On a topé La Taupe
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Par Rémi Lafon Plus de 10 ans après la crise des missiles de Cuba, et près de 20 ans avant la chute du mur de Berlin, le début des années 70 est au cœur de l’une des guerres qui n’en fut pas une : la guerre froide. C’est le contexte de l’un des films de ce début d’année, La Taupe.
Au cœur de ce long-métrage attendu, un climat de suspicion permanent qui empoisonna le monde et tout particulièrement l’Europe, coincée entre les deux grandes nations de l’époque dont l’envie d’en découdre fut, fort heureusement, toujours neutralisée par le traumatisme de la Seconde guerre.
Autant vous le dire d’emblée, évitez d’inviter pour vous accompagner 1) Votre nouvelle copine qui vous excite encore 2) Votre meilleur pote anti-cinéphile-volubile 3) Votre autre meilleur pote, tout aussi anti-cinéphile, qui n’a pas compris la chute du film 40 ans toujours puceau . En effet, la complexité du scénario, associée au flou permanent de l’intrigue, ne vous donneront pas le choix quant à la concentration exigée face à ce puzzle historique. Plusieurs fois au cours du film, vous croirez revenir à votre adolescence, craignant de sortir de la salle comme après ce bon vieux Matrix, n’ayant pas pipé mot de l’histoire. Car ce fameux puzzle se fait, et se défait inlassablement : on a l’impression de courser le bus de l’histoire, on le touche, on croit pouvoir y monter en route, on n’est jamais sûr de ne pas rester planté sur le bord de la route. Le grand mélange des moments de l’action, des personnages et des enchevêtrements de faits marquant installeront un brouillard dans votre esprit dont l’épaisseur semble difficile à disperser.
L’histoire se passe au cœur de l’, entre les bureaux du fameux cirque des services secrets britanniques et des places fortes du Vieux Continent où se jouent à plusieurs reprises le basculement de cette guerre psychologique. Adapté du , on y retrouve différents protagonistes hauts placés des renseignements anglais avec, sans doute possible, la fameuse taupe qui s’y cache.Le Carré magique
Europe
célèbre roman de John Le Carré
La narration laisse peu de place à l’action. Ici, tout est question de stratégie, de complot, d’agent double (voire triple, quadruple…). On retrouve néanmoins l’ambiance froide attendue. Cette ambiance qui mélange les soupçons incessants, la tension omniprésente des relations entre personnages et la froideur des quartiers londoniens. Cette guerre-là porte donc bien son nom, associée à une esthétique du film qui déteint parfaitement cette froideur ambiante aux couleurs ternes.
Niveau casting, peu de critique à faire, les acteurs (Gary Oldman, Mark Strong, John Hurt, Colin Firth...) sont impeccables, la justesse est de rigueur et le charisme attendu bien présent tout comme la réalisation soignée de Thomas Alfredson où chaque scène est brillamment mise en image.
Un pied dans l'écran, l'autre sur le parking
Malgré tout, et sans savoir si c’est le fond ou la forme qui a déraillé, on n’accroche jamais vraiment. Certes, le scénario est bien ficelé, la réalisation impeccable, on se répète, presque pour s’excuser de l’avoir si peu apprécié. Mais au fond, cette histoire ambitieuse coule sur nous plus qu’elle ne nous captive. On ne s’ennuie pas, mais le temps ne s’arrête pas pour autant, on a un pied dans l’écran et l’autre sur le parking.
Lorsque l’on réalise un film complexe, on s’attache à tenir en haleine le spectateur, à entretenir son espoir d’un dénouement simple, efficace. Ici, le brouillard a beau se lever sur l’intrigue, on n’en reste pas moins de marbre. On prend sa veste et on s’en va, on se dit que c’est un bon film et on le répètera. Mais on sait bien qu’au fond, en rentrant, pour retrouver cette froideur londonienne, on se fera pour la douzième fois et sans le répéter, Les Promesses De L’Ombre.
Photo : ©courtoisie de allocine.fr ; Vidéo : officielbandeannonce/YouTube