der Republik. Le principe est d’élaborer « une archive historique de l'édifice ».

Le seul empereur : le tourisme

Alors pourquoi vouloir reconstruire un château en lieu et place de ce monument chargé d’histoire. « Si je me promène dans Berlin, je trouverai de nombreux bâtiments modernes. En cinq minutes je saurai comment on les a construits », justifie Waldmann, « cependant, je pourrai rester des heures à observer le château sans m'ennuyer. C'est la même chose avec le château de Versailles ».

Frank Freiherr von Coburg, membre du projet, ajoute que « cela n'a rien a voir avec des rois et des empereurs. Le but est d'attirer plus de touristes ». Une assertion corroborée par Daniela Urbschat, photographe artistique associée à l'initiative de M. Waldermann : «  mon engagement va évidemment pour une amélioration de la ville et pour que l'on parle plus d'elle ».

Quiconque aura dorénavant envie de savoir ce qu'est devenu le Palast der Republik devra se référer au musée de la RDA. Et c’est déjà pas mal.

Translated from Berlín, el rompiente de las nostalgias