Ovidiu, t’as ta roue de secours ?
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Il a un rire de voyou Dans le fond des yeux : des amis Il a le cœur au bord des coups Le Gitan, le Gitan, Daniel Guichard, «Le Gitan » Ça arrive toujours comme ça. Sans prévenir. Etrange. Oui étrange parce que l’on s’attend toujours au départ d’un collègue. On sait que c’est sa dernière semaine, son dernier jour, sa dernière heure. Pourtant, on discute comme avant.
Comme si le fait d’évoquer son départ signifierait l’aveu de le voir partir plus tôt.
Bien sûr, on s’envoie un resto et une soirée pour sanctionner le tout. On s’embrasse. On rigole. On s’aime. Mais bon, il arrive toujours un moment où à l’orée d’un lundi de chien, il manque un truc que l’on n’avait pas remarqué. Un truc auquel on n’avait même pas forcément pensé dans l’éventualité de son départ. Une absence, quoi.
Vous le savez, cafebabel.com est une assoc’ qui
régale
niveau turn-over. Parfois, à l’échelle d’une carrière, les gens
qui sont passés
par là vous résumeront leur expérience babélienne avec un
« bonjour-bonsoir ». Même si l’on ne place personne sur un
piédestal,
on se doit bien de dire qu’aujourd’hui que ce n’est pas le cas. La
personne
dont nous rédigeons l'homélie babélienne a peut-être réuni à lui-seul
– deux ans et
demie durant – toutes les valeurs qui ont traversé cafebabel.com
depuis 11 ans.
Du bénévolat jusqu’à l’impertinence.
« Honné » et droit
C’est l’histoire d’un mec venu de la Roumanie
qui débarque
en costard trop long courant 2010 dans le but de venir voir s’il y
avait moyen
de trouver du boulot sur la capitale. Premier venu, premier reçu.
Voilà que le
bonhomme - avec un curieux accent marseillais - sévit en tant que
« project manager » (il aimait bien le terme anglais, ça donnait
un
petit côté american-western) auprès des bénévoles babéliens,
s’occupant de ses
tâches comme un grand vizir. Réservations, auberge de jeunesses,
hébergements,
restos, transports…le mec est devenu client privilégié chez Ryan
et Wizz Air en deux mois s’empiffrant de sites low-cost avec l’appétit
d’un déterré.
En 30 mois de taf, le « project manager » c’est environ 758 456
heures de vol, 425 restaurants, 369 auberges de jeunesse et 4589
cheveux
laissés en route.
Dj Tataru
Rendu pâle et chauve par les missions, il prendra tout en travers de la tronche. Première ligne face à l’inconfort du journaliste, il encaissera dignement « les rats dans une cuisine de Vienne », « l’absence de lits dans un appart à Varsovie » ou « les 300 bornes de distance entre l’auberge et le lieu d’un reportage à Minsk». Droit – sans broncher – le manager prend les coups, donne de sa personne et de la carte-bleue (de la boite mais bon quand même...). Tout est arrangé la main sur le cœur.
Ce n’est évidemment pas tout. Si la vie
babélienne d’Ovidiu
Tataru s’était arrêté à la Roumanie, Easy Jet et des rats, on
aurait juste
donné le synopsis à Emir Kusturica. Non – fasten your seatbelts-
celui qu’on
appelait aussi Dj Tataru a inventé un genre. Oui, ma petite dame.
Jusque là, et
sans nous méprendre, nous n’avions jamais entendu parler de
« gonzo-journalisme roumain ». Le genre donc – mêlant cochonnerie,
hardiesse et insolence – est né dans ce que le monde entier
connaît désormais
sous le nom de « Who the fuck are you ? ». Le « project manager »
devenu journaliste dégueulasse sous la formule
« whisky-flip-cam-casquette-de-terrain »
abattait un à un artiste hipster et artisans musical de seconde
zone. Non sans
peine. 18 heures de montage pour 2min de clip. Le ratio le plus
cher de
l’histoire du final-cut. Mais tant pis. A ce moment-là, notre
personnage tient
sa double-vie : « project-manager » le jour, « gonzo la
nuit ». Tout ça baigne toujours dans le low-cost mais le plus
important
dans l’histoire, c’est que d’un seul coup, Ovidiu Tataru le
« project
manager roumain à l’américaine » devient l’un de ceux qui
justifiait son
salaire : un volontaire. Appréciez-donc mesdames-messieurs le don
de soi absolu
de celui qui, après avoir guidé une communauté babélienne qui
compte
désormais plus d’un millier de bénévoles actifs, rentre dans la
meute et devient
lui-même – grosso modo hein – la machine qu’il a fabriqué.
Incroyable n’est-ce
pas ?
Blues run the game, « mèc »
Le problème c’est que même quand on est
Roumain, on a rien
sans rien. A l’heure où l’on vous parle, Ovidiu Tataru est
sûrement toujours
aussi chauve, délavé comme un bidet, en train de ruminer sa vie
babélienne
entre des nouilles chinoises et une bouteille de William Peel.
Mais le
principal « mèc », c’est que lorsqu’on a vu ta chaise vide ce
matin,
c’est un peu le condensé (low-cost) de tout ça, qui nous a éclaté
à la tronche.
Et deux ans et demi de rires, de sueurs, de larmes, de cris, de
joies, de
peurs, de stress, de clopes, de cafés, d’angoisses… qui explosent c’est un peu
comme ce post.
C’est beaucoup trop long.