« Orbán » bien qui rira le dernier
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Par Lucie Dupin, le 18 janvier 2012
Le bruit courait depuis le début de cette session plénière. La Hongrie s’est invitée au Parlement européen ce mercredi. La procédure en infraction lancée par la Commission européenne sur les lois constitutionnelles hongroises*, a semblé susciter l’étonnement du Premier ministre hongrois Viktor Orbán.
Preuve en est, il a adressé une lettre au Commissaire Barroso, se disant ouvert à des négociations. Récit d’un débat houleux dans l’hémicycle.
15h15 ce mercredi après-midi, alors que les députés européens terminent l’élection des questeurs, Martin Schulz, fraîchement élu président du Parlement, annonce la venue du Premier ministre hongrois, Viktor Orbán. L’Allemand social-démocrate invite les députés ne souhaitant pas participer au débat à quitter l’hémicycle. Un flot se retire progressivement. Nicolai Wammen, Ministre des affaires étrangères danois, représentant la présidence du Conseil, est invité à prendre la parole en premier. Appuyer le rôle de la Commission, gardienne des Traités, dans sa procédure en infraction et intérêt commun à ce que la Hongrie respecte l’Etat de droit sur le fondement de l’idée européenne. Voilà ce qui ressort de cette première intervention. Du côté de la Commission, « clarté sur les valeurs et fermeté sur les principes » semble être le Credo de la journée pour le Président Barroso. Quelques jours plus tôt, Thorbjørn Jagland, le Secrétaire général du Conseil de l’Europe avait également réagi à la situation en suggérant une analyse des textes législatifs concernés, par des experts compétents du Conseil de l’Europe.
S’en suit alors un ballet d’interventions et questions-réponses musclées dans les rangs des députés, à commencer par les présidents de groupes.
Il est vite reproché au groupe majoritaire PPE, dont est membre le parti hongrois du Fidesz, son silence assourdissant. Son président, Jospeh Daul, s’en remet aux analyses de la Commission sur ces lois cardinales controversées. Pour certains, la prise du pouvoir de Viktor Orbán au printemps 2010, marquerait le début d’un processus de sortie de la dernière constitution communiste encore en place en Europe. Jusqu’à ces réformes constitutionnelles, le pays vivait encore sous une constitution adoptée en 1949. Pour le président du groupe des sociaux démocrates, l’autrichien Hannes Swoboda, la Hongrie, entrée dans l’UE en 2004, n’y trouverait plus sa place si l’adhésion devait se discuter aujourd’hui avec ces nouvelles lois.
Le libéral Guy Verhofstadt, Président du groupe ALDE plaide à nouveau en faveur de l’application de l’article 7 du Traité de l’UE, estimant que la situation ne peut plus se contenter d’avancer par échange de lettres et mises en demeure. La gauche européenne se rallie à cette prise de position.
Pour les Verts, Daniel Cohn-Bendit tient son rôle de tribun, interpellant l’assemblée croyant : « rêver car toute l’opinion de l’Union européenne a mal à la tête. L’Union européenne n’est pas un paillasson sur lequel on s’essuie les pieds mais une maison à construire ». Le renouvellement de la constitution en Hongrie serait ainsi souhaitable « mais il peut aller dans la mauvaise direction, celle des Chavez et Castro ».
Un défilé de « cartons bleus » s’invite dans ce débat, procédure qui permet aux eurodéputés de demander la parole et poser une question après l’intervention d’un de leur collègue.
L’hémicycle se scinde vite en deux, entre une droite prenant majoritairement position pour le cas hongrois, et une gauche virulente.
A mi-parcours, Martin Schulz appelle au respect des temps de parole, qu’il a, jusque-là, laissé quelque peu déborder. Le débat devait durer une heure et demi, trois heures auront été nécessaires.
Orbán prêt à écouter l’Europe ? Plus tard en fin de journée, lors de la conférence de presse, Viktor Orbán a regretté le nombre d’erreurs et incompréhensions brandies dans les arguments des eurodéputés opposés à ces lois. Le Premier ministre hongrois les invite à les lire. Et à un journaliste l’interpellant sur sa personnalité très calme lors du débat dans l’hémicycle, le Premier ministre répond même qu’il serait dans la coutume hongroise de comprendre son interlocuteur.
Une écoute qu’il faudra alors mobiliser ce mardi, pendant le tête-à-tête Barroso-Orbán, sur fond de discussion entre l’esprit de la législation hongroise et l’Union européenne.
* Les trois procédures en infraction concernant l’indépendance de la Banque centrale hongroise, l’âge de départ à la retraite des juges et les nominations à l’autorité de supervision pour la protection des données.
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